Les « vingt demandes » d'un enfant de parents séparés ou divorcés
Quelles sont les « 20 demandes d'un enfant de parents séparés ? » Le Père Charbel Pazat de Lys (osb) de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux et aumônier des « Compagnons de Naïm », conscient que les enfants sont les premiers meurtris par un divorce, nous donne des éléments de réponses...
Les Vingt Demandes d'un enfant de parents séparés et les tentatives de réponse d’un parent :
Les demandes ci-dessous d’un enfant de parents séparés ou divorcés, ainsi que les réponses d’un parent fidèle à son Sacrement de Mariage, ne peuvent pas correspondre à toutes les situations de séparation, bien trop diverses pour qu’il soit possible d’en résumer de cette façon les conséquences et les besoins d’un enfant de divorcés. Le but est seulement de donner les grandes lignes les plus universelles, pour susciter la réflexion et éventuellement déboucher sur une rédaction propre à chacun(e), qui permette de mieux se donner une ligne de conduite cohérente.
Chère Maman, Cher Papa,
« Mon cher enfant »
1- N’oubliez jamais : je suis l’enfant de vous deux. Maintenant, vous ne vivez plus ensemble, mais j’ai besoin aussi bien de l’un que de l’autre.
- « Oui tu as raison, tu es l'enfant de nous deux ; crois-moi, je ne risque pas d'oublier ce qui est inscrit dans ma chair. Si je souffre moi aussi de la situation, c'est justement surtout parce que je sais combien elle te prive de la présence normale de l'un de nous ».
2- Ne me demandez pas si j’aime plus l’un ou l’autre. Je vous aime tous les deux tout autant, même si c’est de manière différente. Ne critiquez donc pas l’autre devant moi. Car cela me fait mal. D’autant que souvent je ressens ces critiques comme retombant sur moi.
- « Il a pu m'arriver, hélas, dans des moments où j'ai manqué de maîtrise, de chercher à t'attirer vers moi plus par égoïsme que pour ton bien. Je le regrette. J'essaye d'éviter de critiquer, je te le promets ; il est simplement très dur de me dire que, pour ne pas critiquer, tu vas croire des choses fausses, ou bien tu vas admettre des attitudes dont toi-même vas souffrir plus tard —parce que tôt ou tard tu finiras par savoir des choses, mais peut-être déformées. Alors, si un jour tu te sens prêt(e) à ce que je t’explique mon point de vue, dis-le moi, comme ça je pourrai me préparer moi aussi et te dire les choses avec calme et amour.
Au fond je sais que c'est notre séparation elle-même qui, d'une certaine façon, m'enlève le droit ou la capacité de te protéger, puisqu'à ton point de vue, j'ai ma part de responsabilité dans ce défaut essentiel de protection qu'est la séparation elle-même. Cela ajoute à ma douleur.
Je ne vais pas me justifier devant toi ; je comprends bien que pour toi, même si à certains moments tu me dis le contraire, dans ton cœur aucune séparation n'est totalement justifiable, c'est normal. Ce qui t'arrive est tellement injuste ! Tu ne peux même pas te faire idée de combien je regrette qu'il en soit ainsi, et que je n'aie pas réussi à l'éviter.
Alors je ne vais peut-être plus te protéger autant ou comme j'aurais aimé pour toi ; je vais demander la grâce que ta protection soit intérieure, qu'elle vienne de la force d'aimer que Dieu a mise en toi. Qu'elle vienne de Quelqu'un qui, Lui, ne manque jamais ».
3- Aidez-moi à maintenir le contact avec celui d’entre-vous chez qui je ne suis pas. Formez son numéro de téléphone pour moi, ou écrivez-moi son adresse sur une enveloppe. Aidez-moi, à Noël ou à l’occasion de son anniversaire, de lui confectionner ou de lui acheter un beau cadeau. De mes photos, faites-en toujours une copie pour l’autre.
- « Je vais essayer d'aller dans ce sens. Laisse-moi le temps d'y arriver. Aujourd'hui, je suis si écorché(e) que, pour ne pas sombrer, pour te rester disponible, pour ne pas critiquer comme tu le demandais, je dois rester prudent(e), me protéger un peu pour tenir. Il ne faut pas enlever trop vite les points de suture ».
