Prière du Père Abbé Armand Jean de Rancé
Voici une Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » du Révérend Père Abbé Armand Jean de Rancé (1625-1700) du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie, auteur de « Réflexions morales sur les quatre Évangiles » d’où est extraite cette prière.
« Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces » (Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre VII, verset 15)
La Prière de Protection du Père Abbé Armand Jean de Rancé « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » :
« Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire. Nous sommes environnés d'ennemis qui nous attaquent en tant de manières différentes, que si nous évitons les uns, nous tombons dans les pièges que les autres nous tendent. Des fourbes, des trompeurs nous abordent sous les apparences d'une piété et d'une probité qu'ils n'ont point, et tachent de nous communiquer le poison dont ils sont remplis. D'autres viennent à nous d'une manière toute ouverte, nous laissant voir toute l'iniquité qui est en eux, faisant gloire de leur péché comme Sodome le faisait de son crime. Nos passions nous font une guerre cruelle, et ne nous donnent point de relâche. Enfin les démons ces ennemis irréconciliables nous combattent les jours et les nuits, et ne perdent aucune occasion de nous surprendre. En un mot nos adversaires nous obsèdent de toutes parts : chacun de nous est comme une place investie, dont ils veulent se rendre les maîtres à quelque prix que ce soit, et le démon qui conduit cette entreprise, ne néglige rien de tout ce qui la peut faire réussir. Ainsi nous avons grand sujet de nous écrier comme votre Prophète, Seigneur, pourquoi ceux qui nous persécutent se sont-ils multipliés, le nombre est grand de ceux qui s'élèvent contre nous et qui afin d'abattre toute la vigueur de nos âmes et toute la confiance qui les soutient, nous disent sans cesse que nous n'avons rien à espérer de votre Protection. Seigneur, comme Vous êtes mon Protecteur et mon Dieu, mon Bonheur et ma Gloire, j'attends de Vous Seul toute la force qui m'est nécessaire pour résister à une si grande puissance ; et pourvu que Vous preniez ma défense, comme je l'espère, je verrai des milliers d'ennemis animés contre moi sans aucune crainte. Je me servirai, Seigneur, de l'instruction que Vous me donnez, pour me défendre de la malignité des premiers de ces ennemis ; et comme ce que j'ai à éviter est de leur donner ma créance, et de recevoir leurs avis, par l'opinion que je pourrais avoir de cette piété qu'ils n'ont point, j'en jugerai par leurs œuvres, et particulièrement par celles que le démon et ceux qui se conduisent par son esprit ne sauraient imiter ni pratiquer ; je veux dire cette simplicité, cette humilité, cette chasteté, cette pureté de cœur et de corps, cette douceur, cette patience, cet oubli des offenses et des injures ; enfin ce pardon des ennemis, qui est le véritable caractère qui distingue ceux qui sont à Vous de ceux qui n'y sont pas ; et à moins que je n'aperçoive dans leur conduite toutes ces dispositions saintes, leurs œuvres telles qu'elles soient ne m'éblouiront jamais, quand ils feraient des prodiges, qu'ils feraient descendre le feu du Ciel, qu'ils transporteraient des montagnes ; et si je ne Vous reconnais en eux par ces marques sensibles, quelque profonde que puisse être leur érudition ; quelque grande que soit leur éloquence, leurs avis et leurs sentiments ne feront jamais d'impression sur mon cœur. Pour mes passions, Seigneur, la malignité m'en est trop connue ; mais pourvu que Vous ne me refusiez pas votre Grâce, sans Laquelle je ne puis former une pensée, ni faire une action qui me soit utile, j'en arrêterai les mouvements, je veillerai sur mon cœur, je veillerai sur mon esprit, je me défierai de moi-même, et dans les rencontres qui pourraient les exciter, je rappellerai à moi toute la vigueur de mon âme, et je n'oublierai rien de tout ce qui pourra les empêcher d'y élever les moindres émotions et les moindres tempêtes, disons plutôt que j'essayerai de me servir contre elles de tous les sentiments et de toutes les lumières que Vous m'avez données, et de mettre en usage le souvenir de toutes les Actions Saintes que Vous avez pratiquées, et que Vous m'avez laissées pour règles de ma conduite car comme nous dit votre Apôtre, Vous êtes mort pour nous, nous laissant un Exemple, afin que nous marchions sur Vos pas, Vous qui n'avez point commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s'est jamais formé une parole trompeuse ».
Ainsi soit-il.
Abbé Armand de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu VII, 15, pages 174-179, chez F. Muguet (1699)
Voir également du Père Abbé Dom Armand de Rancé :
- La Prière de l’Abbé Armand de Rancé « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner tout à Vous »
- La Prière de Dom Armand de Rancé « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils »
- La Prière du Père Abbé Armand Jean de Rancé « Je prendrai le calice qui opère le salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur »
- La Prière du Père Armand Jean de Rancé sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom, sont des usurpateurs »
- La Prière du Père Abbé Jean de Rancé sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons »
- La Prière du Père Abbé Jean de Rancé « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies »
- La Prière de Protection du Père Abbé Armand Jean de Rancé « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire »