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La Prière du Comte Friedrich Leopold von Stolberg « Ô Dieu, arrache-nous à tout ce qui n’est pas Toi » :

« Amour éternel, c’est Toi que le printemps célèbre et que l’hiver rappelle encore. La lèvre du nourrisson Te redit en bégayant, et un seul de Tes rayons suffit pour fondre les glaces de la vieillesse dans les cœurs aux palpitations ralenties ! Ô Père de la Lumière et de la sainte Vérité ! Ô Père du divin Amour ! Fais luire Tes vives clartés ; qu’une étincelle d’amour échauffe et embrase le cœur du vieillard ! Encore une fois, et la dernière fois aujourd’hui, il ose toucher de sa main tremblante la harpe de Sion. Il peut l’oser sans doute, si ta Chaleur, comme celle qui fond la neige, vient fondre la glace de ses ans, et surtout celle de ses péchés ! Oh ! Alors, il sera tout enflammé du saint Amour, celui qui déjà tant de fois reçut le Pardon de l’Amour ! Dès l’éternité Il a été et Il sera Celui qui est... Dans Son éternité, le Père a contemplé, contemple et contemplera son Être. De cette vue est né, naîtra et naît le Fils éternel ; dans Son éternité a retenti et retentira la Pensée du Père, le Fils éternel, le Verbe ! De toute éternité a brûlé, brûle et brûlera l’Amour du Père au Fils, du Fils au Père, et c'est ainsi que rayonne et rayonnera entr’eux deux, à jamais, l’Esprit éternel. Le Verbe éternel a dit : Fiat. Aussitôt, comme de l’océan surgit le soleil, et tel qu’on voit au lever de l'aurore les feuilles frissonner aux cèdres du Liban, et les petits oiseaux chanter sur leurs branches, tels les hymnes joyeux des anges se mêlent à l’harmonieux élan des astres en circulation. Amour éternel, Amour principe, c’est de Toi, c’est de Ton sein que jaillirent les Cieux, que s’élevèrent les âmes et que rayonnèrent les esprits ! Ta Lumière est leur soleil ; ils ne sont vivifiés que par ton Souffle ; car la vie de toute vie, c’est Toi seul, ô Amour ! Rien n’égale ta Puissance, ta Sagesse, ta Bonté ; tes louanges retentissent dans des cieux, des soleils, des terres et des lunes sans nombre. Tout l’univers est plein de Tes enfants. L’homme aussi est enfant de l'Amour ; il Te célèbre sur cet atome qu’on appelle la terre. Car Tu versas tes Grâces aussi sur lui, poussière animée, vie de ta Vie ! Tu l’as formé à ta Ressemblance. Il profane ton Image, il tomba !... et les abymes s’ouvrirent béants pour engloutir leur proie. Alors Tu ouvris les cieux, ô Amour éternel ; Tu descendis, et les montagnes se fondirent sous ton Regard. Celle qui est destinée à cet Enfantement divin met au monde le Seigneur, dont la génération fut dès le principe et de toute éternité ! Dieu devint poussière pour élever la poussière... pour arracher à la mort l’esclave de la mort ; Toi-même, ô Source de vie, Tu T’es livré à la mort ! Océan de l'amour, les enfants de lumière sont rassemblés sur Ton rivage, avides de plonger leurs regards dans Tes profondeurs ! Prosternés, ils adorent ! Et, se levant de nouveau, ils vont publier ta Gloire dans des sublimités inconnues ! Ô Père de Miséricorde, fais Miséricorde à Tes enfants ! Nous T’oublions, Toi qui créas les cieux, qui dans la crèche pleuras pour nous, qui sur la Croix expires pour notre amour ! Tu cherches notre alliance ! et, dédaigneux, nous Te méprisons, séduits par les vains plaisirs de la terre et révoltés dans le délire superbe de l’orgueil. Mais Toi, qui descendis du sein de ton Père dans le séjour de nos infirmités, dégoûte-nous de ces plaisirs trompeurs ! Plie ce front que l’orgueil à raidi, plie-le doucement sous Ton joug si tendre ! Arrache-nous au monde, Ton ennemi, arrache-nous à nous-mêmes et à l'idolâtrie de l’amour-propre ! Ô Dieu, arrache-nous à tout ce qui n’est pas Toi. Seul infini, Tu es seul Lumière et Vie pour l’intelligence. Maintenant Tu es pour nous baume et consolation ; un jour Tu seras repos, joie et salut. Toute lueur qui n’est pas un rayon de ta Lumière nous égare et nous précipite dans les bourbiers ténébreux. La flamme qui ne brûle pas d'un feu sacré est une abomination, un sacrilège, un sacrifice aux idoles. Ô Toi qui souffris pour nous, accorde-nous les souffrances bienheureuses de l'Amour divin, embrase notre cœur refroidi de la sainte douleur de ton Amour ! Fais que la douleur du repentir se fonde avec la douleur de l’amour, jusqu’à ce que Tu admettes l'épouse languissante au royaume de l’allégresse et aux joies de l’Amour éternel. »

Ainsi soit-il.


Comte Friedrich Leopold von Stolberg (1750-1819) – « Le Cœur de Jésus », Ascétisme et littérature d’après le R-P Eugène Desjardins, pages 541-549, aux éditions Julien-Lanier, 1855

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