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Catéchisme du Concile de Trente

Chapitre quarante-cinquième,
Sixième demande de l'Oraison Dominicale :
« Et ne nous induisez point en tentation »

SOMMAIRE

D. Pourquoi Jésus-Christ nous a-t-il ordonné de lui faire cette prière : « ne nous induisez point en tentation ? »
R. Parce que nous sommes très-portés au mal, par notre nature, et que le démon redouble ses attaques, lorsqu'il nous voit réconciliés avec Dieu par le pardon que nous avons obtenu de lui.

D. Quelles sont les causes de nos tentations ?
R. Elles sont comprises dans ces trois mots la chair, le monde et le démon.

D. Est-il certain que le démon nous tente, et ses attaques sont-elles bien à craindre ?
R. La foi nous apprend que nous avons à combattre contre les esprits de malice dans les airs ; mais ils n'ont contre nous que le pouvoir que Dieu leur donne ; et voilà pourquoi nous disons à Dieu : Ne nous induisez point en tentation.

D. Que signifient donc ces paroles : Ne nous induisez point en tentation ?
R. Elles expriment deux choses que nous demandons à Dieu prononçant l'une, qui est d'être préservés de toute tentation, au moins des tentations trop fortes et trop dangereuses ; l'autre, de n'y jamais succomber, lorsque Dieu permettra qu'elles nous arrivent.

D. Dieu peut-il nous tenter lui-même ?
R. Dieu ne peut pas nous porter au mal ; mais il peut permettre que nous y soyons portés, même par les biens qu'il nous accorde et qui deviennent pour nous des sujets de tentation, si nous en abusons.

D. Le chrétien demande-t-il à Dieu de n'être jamais tenté ?
R. Non, car la vie est une continuelle tentation ; mais il demande de ne point céder à la tentation par surprise ou par faiblesse, ou d'être soutenu de la grâce quand les forces viendraient à manquer.

D. Le chrétien n'a-t-il rien à faire pour prévenir les tentations et pour y résister ?
R. Il doit en fuir les occasions ; craindre les suites de sa faiblesse ; pratiquer la prière et la mortification, suivant le précepte de Jésus- Christ ; et soutenir son courage, dans les temps d'épreuves et de combats, par la pensée du ciel, qui sera le prix de sa victoire, par les exemples des saints, et par les promesses de Jésus-Christ.


Lorsque les enfants de Dieu ont obtenu le pardon de leurs péchés, ils brûlent du désir de l'honorer ; ils soupirent après le royaume céleste, ils rendent au Seigneur tous les devoirs d'une piété sincère et ils sont entièrement soumis à sa volonté sainte et à sa providence. Mais alors il est certain que l'ennemi du genre humain redouble d'efforts et de ruses pour les attaquer, et il est à craindre qu'abandonnant leurs saintes dispositions, ils ne tombent de nouveau dans les mêmes crimes et qu'ils ne deviennent pires qu'auparavant. Car c'est à eux que s'appliquent ces paroles de saint Pierre : Il valait mieux ne pas connaitre la voie de la justice, que d'abandonner de nouveau la loi divine après l'avoir connue.

§ I. Pourquoi Jésus-Christ nous a ordonné cette sixième demande
Jésus-Christ nous a donc ordonné cette demande pour nous faire implorer tous les jours le secours de Dieu, et nous recommander à sa bonté paternelle. Car il n'est pas douteux, s'il nous abandonne, que nous ne tombions dans les filets de nos perfides ennemis. Et ce n'est pas seulement dans l'Oraison dominicale que Jésus-Christ nous a ordonné de demander à Dieu qu'il nous préserve des tentations ; il a commandé la même chose, en parlant aux Apôtres, vers le moment de sa mort ; car, après avoir dit qu'ils étaient tous purs, il ajouta : priez pour que vous n'entriez point en tentation.
Ce double commandement du Sauveur est un motif pour les pasteurs d'exhorter avec soin les fidèles à faire fréquemment cette prière. Puisque le démon expose leur salut à tant de dangers à tous les instants, il est naturel qu'ils demandent tous les jours à Dieu, qui seul peut les en préserver, la grâce de ne point entrer en tentation.
Or les fidèles comprendront assez combien ils ont besoin du secours divin, s'ils se souviennent de leur faiblesse et de leur ignorance naturelle ; s'ils se rappellent cette sentence de Notre-Seigneur : L'esprit est prompt, mais la chair est faible ; s'ils rapportent leur esprit sur tous les dangers qui menacent l'homme et sur les attaques du démon si redoutables, qu'ils ne sauraient y résister sans être soutenus par la protection céleste.
Quel exemple plus sensible de cette faiblesse humaine, que celui du collège sacré des Apôtres ! Ils venaient de montrer le plus grand courage, et au premier danger, ils abandonnèrent le Sauveur, en prenant la fuite. L'exemple de saint Pierre est encore plus remarquable. Après avoir professé avec tant d'énergie son courage et son attachement pour Jésus-Christ, en disant : Quand même il faudrait mourir pour vous, je ne vous renierai point, il se laissa cependant bientôt effrayer par la voix d'une femme, et il jura qu'il ne connaissait point le Sauveur. Ses forces ne répondaient point à la vivacité de ses sentiments. Que si les hommes les plus saints sont tombés grièvement par un effet de la fragilité humaine dont ils ne se défiaient point assez, que n'ont point à craindre ceux qui sont si éloignés de leur sainteté ?