4- Conversez comme des adultes. Mais conversez. Et ne m’utilisez pas comme messager entre vous – encore moins pour des messages qui rendront l’autre triste ou furieux.
- « Oui, mais n'oublie pas qu'une conversation se fait à deux… Aussi, ne m'en veux pas si, lorsque je ne parviens pas à ce qu'il y ait un véritable dialogue, je préfère au moins éviter le conflit en ne décrochant pas au téléphone ou autre. C'est pour ça que, pour les choses qui te concernent, c'est un moindre mal que tu lui en parles directement. Mais pour tout le reste tu as raison, ce n'est pas à toi de faire le postier de malheur. Si jamais je m'étais laissé(e) aller, dis-moi simplement : ça oui, ça non ».
5- Ne soyez pas triste quand je vais chez l’autre. Celui que je quitte ne doit pas penser que je ne l’aimerai plus d’ici quelques jours. Je préférerais toujours être avec vous deux. Mais je ne peux pas me couper en deux – seulement parce que notre famille s’est déchirée.
- « Mon enfant, ce n'est pas que tu ailles chez ton père/ta mère qui me fait mal : c'est juste que ça me rappelle à chaque fois qu'on n'est plus ensemble. Qu'on t'oblige à naviguer entre deux. Quelquefois, que tu pourrais y perdre ton âme. Et que je ne peux plus empêcher tout ça. Tu n’y peux rien, ce n’est pas du tout ta faute. Et profondément, je serais bien plus malheureux/se que tu abandonnes ou que tu méprises qui t'a donné la vie. Moi aussi j'ai besoin que tu le/la respectes, quels que puissent être ses torts ».
« J’ai peur que tu te croies coupable de quoi que ce soit dans notre histoire, et j’aimerais tellement éviter cela plus que tout : non, vraiment, tu n’es responsable de rien dans tout ça ! Alors ne te crois pas, en plus, coupable de nous faire mal lorsque tu vas voir l’un ou l’autre : autant que cela dépende de moi, je souhaite vraiment que tu y sois heureux(se) sans arrière-pensées ».
5- Ne prévoyez jamais rien durant le temps qui m’appartient avec l’autre. Une partie de mon temps est à ma Maman et à moi ; une partie de mon temps est à mon Papa et à moi. Soyez compréhensifs.
- « N'aie crainte, je ne te priverai jamais de ces temps si essentiels. Puisses-tu en profiter, puissent-ils être un moment où tu retrouves la paix du cœur ».
6- Ne soyez ni étonnés ni fâchés quand je suis chez l’autre et que je ne donne pas de nouvelles : ce n’est pas que je ne veux pas, mais je n’y arrive pas toujours. J’ai maintenant deux maisons. Et je dois bien les distinguer – sinon je ne m’y retrouve plus du tout. Ne me passez pas à l’autre, à la porte de la maison, comme un paquet. Invitez l’autre pour un court instant à l’intérieur et conversez. Quand je suis recherché ou ramené, laissez-moi un court instant avec vous deux. Ne détruisez pas ce moment en vous fâchant ou vous disputant.
- « Ce sera dur, mais je veux bien essayer de ne pas trop attendre de tes nouvelles. Si quelquefois je craque et t'en demande, je t'en prie ne m'en veux pas : ce n'est pas par jalousie, c'est que …je t'aime, et que malgré moi j'ai souvent peur pour toi, peur aussi de perdre l'enfant en plus (du conjoint). Mais dis-toi bien une chose, mon enfant : je te fais confiance ; et je vais essayer d’être patient(e) ».
7- Laissez-moi être ramené par quelqu’un d’autre de la Maternelle ou de chez des amis si vous ne pouvez supporter le regard de l’autre.
- « Ce n'est pas toujours possible. Mais je t'ai entendu(e), je vais essayer de ne pas t'infliger un moment pénible ».
