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La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin « Je possède enfin mon Dieu que j'ai si souvent et si ardemment désiré » :

« Je possède enfin mon Dieu que j'ai si souvent et si ardemment désiré. Victorieux de tous les maux, je suis à la Source de tous les biens. Je Vous salue, admirable Séjour de mon repos ; je Vous salue, Maison de mon Dieu. Ô ma chère, ma chère Patrie ! Je Vous salue ! Plus de tempête à craindre, me voici dans le Port. Plaisirs du monde je vous ai vaincus ! La palme de la Victoire est à moi. Quel bonheur ! Quelle Gloire est mon partage ! Ô ravissant Palais de mon Dieu ! Pendant que j'étais dans cette vallée de misères, parcourant la triste carrière d'une vie si fragile, les peines, les maux, les tourments fondaient sur moi de toutes parts. Ô Bonté de mon Dieu ! Je ne verserai plus de larmes, la tristesse a fui loin de moi ; mon cœur n'est plus accessible qu'aux doux transports de la Joie qui le pénètre. Horreur de la prison, rigueur de la faim et du froid, douleurs insupportables, cruelles insomnies, vous n'êtes plus ; je ne serai plus l'objet des insultes, des outrages qui me furent prodigués ; je ne sentirai plus les morsures de ces vils insectes si insupportables, dont j'étais la proie. Placé dans la société des voleurs et des assassins, j'étais traité comme eux ; on me méprisait, on me frappait comme si j'eusse été un malfaiteur. J'avais pour breuvage une eau bourbeuse ; j'avais pour nourriture du pain moisi ; de la paille pourrie, couverte de haillons ; formait mon lit ; et je respirais, dans un noir cachot, un air infect. Mais, lorsqu'il me fallut aller au supplice, et mourir après avoir tant souffert, la rage employa, pour me faire endurer de plus cuisantes douleurs, le fer, les tenailles et des flammes ; ma faible nature, ne put résister à de si grands maux ; je succombai enfin, et cessai d'exister. Abattu par la mort, je n'en fus point vaincu ; mon âme immortelle ne cessa point d'aimer son Dieu ; elle vit encore et Dieu est sa vie ; intimement unie à Lui, elle vivra toujours, elle sera toujours heureuse de son bonheur. Le temps de souffrir est passé, le temps de jouir est arrivé. Gloire soit à Dieu ! C’est pendant des siècles qui ne finiront jamais, que je serai abîmé dans la Joie du Seigneur, parce que j'ai été un serviteur fidèle. Ô qu'il m'est utile d'avoir aimé Dieu, et beaucoup souffert pour Jésus-Christ ! Pour quelques légères tribulations qui n'ont duré qu’un moment, un poids immense de Gloire qui sera éternel. Pour avoir semé dans les larmes, je moissonne dans la Joie. Ô Dieu infiniment Libéral ! Quoi ! À si vil prix, je suis comblé, pour l'éternité, de tous les biens dans l'heureux Séjour du parfait Repos ! C'est maintenant que je connais bien toute la Sainteté de la Religion de Jésus-Christ ; maintenant que je suis en possession de la magnifique Récompense promise par mon Sauveur à ceux qui souffriront pour Lui ; maintenant que, le voile de la foi déchiré, je vois le Seigneur tel qu'Il est, et que j'ai le bonheur d'en jouir. Mortel ! Ton œil ne se lasse point de contempler ce qu'il y a de frappant dans de vastes prairies ; tu admires la beauté de tant de différentes fleurs. Tu ne considères point, sans étonnement, le nombre et l'éclat des étoiles dont le firmament est orné, et ces monuments si somptueux, quoique faits de main d'homme, chefs-d’œuvre de l'art et du génie : mais rien de ce qui est visible ne peut être assimilé à ce que présente le ravissant Spectacle de ce qu'on voit dans le Palais du Roi du Ciel. Quelle douce