Prière de Victor Rosanvallon
Voici la Prière de la sentinelle de 14-18 à Marie « Qu’importe les combats, le péril, la souffrance, si je peux, dans la nuit, à loisir Te prier ! » rédigée par Victor Rosanvallon, ancien du grand séminaire de Gap, sur le front en novembre 1915, au retour d’une convalescence faisant suite à une blessure lors des sanglants combats de Reillon en juin 1915. Les écrits de Victor Rosanvallon relatent les impressions d'une âme, tantôt exaltée par l'enthousiasme, tantôt affaiblie par la souffrance, mais toujours confiante en Dieu et dans la destinée de la patrie.
La Prière de Victor Rosanvallon « Qu’importe les combats, le péril, la souffrance, si je peux, dans la nuit, à loisir Te prier ! » :
« Vois, Mère. Autour de moi plane un morne silence, la nuit ici partout étend son voile épais. Rien ne distrait mes yeux ; et mon âme, en présence du danger toujours grand, pourtant goûte la paix. Ah ! C’est qu’en ton Amour je mets ma confiance, et chaque jour mon cœur T’appartient tout entier. Qu’importe les combats, le péril, la souffrance, si je peux, dans la nuit, à loisir Te prier ! Douce Reine des cieux, dont le Nom, par ma mère, à mon berceau jadis pieusement chanté, emplissait à la fois mon rêve et sa prière, par Ta chère vision viens encore m’enchanter ! Vois, aujourd’hui je veille ; aide-moi, viens, Marie, chasser de ma paupière un dangereux sommeil, pour que mon camarade à moi toujours se fie et dorme sans souci jusques à son réveil. Par Ta douce présence augmente mon courage ; fais que par l’ennemi je ne sois point surpris. Mère, je ne crains rien lorsque Ta chère image me dit : « tu n’es pas seul et partout je te suis ! » Si je dois tomber là, blessé par la mitraille, aide-moi sans murmure à prier, à souffrir, baisant avec ardeur la petite médaille que me donna ma mère au moment de partir. Si je meurs, et j’en fais certes le sacrifice, viens recueillir mon âme et l’emporter là-haut dans Ton beau paradis, vers la sainte milice des cœurs vaillants et purs, dans le sein du Très-Haut. Fais que, parmi les noms qu’à mon heure dernière ma lèvre exhalera comme un dernier adieu, Ton nom vienne se joindre à celui de ma mère et le doux nom de la France à celui de mon Dieu. Ah ! Daigne m’exaucer, Reine de la Victoire, chasse nos ennemis. Que le Français vainqueur en tous lieux et toujours chante à nouveau Ta gloire. Et fais qu’à Toi partout soit à jamais son cœur. Mais, voici l’ennemi qui dans l’ombre s’avance, va, je ne craindrai rien, mon cœur est sans émoi. Dormez, vaillants soldats, chers compagnons de France. Je veillerai sur eux… Mère, veille sur moi ! Amen. »
Victor Rosanvallon - Sentinelle de la Guerre de 14-18