§ II. Des tentations de leurs causes
Il faut donc que les pasteurs expliquent aux fidèles les combats et les dangers auxquels nous sommes tous les jours exposés, tant que nous vivons ici dans ce corps mortel. De toutes parts la chair, le monde et le démon nous attaquent.
Quel est celui qui ne connaît point, par une funeste expérience, les effets de la colère et de la cupidité ? Qui n'a point été blessé par les traits de ces passions ? Qui n'en a point senti les aiguillons ? Qui n'a point brûlé de leurs ardeurs ? Les coups qu'elles frappent sont si variés, les attaques qu'elles nous livrent si diverses, qu'il est presque impossible de ne pas recevoir quelques blessures mortelles.
Mais, outre ces ennemis qui habitent et vivent au-dedans de nous, il en est d'autres plus dangereux encore, dont il est écrit : Nous avons à combattre non contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes de ce siècle ténébreux, contre les esprits de malice dans les airs.
Aux combats intérieurs se joignent les attaques et les coups des démons, qui tantôt viennent à nous à découvert, et tantôt se glissent si furtivement dans nos âmes, qu'à peine pouvons-nous les éviter et nous défendre d'eux.


§ III. Des démons
L'Apôtre appelle les démons princes, à cause de l'excellence de leur nature ; car elle est, en effet, plus parfaite que celle de l'homme et des autres créatures sensibles ; il les appelle puissances, parce qu'ils sont plus puissants que nous ; et chefs des ténèbres de ce monde, parce qu'ils ont en leur pouvoir, non le monde de la lumière, c'est-à-dire, les gens de bien et les justes, mais le monde ténébreux, c'est-à-dire, ceux qui vivent plongés dans les souillures d'une vie criminelle, aveuglés par leurs passions ténébreuses, et n'ayant d'autre guide que le démon, prince des ténèbres. Enfin, il les appelle esprits de malices, parce qu'il y a une malice de l'esprit, et une malice de la chair.
La malice de la chair excite les appétits déréglés et le désir des plaisirs sensibles.
La malice de l'esprit consiste dans les passions et les inclinations dépravées, qui appartiennent à la partie supérieure de l'âme. Elles sont d'autant plus dangereuses et plus criminelles, que la raison et l'esprit sont au-dessus de la nature et des sens. Et, comme cette malice de Satan a surtout pour but de nous priver de l'héritage du ciel, c'est pour cela que l'Apôtre a ajouté que les démons sont répandus dans l'air.
De là il est aisé de conclure que les forces de nos ennemis sont redoutables, leur acharnement invincible, leur haine furieuse et au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Ils nous font une guerre sans relâche ; avec eux il n'y a ni paix, ni trêve. Leur audace est bien exprimée par ces mots que le Prophète met dans la bouche de Satan « Je monterai au ciel ».
