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La Prière du R P Constantin de Barbanson « Je crie à Vous, ô mon Dieu, comme à mon unique Refuge » :

« Mon âme est toute consumée des afflictions et d'ennuis. Dieu a renversé comme un vent impétueux mon désir et espoir du prix, loyer et bonheur proposé à ceux qui suivent le chemin de l'esprit et perfection. Il a dissipé toute la joie et toute la condition meilleure, et l'avancement que j'attendais, à passer outre comme une nuée : et mon âme languit en moi-même et je dessèche, toute ma force et mes esprits s'étant épuisés ; et les jours de deuil et les calamités m'ont appréhendé sans que je m'en puisse dépêtrer. Je crie à Vous ô mon Dieu comme à mon unique Refuge, et Vous faites le sourd sans me rien accorder. Je continue et me tiens en pied, me taisant et attendant Grâce, et laissant parler mon angoisse, et Vous n'y avez non plus d'égard. Vous m'avez fait tant de faveurs quand j'avais le vent en poupe, et était en pleine vigueur, et maintenant que je suis aux abois, Vous devenez sans pitié, comme si Vous vouliez ma ruine ; et Vous me frappez de votre Main puissante si durement, multipliant les coups et secousses, comme si Vous étiez mon ennemi juré pour me terrasser. Vous m'avez prévenu en bénédictions, et élevé en hauteurs de l'esprit à Votre divine Contemplation, me posant au-dessus de toutes choses inférieures, comme sur le vent et le souffle de votre Saint Esprit qui me portait : et maintenant de cet heureux et agréable sommet, Vous m'avez précipité en un profond gouffre de malheur, d'autant plus âpre et misérable, que plus grand et plus sublime était mon bonheur. Et m'avez par cette chute brisée, comme réprouvant, condamnant, et punissant ma façon de vivre précédente, en laquelle toutefois je m'efforçais de Vous servir et complaire de si bon cœur. J'attendais et me promettais un continuel accroissement de Grâce et de Lumière, et une stabilité et tranquillité en cette éminence l'esprit après m'être courageusement et patiemment exercé en toute sorte de mortifications et d'œuvres vertueuses ; et que selon mes souhaits je parviendrais à la jouissance de votre divine Présence, et aurais ma conversation au ciel ; et tout à rebours, une troupe de maux et de misères m'est venu accabler, et les ténèbres espèces m'ont surpris, et inopinément couvert, et opprimé mon état intérieur, qui était si serein et plein de clarté : et me voici ravalée si bas, et rejetée si profond en moi-même, et en toute misère, qui ne se peut plus, et ne m'en puis relever ni développer. J'ai été mise en désert, et réduite à une extrême solitude, comme si je fusse du genre de ces animaux qui demeurent en lieux solitaires, et ne font que hurler, siffler et gémir de soif, de faim ou de regret et détresse. Ainsi soit-il. »

Constantin de Barbanson (1581-1631) – « L’Anatomie de l'âme »

Voir également de Constantin de Barbanson :
La Prière de Constantin de Barbençon « Ô Amour infini, conduisez ma plume et descendez dans mon esprit »
La Prière du R P Constantin de Barbanson « Je crie à Vous, ô mon Dieu, comme à mon unique Refuge »