8- Ne vous disputez pas devant moi. Soyez au moins aussi poli que vous le seriez avec d’autres personnes, comme vous l’exigez aussi de moi.
- « C'est vrai que rien ne justifie la grossièreté, et la colère est souvent mauvaise conseillère. Sauf, rarement, quand il ne reste plus d’autre solution pour n'être pas écrasé… mais alors je te promets, autant que cela dépende de moi, que ce ne soit pas devant toi. L’image de tes parents est déjà assez avilie, et je ferai tout pour ne rien ajouter ».
9- Ne me racontez pas des choses que je ne peux pas encore comprendre. Discutez-en avec d’autres adultes, mais pas avec moi.
- « Je suis très profondément d’accord avec toi là-dessus. Pour ce qui tient à moi, je ne veux pas que tu assumes un rôle d’adulte auprès de nous : tu es notre enfant et dois le rester… sinon, un jour, à force d’avoir servi de confident, tu n’oseras plus partir pour vivre ta vie, ou bien tu le feras dans la révolte. Vis ton enfance, ton adolescence, ta maturité : je comprends que tu souhaites nous aider, mais c’est encore comme cela que tu le feras le plus profondément. Si je dérape, dis-le moi, je suis d’accord d’avance ».
10- Laissez-moi amener mes amis chez tous les deux. Je souhaite qu’ils puissent connaître ma Maman et mon Papa et les trouver sympa.
- « Bien sûr, pourquoi pas ? »
11- Mettez-vous d’accord au sujet de l’argent. Je ne souhaite pas que l’un en ait beaucoup et l’autre très peu. Il faut que ce soit bien pour tous les deux, ainsi je pourrai être à l’aise chez tous les deux.
- « Je me contenterais de peu pour moi, et je ne souhaite même pas pour toi que tu aies trop d'argent : ça pourrit le cœur. Je voudrais seulement, pour la part qui me revient, pouvoir assurer ton avenir décemment, librement ».
12- N’essayez pas de m’habituer à la surenchère. De toutes les façons, je ne pourrais jamais manger tout le chocolat que j’aimerais.
- « S'il y a bien une chose que je ne veux pas c'est acheter ton amour. Quand on aime c'est gratis. De ton côté, aide-nous s'il te plaît : ne te laisse pas aller aux petits chantages, aux combines pour avoir de l'un ce que ne peux avoir de l'autre. Sinon c'est horrible, c'est comme si on avait des parents et des enfants aux enchères… Que tout se fasse dans un vrai amour gratuit ».
13- Dites-moi franchement s’il vous arrive de ne pas pouvoir boucler le budget. Pour moi, le temps est bien plus important que l’argent. Je m’amuse bien plus avec un jouet simple et comique qu’avec un nouveau jouet.
- « Merci ! Tu sais, il va falloir être courageux/se pour faire ce que tu dis, et que le temps passé ensemble soit plus important…ça veut dire que tu n'auras pas forcément le dernier vêtement de marque, la tablette, ou les mêmes jeux que tes copains/copines. Mais pour s'aimer, ça vaut la peine, non ? »
14- Ne soyez pas toujours "actifs" avec moi. Cela ne doit pas toujours être quelque chose de fou ou de neuf quand vous faites quelque chose avec moi. Pour moi, le plus beau c’est quand nous sommes simplement heureux en train de jouer et que nous ayons un peu de calme.
- « Un moment d'enfance. Un moment où tu n'aies pas à prendre notre place, à jouer les adultes, trop vite et trop fort. Un moment d’amour. L’amour est une plante extraordinaire, une edelweiss magnifique capable de pousser et de fleurir dans les situations les plus difficiles. Rien n’est perdu, bien au contraire ».
15- Laissez le plus possible de choses identiques dans ma vie, comme c’était avant la séparation. Cela commence par ma chambre, ensuite sur les petites choses que j’ai faites tout seul avec mon Papa ou ma Maman.
- « Je comprends cela, et on va voir ce qui est possible. Un jour il faudra grandir, et je n'aurai plus les moyens. Mais si je peux encore un peu… jusqu’à ce que la vie elle-même se charge de nous enseigner, à chacun, les dépouillements inévitables pour être vraiment libres ».