Le démon a tenté nos premiers parents dans le paradis ; il a attaqué les prophètes ; il a cherché les Apôtres, pour les cribler comme du blé, dit Notre-Seigneur ; il n'a pas rougi de se présenter devant le Sauveur lui-même. Saint Pierre a donc bien exprimé l'insatiable avidité qu'il a de nous séduire, et les efforts infinis qu'il emploie pour en venir à bout, quand il a dit que : « Le démon notre ennemi tourne comme un lion rugissant, cherchant quelqu'un à dévorer ». Et il faut bien remarquer que Satan n'attaque pas seul les hommes, plusieurs démons se réunissent quelquefois contre un seul homme, comme on le voit par l'aveu de celui à qui Jésus-Christ demanda quel était son nom, et qui répondit : mon nom est Légion, c'est-à-dire qu'une multitude de démons tourmentaient ce malheureux.
L'Évangile dit encore d'un démon : Qu'il va prendre avec lui sept autres esprits, plus méchants que lui, et qu'ils entrent dans les âmes, pour y habiter.
Il est plusieurs personnes qui, ne sentant point les attaques du démon, regardent comme faux tout ce que nous en disons ici. Mais il n'est pas étonnant que le démon n'attaque point des hommes qui se sont volontairement donnés à lui, et dans lesquels il n'y a ni charité, ni piété, ni vertus chrétiennes.
Ils sont tout entiers au pouvoir des démons. Est-il besoin de tentations pour les porter au mal, lorsque déjà ils ont livré leurs cœurs, de plein gré, à l'ennemi du salut ?
Mais, pour ceux qui se sont consacrés à Dieu, et qui mènent sur la terre une vie sainte, le démon les attaque avant tous les autres. C'est pour eux qu'il réserve toute sa haine ; c'est à eux qu'il dresse à chaque instant des embûches. L'histoire sacrée est remplie d'exemples de saints personnages qui, même en se tenant sur leurs gardes, ont été pervertis par ruse ou par violence. Adam, David, Salomon et beaucoup d'autres, qu'il est impossible d'énumérer ici, ont éprouvé les attaques les plus violentes de la part des démons ; des attaques si violentes, des ruses si artificieuses, que les forces et la prudence humaines ne pouvaient s'en défendre. Qui oserait après cela se croire assez fort par lui-même ?
Demandons donc à Dieu avec foi et pureté de cœur, qu'il ne nous laisse pas tenter au-delà de nos forces, et qu'il nous donne, dans la tentation, le secours de son assistance, afin que nous puissions résister.
Mais si l'on trouve des fidèles qui, par ignorance ou par faiblesse d'esprit, soient effrayés du démon, il faut les encourager et leur apprendre à recourir à la prière, comme au port du salut, dans les tempêtes et les orages des tentations. Quelles que soient, en effet, la puissance, l'obstination et la haine du démon contre nous, il ne peut cependant nous tenter et nous tourmenter ni autant ni aussi longtemps qu'il le voudrait.
Tout son pouvoir dépend de la volonté de Dieu, et il ne s'en sert que par sa permission. On connait l'exemple de Job, que Satan n'eût jamais touché, si le Seigneur ne lui eût point dit « Voilà que je te livre tout ce qu'il possède ». Mais si Dieu n'avait point ajouté « Seulement n'étends point la main sur lui », Satan l'eût fait périr d'un seul coup avec ses enfants et tous ses biens. Et même la puissance des démons est tellement liée, qu'ils n'auraient pas même pu se jeter, sans la permission de Dieu, sur ces pourceaux, dont il est question dans l'Évangile.
Mais, pour faire comprendre le sens de cette demande, expliquons ce qu'on doit entendre par la tentation, et par être induit à la tentation.


§ IV. Qu'est-ce qu'être tenté et induit à la tentation ?
Tenter, c'est éprouver quelqu'un pour lui arracher ce que nous désirons savoir et pour connaître par-là la vérité. Dieu ne saurait tenter en ce sens, puisqu'il n'ignore rien, et que toutes choses sont devant lui à nu et à découvert.
Il y a une autre manière de tenter les hommes : c'est lorsqu'on veut les conduire, par une voie longue et détournée, à leur bonheur ou à leur perte.
Les hommes sont tentés, pour leur bien, lorsque leur vertu est éprouvée, pour qu'elle devienne plus manifeste et plus connue; pour qu'ils soient en conséquence honorés et récompensés davantage ; pour que leur exemple excite les autres à les imiter, et enfin pour que tout le monde loue et bénisse Dieu de leurs vertus.
Cette manière de tenter est la seule qui convienne à Dieu, et nous en voyons un exemple dans le Deutéronome : Le Seigneur votre Dieu vous tente, dit Moïse aux Hébreux, pour qu'il apparaisse visiblement si vous l'aimez ou non. C'est dans le même sens que Dieu tente ses amis, lorsqu'il les accable par les maladies, la pauvreté et autres calamités de ce genre. Il en agit ainsi pour éprouver leur patience, et pour être aux autres un modèle des vertus chrétiennes.
Ainsi fut tenté Abraham, lorsque Dieu lui ordonna d'immoler son fils. L'obéissance et la patience de ce patriarche, dans cette circonstance, est devenue un modèle à jamais mémorable pour tous les hommes.
Il fut dit de Tobie qu'il était nécessaire qu'il fut éprouvé par la tentation, parce qu'il était agréable à Dieu. C'est toujours du même genre de tentation qu'il s'agit. L'homme est tenté en mal, quand il est porté au péché ou à sa perte. C'est le propre du démon de nous tenter de cette manière ; car il ne nous tente que pour nous tromper et nous faire périr.
Aussi dans les divines Écritures est-il appelé le tentateur. Et pour nous porter au mal, tantôt il excite en nous les désirs et les mouvements déréglés de nos passions et de nos affections mauvaises ; tantôt il nous attaque par le dehors, et se sert des choses extérieures pour nous élever ou nous abattre suivant qu'elles sont heureuses ou malheureuses.
Quelquefois il a pour émissaires et pour aides des hommes pervertis, et surtout des hérétiques, qui s'asseyent dans la chaire de pestilence, et qui répandent le poison mortel des mauvaises doctrines, afin d'ébranler d'abord, et, ensuite, de faire tomber tout à fait ces hommes qui ne mettent aucune différence entre le bien et le mal, le vice et la vertu, et qui de leur naturel ne sont enclins qu'au mal.
Etre induit en tentation, c'est succomber aux tentations.
Cependant cela s'entend ordinairement en deux sens. D'abord, on dit que nous sommes induits en tentation, quand nous faisons le mal pour lequel nous sommes tentés et que nous nous laissons renverser par le démon. En ce sens, Dieu ne tente personne, parce qu'il ne peut être l'auteur du péché, et qu'au contraire il déteste tous ceux qui commettent l'iniquité.
Que personne quand il est tenté, dit saint Jacques, ne dise que c'est Dieu qui le tente : Dieu ne tente pas pour le mal.
On dit, en second lieu, de quelqu'un qu'il tente, quand pouvant empêcher que nous ne soyons tentés ou que nous ne succombions à la tentation, il ne l'empêche pas, quoique d'ailleurs il ne nous tente pas lui-même, et qu'il ne contribue point à nous faire tenter.
Ainsi Dieu permet que les gens de bien soient tentés ; mais il les soutient par sa grâce et ne les abandonne point. Quelquefois cependant, par un secret, mais juste jugement, Dieu nous abandonne à nous-mêmes, à cause de nos péchés, et nous succombons.
Dieu nous induit encore en tentation, lorsque nous abusons pour notre malheur des bienfaits qu'il nous avait accordés pour notre salut, et qu'à l'exemple de l'enfant prodigue, nous dissipons les biens de notre père, en vivant dans les plaisirs et obéissant à toutes nos passions. Nous pouvons répéter alors avec vérité ce que l'Apôtre disait de la loi : Il est arrivé que la loi, qui avait été donnée pour la vie, est devenue une cause de mort pour moi.
Nous avons un exemple frappant de ces vérités dans la ville de Jérusalem. Au témoignage d'Ézéchiel, Dieu l'avait enrichie de tous ses dons, et il lui disait par la bouche du Prophète : Vous étiez parfaite par la beauté que je vous avais donnée. Et, cependant cette ville comblée des bienfaits divins, bien loin de témoigner sa reconnaissance à un Dieu qui lui avait donné tant de marques de sa bonté, et d'employer ses bienfaits suivant leur destination, pour mériter le bonheur céleste, cette ville, par une horrible ingratitude envers son père et son Dieu, méprisant et la pensée et l'espérance des biens célestes ; s'abandonnait, dans l'abondance des biens de la terre, aux plaisirs les plus honteux. On peut le voir dans Ézéchiel, qui en parle fort au long. Or ils sont aussi coupables envers Dieu, ces hommes ingrats, qui se servent pour l'offenser des moyens si abondants qu'il leur avait donnés de bien faire.
Cependant il faut bien remarquer que l'Écriture emploie quelquefois pour exprimer ce qui n'est qu'une permission de la part de Dieu, des mots qui, s'ils étaient pris à la lettre, exprimeraient une action.
Nous lisons dans l'Exode : J'endurcirai le cœur de Pharaon ; dans Isaïe : Aveuglez l'esprit de ce peuple ; dans l'épître aux Romains : Dieu les a livrés à des passions honteuses et à leur sens réprouvé. Dans tous ces endroits, il faut croire qu'il s'agit d'une simple permission de Dieu, et non d'une action.
Cela étant, il ne sera point difficile de comprendre ce qu'on demande à Dieu par cette sixième partie de l'Oraison dominicale.


§ V. Qu'est-ce qu'on demande à Dieu par ces paroles : « Ne nous induisez point en tentation » ?
Nous ne demandons point à être tout à fait exempts de tentations. Car la vie de l'homme sur la terre, n'est qu'une tentation. Mais il nous est utile qu'il en soit ainsi. C'est dans les tentations que nous nous connaissons nous-mêmes, c'est-à-dire, que nous connaissons nos forces ; que nous nous humilions sous la main puissante de Dieu, et que, combattant généreusement, nous méritons la couronne immortelle de gloire. Car, dit saint Paul, celui qui combat dans la carrière, ne sera couronné qu'après avoir légitimement combattu. Et saint Jacques proclame bienheureux l'homme qui est tenté, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu à promise à ceux qui l'aiment. Que si quelquefois nous sommes pressés par les attaques de nos ennemis, il suffira, pour soutenir notre courage, de penser que nous avons pour nous aider un pontife qui peut compatir à nos infirmités, ayant été lui-même tenté et éprouvé en toutes choses.
Qu'est-ce donc que nous demandons ici ? C’est de ne point consentir à la tentation par erreur ; de n'y point céder par faiblesse et d'être toujours assistés de la grâce, afin qu'elle nous soutienne et nous protège quand nos propres forces viendront à manquer. Ainsi dans toutes les tentations en général et dans chacune en particulier, nous devons implorer le secours de Dieu et recourir à la prière.
C’est ce que faisait David, comme nous l'apprenons de lui-même. Était-il tenté de mensonge ? Il s'écriait : N'ôtez pas de ma bouche la parole de vérité.
Pour l'avarice : Inclinez mon cœur vers vos témoignages, disait-il, et non à l'avarice ; et quant aux vanités de ce monde et aux attraits du plaisir, il demandait à Dieu de détourner ses yeux pour qu'ils ne vissent point la vanité. Demandons-lui donc de ne pas obéir à nos passions ; de ne pas nous lasser dans les combats que les tentations nous livrent ; de ne pas nous éloigner de la voie du Seigneur ; de conserver l'égalité d'âme et la constance dans les succès et dans les malheurs ; de n'être jamais abandonnés de la protection de Dieu dans aucune occasion, et enfin nous le prions d'abattre Satan sous nos pieds.


§ VI. Motifs et moyens de résister au démon
Il ne reste plus au pasteur qu'à exhorter les fidèles à méditer et à réfléchir sur les moyens de mettre ces vérités en pratique.
Le premier et l'un des plus excellents, c'est de bien sentir combien grande est notre faiblesse ; de nous défier de nos forces, et de mettre en Dieu seul et en sa bonté l'espérance de notre salut. Si nous nous appuyons sur lui, nous aurons au milieu des plus grands périls un courage d'autant plus invincible, qu'il ne tiendra qu'à nous de nous rappeler alors le grand nombre de ceux qui, ayant eu la même confiance et la même force, ont été arrachés aux efforts de Satan par la miséricorde divine.
Joseph arraché aux périls qui menaçaient son innocence, lorsqu'une femme furieuse lui manifestait ses désirs adultères, ne fut-il pas élevé à la gloire la plus haute ?
Susanne, obsédée par les ministres de Satan, près de perdre la vie par une sentence infâme, ne fut-elle pas sauvée miraculeusement ? Ne nous en étonnons point : Son cœur avait confiance dans le Seigneur.
Job s'est acquis une gloire éternelle en triomphant du monde, de la chair et du démon. Il est encore une foule d'autres exemples de ce genre que les pasteurs feront bien de rapporter pour inspirer aux fidèles la confiance dont nous parlons.
Il est bon de nous rappeler aussi quel est, dans la tentation, notre chef. C'est Jésus-Christ lui-même, qui remporte la victoire dans nos combats. Lui-même il vainquit le démon ; il est cet homme plus fort qui survient et qui terrasse le fort armé, lui arrachant et ses armes et les dépouilles de ses ennemis.
Saint Jean parle de sa victoire sur le monde. Prenez courage, dit Jésus-Christ, j'ai vaincu le monde. Dans l'Apocalypse, il est appelé le lion vainqueur, et on dit qu'il est sorti pour vaincre, parce que dans sa victoire il a acquis à ses serviteurs le pouvoir de vaincre eux-mêmes.
L'épitre de saint Paul aux Hébreux est remplie des victoires remportées par les Saints, qui ont vaincu le royaume par la foi, qui ont fermé la gueule des lions, et le reste.
Ces victoires, que nous lisons dans l'Écriture, doivent nous faire penser à celles que les hommes animés par la foi, l'espérance et la charité, remportent tous les jours dans les combats intérieurs et extérieurs que le démon leur suscite : victoires si nombreuses et si glorieuses que, si elles pouvaient devenir sensibles à nos yeux, nous ne pourrions rien voir de plus glorieux et de plus journalier.
Saint Jean parlait de ces ennemis et de leur défaite, quand il disait : Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, et que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu l'esprit malin. Or ce n'est point par l'oisiveté, le sommeil, le vin, la bonne chère et les plaisirs, mais par la prière, le travail, les veilles, la mortification, la continence et la chasteté, que l'on vient à bout de vaincre Satan. Veillez et priez, dit Jésus-Christ, afin que vous n'entriez point en tentation.
Employons ces armes pour combattre, et nous mettrons nos ennemis en fuite ; car ceux qui résistent au démon, le verront fuir devant eux. Prenons garde cependant, à la vue de ces triomphes des Saints, de nous complaire en nous-mêmes, et de nous enorgueillir, comme si nous pouvions par nos seul forces résister aux attaques et aux tentations de nos ennemis. C'est une chose au-dessus de notre faible nature.
Pour terrasser Satan et ses satellites, il faut que Dieu nous aide lui-même, lui qui fait de nos bras comme un arc d'airain ; qui, par un effet de sa bonté, brise l'arc des forts, et revêt de force les faibles ; qui nous donne la protection du salut ; dont la droite nous soutient ; qui forme nos mains au combat, et nos doigts à la guerre. C'est donc à Dieu seul que nous devons rapporter la victoire ; c'est lui seul que nous devons en remercier, puisque c'est par lui seul que nous avons pu la remporter. Grâces à Dieu, disait l'Apôtre, parce qu'il nous a donné la victoire par Jésus-Christ Notre Seigneur.
Ce que nous lisons dans l'Apocalypse prouve encore que Dieu seul est auteur de nos triomphes. Le salut de Dieu est affermi, dit saint Jean, et sa puissance et son règne, et la puissance de son Christ, parce que l'accusateur de nos frères a été précipité, et ils l'ont vaincu par le sang de l'agneau.
Le même livre atteste encore dans le même endroit la victoire que Jésus-Christ a remportée sur la chair et sur le monde. Ceux-ci combattront contre l'agneau, mais l'agneau les vaincra.
Voilà ce que nous avions à dire sur les motifs et les moyens de vaincre le tentateur. Après en avoir donné l'explication aux fidèles, il faudra que les pasteurs leur mettent encore devant les yeux les couronnes que Dieu a préparées aux vainqueurs, et les récompenses infinies qui leur seront accordées pour l'éternité entière. Ils en trouveront les preuves dans ce même livre de l'Apocalypse. Celui qui sera vainqueur, ne sera point blessé par la seconde mort. Celui qui sera vainqueur, sera vêtu d'habits blancs ; et je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses Anges.
Peu avant ces paroles, le Sauveur dit lui-même à saint Jean : Celui qui sera vainqueur, j'en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il ne pourra plus en sortir. Et il ajoute bientôt : Celui qui sera vainqueur, je lui donnerai de s'asseoir sur mon trône, comme j'ai vaincu moi-même et comme je me suis assis avec mon Père sur son trône.
Enfin, il expose la gloire éternelle et les biens infinis dont les Saints jouiront dans le ciel ; puis il ajoute : « Celui qui vaincra, possèdera ces choses ».


Catéchisme du Concile de Trente – Chapitre quarante-cinquième, Sixième demande de l'Oraison Dominicale : « Et ne nous induisez point en tentation » - Nouvelle traduction de l’Abbé Jean Marie Doney, pages 383-399, imprimerie de L. Grandmont-Donders (1847)


Voir « Toutes les Prières à Dieu Notre Père » (une centaine)

Voir également sur le Catéchisme du Concile de Trente :
- La Sixième Demande de la Prière du Notre Père « Ne nous induisez point en tentation » selon le Catéchisme du Concile de Trente
- Le Sixième Commandement du Décalogue « Vous ne commettrez point d'Adultère » selon le Catéchisme du Concile de Trente