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La Prière de M. Th. H. Martin « Je crois à la punition sans fin de ceux qui sont morts criminellement dans l'erreur volontaire » :

« Oui, je le crois avec la Sainte Eglise, ô mon Dieu : « Les justes, qui meurent sans avoir entièrement satisfait à la Justice divine, doivent subir, après cette vie, des peines temporaires qu'on désigne sous le nom de Purgatoire. Et les âmes du Purgatoire trouvent du soulagement dans les prières de l'Église. Je le sais, je le crois. Avec toute l'Eglise, je crois à l'éternité des peines infligées par un arrêt irrévocable aux pécheurs morts dans l'inimitié de Dieu. Je sais que, sur ce point, les textes des Livres Saints sont on ne peut plus nombreux, clairs et certains. Je sais aussi qu'on ne peut pas citer un seul Père digne de ce nom qui n'ait profondément adhéré à ce dogme. Mais si je crois à Votre justice, ô mon Dieu ; si je crois à la punition sans fin de ceux qui sont morts criminellement dans l'erreur volontaire ou dans l'impénitence finale et qui ont eux-mêmes prononcé leur sentence dans la plénitude de leur liberté, je crois aussi, je crois à votre Miséricorde. Le Purgatoire atteste cette infinie Bonté : je crois au Purgatoire. L'existence de ce lieu d'expia1ion est une vérité très lucidement enseignée dans l'Écriture et qui a été reconnue sans contestation, pendant les premiers siècles du Christianisme, non-seulement par l'Église, mais par les sectes dissidentes. Je le sais, je le crois. Les prières pour les morts ont été universellement en usage chez les premiers Chrétiens. Les Pères nous expliquent admirablement que ces prières sont destinées à soulager et à abréger les peines temporaires des âmes. Et, lorsqu'au IV° siècle, sans nier l'existence de ces peines, l'hérétique Aérlus de Sébaste contesta l'efficacité des prières pour les morts, Saint Epiphane lui opposa la pratique constante de l'Eglise. Je le sais, je le crois. Cette croyance de l'Eglise dès les premiers temps est prouvée par toutes les anciennes Liturgies, à commencer par celles qui sont attribuées aux Apôtres. Et ce même fait est attesté par le témoignage de tous les Pères qui n'établissent pas avec moins de rigueur l'antiquité et l'universalité de cette pratique véritablement admirable. Au second siècle, j'entends la voix de Tertullien : « Nous prions tous les ans pour les défunts à certains jours » et les Constitutions apostoliques : « Prions, disent-elles, prions pour ceux qui se sont endormis dans la Foi ». Et j'entends encore, dans ce livre incomparable, cette magnifique Acclamation pour les morts : « Puisse Dieu, Ami des hommes, qui a reçu l'âme de notre défunt, effacer en elle tous péchés volontaires ou involontaires et la placer dans la région des âmes justes ! » Mais les Actes de Sainte Perpétue et de Sainte Félicité sont plus explicites encore. Perpétue prie pour son frère mort : « Cœpi pro ipso orationes facere multas » et elle apprend miraculeusement qu'il a été arraché par les prières de sa sœur et ce lieu d'expiation : « Hinc intellexi translatum eum ad superna ». Au IIIème siècle, Saint Cyprien n'est pas moins éloquent lorsqu'il nous parle de la Messe offerte pour les morts. Saint Hippolyte, Clément d'Alexandrie, Origène tiennent le même langage. Mais, dans le siècle suivant, les témoignages abondent et surabondent. Saint Augustin parle sur le Purgatoire dans les mêmes termes que nos Catéchismes d'aujourd'hui. Dans son Livre « De cura pro mortuis », il établit que la prière pour les morts est une tradition reçue par toute l'Eglise. Dans un de ses Sermons, il montre que les prières de l’Église, le Sacrifice salutaire et les aumônes soulagent les âmes du Purgatoire, et il se plait à considérer ce fait comme un axiome. Il décrit longuement le Purgatoire : « Je prie pour mes frères, dit-il, afin que, quand ils seront dans la Gloire, ils se conviennent de prier pour moi ». Et il ajoute : « Quand même on ne lirait pas dans l’Écriture qu'on offrait le Sacrifice pour les morts, l'autorité de toute l‘Eglise qui observe cette coutume n'est-elle pas assez considérable ? » Saint Jean Bouche d'Or s'écrie : « Il faut secourir les morts, non pas en les pleurant, mais par les prières, les aumônes et les sacrifices ». Et Saint Grégoire de Nysse ajoute : « Ce précepte nous a été transmis par les premiers disciples de Jésus. Saint Ambroise dit : « Le juste sera sauvé après avoir été purifié, mais sans être éternellement tourmenté avec les pécheurs dans l'Enfer ». J'ai sous les yeux mille autres textes non moins admirables. Si j'interroge Saint Grégoire de Nazianze, Saint Éphrem, Arnobe, Saint Épiphane, Eusèbe de Césarée, Saint Cyrille de Jérusalem, tous me font la réponse de Saint Hilaire de Poitiers : « Les âmes qui ne sont pas entièrement pures sont placées dans un état qui n'est ni la peine éternelle ni la récompense ». Voilà ce que j'entends, si je prête l’oreille dans le passé de votre Eglise. Voilà ce que j'entends, Seigneur, et voilà ce que je crois. Silence donc aux hérétiques, silence aux ignorants qui, tous les jours encore, ne craignent pas de nous répéter que le dogme du Purgatoire « est une invention du Xème siècle ». Les yeux délicieusement fixés sur tous les Pères apostoliques, sur les Liturgies primitives, sur les inscriptions des Catacombes, sur l'Évangile et les Conciles, je me repose dans ma foi avec une certitude absolue. Je sais, je vois, je crois. Mais il ne suffit pas de croire au Purgatoire : il faut généreusement tenter de n‘y pas descendre ; il faut aussi prier pour les pauvres âmes qui y sont descendues. C'est ce que je fais en ce moment, Seigneur, suppliant la Vierge corédemptrice du genre humain, tous les Saints, tous les Anges, tous les Elus, toute l'Eglise triomphante de s'unir aux prières de l'Eglise militante pour la délivrance et le triomphe de l'Eglise souffrante ».

Ainsi soit-il.


Thomas-Henri Martin (1813-1884) - « La Vie future »