16- Soyez aimable avec les grands-parents. Ils m'aiment et je les aime, ils veulent aussi être à mes côtés. Vous seriez aussi à mes côtés si je n’allais pas bien ! Je ne veux pas perdre, en plus, mes grands-parents.
- « Mon enfant, puisses-tu longtemps avoir des grands-parents, des oncles et tantes, des membres de la famille qui soient solides, et capables de s'occuper de toi et de te donner de la tendresse ! Ne cherche pas chez eux des explications de ce que nous vivons ; mais qu'ils soient pour toi comme une racine qui fait que l'arbre tient encore et pousse ».
17- Soyez "fairplay" avec le nouveau compagnon que l’un d’entre-vous rencontre ou a déjà rencontré. Je dois aussi m’entendre avec ces autres personnes. Je préfère quand vous ne vous espionnez pas jalousement l’un l’autre…
- « Là tu touches à ce qui fait le plus mal… Il est vrai que dans notre situation, tu n'as pas le choix pour survivre, je le reconnais. Je peux essayer de ne pas faire d'esclandres ; simplement, ne me demande pas de faire comme si c'était normal… parce que ce n'est pas vrai, je te mentirais. Cela me crucifie. Je demande tous les jours la force de pardonner le mal… mais pas de faire comme si le mal était bien. Espionner, tu as raison, est souvent une perte d'énergie bien inutile lors que tout est joué… mais sache du moins que, souvent, cela cache encore chez moi une sorte d'espoir complètement fou. Tu dis vrai, je suis bien contraint(e) de faire le deuil de notre couple… mais comme cela me déchire de le dire ! Puisses-tu du moins avoir compris que dans mon cœur, comme sans doute dans le tien, j'ai caressé cet espoir invraisemblable, et que c'était par amour. Par amour pour toi ».
18- Soyez optimistes !
- « Je ne peux pas te promettre d’être toujours optimiste, humainement les choses ne le permettent pas toujours. Mais je te promets une chose à laquelle je m’accroche de toutes mes forces, comme à une bouée dans la tempête, comme à une lumière dans les ténèbres, comme au plus beau cadeau que je puisse te faire : l’Espérance ».
19- Vous n’avez pu gérer votre couple, mais laissez-nous au moins le temps que cela se passe ensuite bien. Relisez toutes mes demandes.
- « Que cela se passe bien, oui, pour maintenant, et aussi pour l'éternité : c'est bien là tout mon désir. Merci, merci, merci mon enfant d'avoir exprimé tes demandes ! »
20- Peut-être en discuterez-vous. Mais ne vous chamaillez pas. N’utilisez pas mes demandes pour faire des reproches à l’autre, aussi mal qu’il ait pu être avec moi ou que vous ayez cru qu'il le soit.
- « En fait, je ne suis plus en situation de faire des reproches à ton père/ta mère ; je sais bien que cela n'avance à rien. Simplement, toi, redemande-nous toutes ces choses les plus profondes dont tu penses avoir besoin pour t'en sortir ».
Si vous ne faites pas cela, vous n’aurez pas compris comment je me sens et ce dont j’ai besoin pour me sentir heureux.
- « Je crois que j'ai compris. Il me reste à pouvoir. Seul(e) je ne peux pas. Seule la prière nous obtiendra ce qu'il faut. La prière avec une confiance folle ».
Père Charbel Pazat de Lys (osb) de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux
Voir sur les enfants du divorce :
La Catéchèse du Pape François sur « les enfants blessés par le divorce »
Les « vingt demandes » d'un enfant de parents séparés ou divorcés
« Les enfants, premières victimes du divorce », un sujet tabou ?
Les « conséquences d’un divorce sur les enfants »
Voir également du Père Charbel Pazat de Lys (osb) :
La « Passion » selon le Père Charbel Pazat de Lys
Les « Vingt Demandes d'un enfant de parents séparés et les tentatives de réponse d’un parent Fidèle » du Père Charbel Pazat de Lys
Les « Noces de Cana » avec le Père Charbel (osb)