Après la séparation, y a-t-il encore une Grâce du Mariage ?
Enseignements pour les Séparés-Divorcés Fidèles
« Une femme, abandonnée par son mari, en procédure de divorce, peut-elle encore s'appuyer sur la Grâce du Sacrement ? Peut-on dire que la grâce échangée et reçue lors du Mariage demeure présente à moitié ? »
Dieu ne fait jamais les choses à moitié. Les dons de Dieu sont sans retour. Les sacrements ne sont pas une cérémonie mais un acte du Christ. Il s'y engage pleinement. Je sais qu'on a beaucoup insisté à une époque sur le fait que les époux se donnaient mutuellement le sacrement. En vérité, ils en sont les ministres et non pas les auteurs. Ils sont médiateurs l'un pour l'autre d'un don qui les dépasse l'un et l'autre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Eglise de Jésus-Christ a la conviction qu'il n'est pas en son pouvoir de bénir un remariage : qu'on le veuille ou non, ce serait bénir aussi la rupture du mariage précédent et ce serait contredire la parole du Maître : « que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. » (Mt 19, 6)
Nos évêques, à leur assemblée de Lourdes de novembre 2002, ont publié onze orientations pour la pastorale du mariage et rappelé la nouveauté radicale du mariage chrétien, qui est « participation au don sans retour de Jésus-Christ à son Eglise ». Ils ont rappelé également que, lorsque des fidèles divorcés contractent une nouvelle union civile, cela ne peut pas s'accompagner d'une prière « qui présenterait les signes extérieurs d'un mariage sacramentel » ("Le mariage, acte d'espérance" - La Documentation catholique n° 2281, p. 1026). La demande de prière à l'occasion d'un remariage pose à mon avis de graves problèmes, plus que ce texte ne le laisse entendre.
Le Sacrement, et donc la Grâce, demeurent…
Un mariage valide ne peut être effacé, pas plus que le baptême valide ne peut être effacé : la question fut posée au temps des premières persécutions, lorsque des chrétiens qui avaient abandonné l'Eglise revenaient quand les jours étaient meilleurs. Fallait-il rebaptiser les « lapsi », comme, le faisaient les donatistes ? Non, car si « nous sommes infidèles, Dieu restera fidèle, car II ne peut se renier Lui-même ». (2 Tm 2,13)
Pour un conjoint séparé, cela a des conséquences très importantes. Le sacrement, et donc la grâce du sacrement, demeure, même quand il n'y a plus de vie commune et que le mariage est extérieurement rompu. Qu'il se sente trahi et injustement abandonné, ou qu'il ait dû renoncer à une vie conjugale devenue insupportable, ou même qu'il se sache l'infidèle, pauvre pécheur qui a rompu un lien sacré, tout fidèle marié sacramentellement est porteur d'une bénédiction et d'une vocation irrévocables. Elles ne cesseront de l'accompagner, quels que soient les chemins de son existence.
Cela a également des conséquences pour le couple. Même séparés, ils sont « compagnons d'éternité » (titre d'un livre du Père Carré). Le Christ les a confiés l'un à l'autre. Leur mission mutuelle n'est pas terminée. Le commandement du Seigneur garde pour eux, comme pour les autres, sa force : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Dans le présent, évidemment, et peut-être dans l'avenir, du moins à vues humaines, leur charité mutuelle ne peut plus s'exprimer de façon conjugale. Mais si ce couple est chrétien, ou si au moins l'un des deux veut vivre en disciple du Christ, le sacrement est une source actuelle de grâce. Même blessé, l'amour humain, sanctifié par le sang des noces de l'Agneau, peut encore être vécu. Il n'aura sans doute pas les couleurs flamboyantes de la passion et du bonheur ; mais il aura les teintes à la fois légères et graves de la miséricorde, de la bienveillance, de l'espérance, de l'intercession, de la bénédiction pour le conjoint qui est parti.
Continuer à puiser à cette source de Grâce…
Evidemment, cela suppose après un temps de tristesse, de révolte peut-être, de déchirement sans doute, une ouverture du cœur qui aille jusqu'au pardon. Le pardon n'est pas la résignation, ou la naïveté, ou le refus de voir l'injustice. Il est au contraire le dépassement, ou au moins la volonté de dépassement, de ces réactions trop humaines où l'on pense à soi et à sa blessure, pour entrer dans un regard surnaturel, c'est à dire le regard du Christ lui-même sur l'autre. Regard sans concession mais sans condamnation.
Il y a un troisième domaine dans lequel la grâce du sacrement continue de se déployer, c'est celui de l'éducation et de la sanctification des enfants. Cette mission très haute, que normalement les parents exercent ensemble, n'est évidemment pas interrompue par leur séparation ou leur divorce. Aucun des deux ne peut démissionner de cette responsabilité. Pour l'exercer, ils peuvent continuer de puiser à cette source de grâce qu'est le sacrement qu'ils ont reçu.
Père Alain Bandelier, Conseiller spirituel de la Communion Notre-Dame de l'Alliance
Voir également du Père Alain Bandelier :
Le livre « Séparés, divorcés à cœur ouvert » sous la direction du Père Alain Bandelier
La « Grâce du Mariage après la séparation » du Père Alain Bandelier
« L’indissolubilité du Mariage » selon le Père Alain Bandelier