mélodie dans le chant de certains oiseaux pendant un beau jour de printemps ou d'été ! Quelle admirable harmonie dans un concert formé par un grand nombre de belles voix réunies, qui sont toutes parfaitement d'accord ? Mais ici l'oreille est infiniment plus flattée par le chant sacré des cantiques d'amour, dont les Bienheureux font retentir la Cité sainte en l'honneur du Dieu trois fois Saint. Que l'homme est ingénieux à inventer des desseins qu'il croit propres à le satisfaire ! Avec quelle ardeur son cœur ne se porte-t-il pas vers ce qu'il s'imagine pouvoir le rendre heureux ! Cependant nul mortel ne concevra jamais de quel torrent de délices, Dieu qui est Tout-Puissant et la Bonté même, inonde l'âme des Saints qui ont le bonheur de jouir pleinement de Lui. Oh ! Si les mortels connaissaient bien quelle est la Béatitude de ceux qui sont en possession de la glorieuse Immortalité, qu'ils seraient différents de ce qu'ils sont ! Ils habiteraient toujours, par leurs pensées et leurs désirs, dans ce beau Ciel pour lequel ils ont été créés. Avec quelle force ils résisteraient aux assauts de l'ennemi de leur salut ! Quel zèle ils auraient pour faire tout ce qu'ils croiraient être le plus agréable à Dieu ! Quelle serait leur piété, leur patience, leur docilité à obéir à la Grâce ! Qu’ils seraient doux, charitables et prudents, chastes, réservés et humbles ; généreux envers les pauvres, sobres et tempérants ! Que leur foi serait pure, vive et agissante ! Ils seraient de vrais Chrétiens, de parfaits Catholiques par leurs sentiments, et ils se montreraient tels par leur modestie, par leurs discours et leurs œuvres. Les entendrait-on blasphémer le Saint Nom de Dieu et se parjurer ? Les verrait-on se livrer aux désirs de la haine, aux fureurs de la vengeance ? Les expressions scandaleuses du libertinage souilleraient-elles leurs lèvres ? Y en aurait-il qui, brûlants de la soif de l'or, chercheraient à s'enrichir par des injustices ? Emploieraient-ils si mal leur temps, ne craindraient-ils pas d'en perdre même une seule heure ? Que la Récompense qui nous est décernée pour avoir aimé et servi le Seigneur, est Magnifique! Ô que nous sommes heureux dans ce Palais du Roi des rois ! Que nous nous félicitons d'avoir connu le prix du temps, et d'en avoir fait un saint usage. Couronnés d'une Gloire que nous avons méritée par de généreux efforts, nous triomphons, et nous triompherons éternellement, le cœur inondé des plus purs délices. Parmi elles, je distingue l'incomparable Marie, la Meilleure des mères ; c'est par Son canal que j'ai reçu tant de Grâces avec le secours desquelles je me suis sanctifié lorsque j'étais, sur la terre, exposé continuellement à tant de périls. Qui pourrait compter les légions d'Esprits bienheureux qui sont comme des flammes ardentes, par la vivacité de leur amour ? Divisés en neuf chœurs ; leur occupation est d'être toujours devant la Face du Seigneur, de L'adorer continuellement, et de chanter, sans interruption, Ses louanges. Oh qu'il est glorieux et qu'il est doux d'être dans la Société sainte de l'auguste Marie, des Patriarches et des Prophètes, des Apôtres qui furent dévorés de zèle ; de tant de millions de Martyrs se réjouissant de leurs insignes victoires ; de tous les Confesseurs de la foi, dont la fidélité à Dieu fut si admirable, et de ces Vierges pures, qui, s'étant offertes au Seigneur comme des hosties vivantes, Lui furent si agréables, et qui, actuellement couronnées de Ses dons, sont si chéries de l'Agneau de Dieu ! Tous ces dignes Habitants du glorieux Séjour unissent leur voix à celle des Esprits