La Méditation sur la Providence de Jean de Bernières-Louvigny « Laisser faire Dieu, laisser faire sa Providence plutôt que la nôtre » :

« Il faut être parfait à la mode de Dieu, et non pas à la nôtre ; les voies de Dieu sont souvent très éloignées des jugements des hommes. Tout le monde croyait que saint Louis devait être saint en conquérant la Terre Sainte : Dieu le fait saint, non par les victoires, mais par la captivité ; non par les triomphes, mais en mourant dans les peines. Nous voulons nous sanctifier par l’action, et Dieu le veut faire par la souffrance : il faut se rendre à sa Conduite, s’abandonner absolument à sa Volonté, et aimer uniquement ses Desseins. Quand anéantirai-je toute la providence (Providence est pris ici au sens de préoccupation) que j’ai au regard de ma personne, de mes affaires, de l’état de vie pauvre et méprisée où la grâce m’appelle, pour entrer avec un pur abandon dans la divine Providence ? À quoi bon faire des réflexions sur ce qui m’arrivera ? Suivons simplement les Desseins de Dieu, aimons uniquement son bon Plaisir, et ne pensons qu’à Dieu seul, qui aura soin de nous en la meilleure manière pour sa Gloire. J’avoue que c’est un effet de la grâce en nous, de nous faire anéantir notre providence pour entrer en Celle de Dieu : il faut s’élever au-dessus de la nature, qui s’appuie sur les créatures et qui craint la disette et les souffrances, en n’ayant rien de ce temporel qui est le fondement de la vie naturelle. Il est des martyrs de la Providence, comme il est des martyrs pour la Foi : ceux-là sont plus cachés, et ne souffrent pas moins quelquefois. Ce sont ceux qui agréent la Providence en toutes les circonstances qui les dépouillent, ou des biens, ou des honneurs, ou de la vie, de quelque part que viennent ces circonstances. La perfection chrétienne est une qualité de notre relation à Dieu, indépendante de la réussite ou de l’échec de ce qu’elle nous fait entreprendre. Les saints Innocents étaient parfaits sans rien faire du tout. Aux yeux des hommes, ils ne comptaient pas, alors que Jésus nous les donne en modèle pour ce qui est du Royaume de Dieu. Dès lors, il s’agit pour nous d’entrer dans les Desseins de Dieu avec l’ingénuité d’un enfant, sans prétendre évaluer par nous-mêmes la valeur de ce que nous ferons ou ne ferons pas. À quoi bon faire des réflexions sur ce qui m’arrivera ? S’occuper de l’avenir, oui ; s’en préoccuper, non. Car ce serait se mettre en concurrence avec Dieu et prétendre reprendre en main notre destin. Qu’il nous suffise de savoir que de toute façon, tous les Desseins de Dieu sur nous sont pour notre bonheur. Laisser faire Dieu, laisser faire sa Providence plutôt que la nôtre, ramène notre prière à celle que l’Évangile nous montre continuellement sur les lèvres de Jésus : « Père, que ta Volonté soit faite. » Très au-delà d’une résignation ou d’un aveu d’impuissance, il y a là l’acte d’amour le plus pur, le plus confiant, le plus abandonné qui soit, et qui constitue l’essence de la Sainteté. Amen. »

Jean de Bernières-Louvigny (1602-1659) - Le Chrétien intérieur, III, 10

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Voir également de Jean de Bernières-Louvigny :
La Prière de Jean de Bernières Louvigny « Vous me faites une grande Miséricorde, ô mon Dieu »
La Prière de Jean de Bernières Louvigny « Ô mon Dieu, Vous seul me suffisez »
La Méditation sur la Providence de Jean de Bernières-Louvigny « Laisser faire Dieu, laisser faire sa Providence plutôt que la nôtre »
La Prière de Jean de Bernières-Louvigny « Seigneur, ravissez à Vous toutes mes affections, peines et passions »