Prière de Torquato il Tasso
Voici la Prière « Ô Reine des Cieux, purifie moi dans mes larmes » de Torquato Tasso (1544-1595) connu en français sous l'appellation « Le Tasse » (en italien, il Tasso), Poète Napolitain Italien passé à la postérité pour son poème épique « La Gerusalemme liberata » (La Jérusalem libérée) qui dépeint, à la manière des romans de chevalerie, les combats qui opposèrent les Chrétiens aux musulmans à la fin de la Première Croisade au cours du siège de Jérusalem.
La Prière de Torquato Tasso « Ô Reine des Cieux, purifie moi dans mes larmes » :
« Voilà que, parmi les tempêtes et les vagues frémissantes de cette vaste et spacieuse mer, ô Étoile sainte, j'ai été guidé par Ta splendeur qui illumine et échauffe les esprits où elle pénètre ; qui prête au cœur fatigué une douce assistance contre les orages dans lesquels d'autres succombèrent ; qui, par Ta lumière, indique les routes sûres, montre les rives salutaire, et achemine vers le port de la vie, auquel, appesantie et ployant sous le faix, l'âme surgit à grand'peine, si toutefois elle ne périt point au fond des eaux. Ton éclat m'encourage, Étoile radieuse, Étoile du sein de laquelle naquit la Lumière sereine, la Lumière du Soleil incréé et souverain, du Soleil qui ne connaît pas de nuit, et qui, du milieu de mes longues erreurs, me rappelle à Toi, me conduit au sublime rocher où, sous le marbre, le monde honore et vénère Ton humble demeure. Chargé de fautes et de remords, je vois déjà la sainte colline, si bien que mon âme souffre plus encore du poids qui l'accable, et que, sous ce double fardeau, elle marche d'un pas tardif et lent, et n'oserait d'ici, dans un téméraire orgueil, élever contre le ciel des tours superbes. Cependant, quelle élévation, quelle enflure de vain savoir, quelle gloriole de force caduque séduit d'ordinaire les fous et les impies ! Âme égarée, qui tantôt montait vers les anges, tantôt redescendait vers les hommes, viens ici prendre des forces et recevoir des enseignements salutaires ; viens pleurer ici ces jours d'autrefois où, malgré ta faiblesse, tu nourrissais d'altières pensées, et demande à ton cœur des larmes pieuses. Ici, l'humilité conduit de vertus en vertus, et fait monter comme de colline en colline. Ici les anges élevèrent la sainte Demeure, qui jadis reçut Marie et son divin Fils, et La transportèrent par-dessus les nuages, par-dessus les eaux, prodige admirable, devant lequel se recueille et grandit mon âme qu'un autre objet avait rabaissée vers la terre, tandis qu'elle était gisante sous le poids de vaines pensées. C'est ici les montagnes qu'il Te plut d'embellir de Tes murs sacrés, ô Vierge chaste et pure, avant, pendant et après l'enfantement ; Atlas peut bien, dédaignant la fabuleuse illustration, leur porter envie, à ces murs, à cette humble Demeure du Roi des rois, et qui fut aussi la Tienne. Vous, pèlerins, qui, en d'autres âges, cherchâtes les régions brûlées du soleil, les monts glacés, les mers diverses, les colosses, et les autres merveilles antiques dont la renommée ne cessera de parler, le monde n'avait alors ni sépulcres, ni murailles, ni prodiges à comparer au prodige que j'admire. Voilà pourquoi je soupire, pourquoi les pleurs inondent mon visage. Les merveilles anciennes furent l'œuvre d'hommes orgueilleux ; celles que je contemple sont l'œuvre admirable d'une céleste humilité. Heureuse la montagne d'où fut tirée la pierre toute brute ! Heureuse aussi la montagne où le marbre vient ceindre et revêtir la pierre ! Cette montagne fut privilégiée des Cieux, privilégiée de Celle que les cieux honorent, depuis qu'Elle manifeste et révèle Son insigne Bonté. Assurément, je prise moins les chefs-d’œuvre de Phidias, et de tous ceux dont la main habile, dont le ciseau hardi s'efforce d'animer la pierre. Heureuses les couleurs, heureux le pinceau et l'art du peintre fortuné qui sait remuer le cœur et lui inspirer d'humbles pensées ! De l'extrême Occident, les pèlerins, portant à la main l'olivier pacifique, viennent en foule se prosterner devant Ton image sainte. Ils viennent, ceux qui boivent les eaux de l'Ebre et du Tage ; ils viennent, les habitants des glaciales régions du pôle, ceux qui résident au-delà de l'Ister et des plus froides contrées. En l'honneur de la divine Protectrice qui dissipe nos maux, ils acquittent mille vœux, les faibles mortels dont la prière, grâce à Elle, monte jusqu'aux Cieux, et les puissants du monde, plus favorisés du Seigneur, déposent sur Tes autels de l'or et de l'argent, dons précieux qu'ils Te consacrent. Le temple resplendit partout de riches présents, de dépouilles ravies à la mort avare, de trophées enlevés à l'enfer vaincu. Grégoire le rend plus brillant encore et plus beau, Grégoire à qui ses vertus préparent dans l'éternel Royaume un siège éternel ; Grégoire à qui le Roi des Cieux a confié le noble gouvernail de Son navire, le soin de Ses fidèles ouailles et les clefs célestes ; Grégoire plein de bonté, de grandeur, de sagesse, de sainteté, pareil à ces pontifes que l'antique Rome vit jadis porter, sous le noble manteau, la lourde charge du sacerdoce. Mais Toi, qui vois Ton image s'élever sur les montagnes de la terre, Toi qui es placée bien au-dessus des chœurs célestes, guide ma plume errante et égarée, agrée ces chants pieux, et, si je T'honore, si je T'adore dans mon cœur, ne dédaigne point mon faible langage, quoique Tu entendes célébrer en de plus sublimes accents Tes divines louanges, quoique Tu reçoives les saints honneurs que Te rendent les angéliques esprits, et que, dans les demeures étoilées, il y ait, pour dire le doux Nom de Marie, des chants beaucoup plus harmonieux que nos terrestres paroles. Ô Vierge, si avec des lèvres impures encore, et imprégnées de miel et d'absinthe je suis indigne de louer ton Nom, alors, à la place du chant, je demande de la tristesse et d'abondantes larmes d'amour, sainte et précieuse faveur de ta Grâce, qui apporta souvent paix et pardon. Que les gémissements et les pleurs m'obtiennent ce que j'attendais des chants. Vois ! Je languis au sein des péchés, tel que le coursier qui se roule dans la poussière ou se traîne dans la fange. Ô Reine du Ciel, Vierge et Mère, purifie moi dans mes larmes, afin que je m'arrache au sombre abîme de mes fautes, et que, pour contempler enfin Ta gloire, je m'élève, de cette région terrestre, là-haut, dans la région des cercles étoilés ».
Ainsi soit-il.
Torquato Tasso (1544-1595)
Voir également du Poète Torquato Tasso :
La Prière de Le Tasse « Ô Reine des Cieux qui me guéris et me sauve »
La Prière de Torquato Tasso « Ô Reine des Cieux, purifie moi dans mes larmes »