célestes, pour rendre gloire à Celui qu'on ne peut trop louer. Tous aiment nécessairement leur Dieu d'un amour pur et parfait ; et ce Dieu, qui est tout Amour, se montre à eux à découvert, les remplit tous d'une joie qui les rend souverainement heureux. Leur Dieu sera aussi mon Dieu, Il le sera dans tous les siècles. Au milieu de cette Société si illustre, ô que la multitude des Douceurs que le Seigneur me fait goûter est grande ! Ces Douceurs sont dignes de Dieu, et Elles surpassent infiniment la fidélité que j'ai eue à son service. Ce fleuve de paix ne cessera point de couler dans mon âme ; chaque jour, je vois des choses plus admirables, aussi, chaque jour me fait sentir plus vivement les faveurs de mon Dieu, rien n'en tarira jamais la Source. Une Joie cependant supérieure à toutes les joies, et qui est comme la base de tout mon bonheur, c'est, ô trois fois auguste Trinité, de contempler votre Beauté ineffable ! Non, ce n'est qu'en Vous voyant face à Face, qu'on peut être parfaitement heureux ; Vous seule, d'où découlent tous les biens, êtes ma souveraine Béatitude. Ô Dieu, qui êtes tout Bien, et la Source de tous les biens, mon unique Bienfaiteur ; qui Seul pouvez remplir tous les désirs des cœurs ; Lumière et Vie des fortunés habitants du céleste Séjour ! Vous m'appelez, je me hâte, je cours, je vole dans Vos bras ; il ne se brisera jamais ce doux lien qui m'unira à Vous. Ô l'heureux Jour, celui où Vous Vous donnez à moi pour récompense ! Heure fortunée, où je reçois la couronne qui est le salaire de mes vertus ! Aimable Jésus c'est par votre Secours, digne Fruit de votre Mort, que je suis enfin parvenu à un terme si glorieux ; c'est en mourant que vous m'avez mérité votre Grâce ; c'est par Elle que j'ai échappé à tous les dangers. Dans le cours de ma carrière mortelle, je pouvais pécher, je pouvais me plonger dans un torrent d'iniquité ; mais aujourd'hui ? Pour toujours, Citoyen du Ciel, je n'ai plus aucun sujet de craindre, je suis impeccable ; rien ne sera capable de troubler ma paix, de diminuer ma joie, de m'enlever mon Dieu, d'affaiblir l'amour que j'ai pour Lui. »

Ainsi soit-il.


R. P. Jean-Joseph Surin (1600-1665) – « Le Guide Spirituel pour la Perfection » ou « Petit Traité sur les degrés d'Oraison », pages 261-285, Langlois (1801)

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Voir également du R. P. Jean-Joseph Surin :
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin « Ô doux Amour, en qui je me repose »
- La Prière du R. P. Surin sur une âme martyre « Je possède enfin mon Dieu que j’ai si souvent et si ardemment désiré »
- Le Cantique du R. P. Surin « Ce m'est tout un que je vive ou je meure, il me suffit que l'Amour me demeure »
- La Prière du R. P. Surin au Cœur de Jésus « Je ne désire que ce que Dieu veut parce qu’Il le veut »
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin sur la Piété « Ô mon Dieu, je Vous supplie de m'accorder le goût et le don d'oraison »
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin « Seigneur, je Vous écouterai dans le silence »
- La Prière devant le Très Saint Sacrement du R. P. Jean-Joseph Surin « Mon Dieu, je veux m'unir à Vous continuellement »
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin « Seigneur, attirez-moi à Vous, en me faisant sentir Votre divine Présence »
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin pour demander le Secours de Dieu « Seigneur, je vais périr, ayez pitié de moi »
- La Prière du R. P. Jean-Joseph Surin qui nous montre le Royaume de Dieu « Je possède enfin mon Dieu que j'ai si souvent et si ardemment désiré »