Prière du Révérend Père Louis Le Valois (s. j.)
Voici une Prière sur la Conception de la Très Sainte Vierge Marie « Ô Vierge Immaculée, Vous êtes conçue avec la Grâce et dans la Grâce » du Révérend Père Louis Le Valois (1639-1700), Prêtre jésuite, Recteur du Collège de Caen puis Père spirituel au Collège de Clermont à Paris nommé en 1697 Confesseur des petits-fils de Louis XIV.
La Prière sur la Conception de la Sainte Vierge « Ô Vierge Immaculée, Vous êtes conçue avec la Grâce et dans la Grâce » :
« Vierge, le Modèle de toutes les vierges ; Vierge spécialement chérie de Dieu, et prédestinée pour le Salut des hommes : c'est en ce Jour que le Ciel commence à exécuter les grands desseins qu'Il avait formés sur Vous de toute éternité, et qu'Il devait accomplir dans la plénitude des temps. Il voulait donner à la terre un Sauveur, et Il était arrêté dans les décrets divins que ce Dieu Sauveur se ferait homme comme nous, et comme nous naîtrait d'une femme. Vous l'êtes, Vierge Sainte, cette Femme choisie entre toutes les femmes (Luc 1, 42) ; et c'est en conséquence de ce choix que Vous recevez l'être, et avec l'être des Dons si singuliers et de si glorieux Privilèges. Hélas ! Malheureux enfants d'un père criminel, nous portons, dès notre conception même, la peine de son péché ; et Dieu a tellement attaché cette malédiction originelle à notre nature, que nul, outre votre Fils adorable et Vous, n'en est exempt, ni ne l'a été. Au moment que nous sortons des mains de notre Créateur comme Son ouvrage, Il est obligé de nous haïr comme Ses ennemis ; et lorsqu'Il nous donne la première marque de son Amour par le Premier de ses Bienfaits, Il nous trouve dignes de tous Ses anathèmes. C'est le triste sort, mais le sort commun des hommes, et de tous les hommes c'est une loi générale. Cependant la Providence n'a point de lois si générales dont Vous ne soyez exceptée, dès qu'il y va de votre Gloire. Elle Vous tire de la masse corrompue des enfants d'Adam, toute Pure et sans tache. Vous êtes conçue avec la Grâce et dans la Grâce. Le souverain Auteur qui Vous donne l'être Vous conduit par une voie particulière, et Vous fait entrer dans un ordre nouveau. Il n'y a point de Miracle qui lui coûte pour cela. Mais plus le Miracle est grand, plus l'ordre est nouveau et la voie particulière ; plus aussi la distinction qu'Il fait de Vous Vous devient Glorieuse. Il n'était pas convenable que la Mère de Dieu fût jamais, même un moment, dans la disgrâce de Dieu. Il ne fallait pas qu'une Vierge choisie pour la destruction du péché soit Elle-même, en quelque sorte que ce soit, sujette au péché. Il n'aurait pas été de l'honneur de votre Fils, que le Sanctuaire où Il devait demeurer servit de retraite à Son principal ennemi. Enfin son Amour L'engageait à exercer envers Vous toute sa Miséricorde ; et Il ne l'eût pas exercée tout entière s'Il ne Vous eût garantie de la chute la plus profonde et du coup le plus mortel, lorsqu'Il avait un moyen infaillible et prompt pour Vous en préserver. Ce moyen, Heureuse Vierge, est de Vous racheter, non en Vous retirant de l'état du péché, mais en Vous empêchant d'y tomber : et c'est ainsi que Vous avez part à la Rédemption du Divin Médiateur que Vous devez donner au monde. Il est notre Sauveur en brisant nos fers et en nous délivrant de la servitude ; et Il est le Vôtre en Vous maintenant toujours dans une Sainte liberté. Il est notre Sauveur en nous ressuscitant à la Grâce, et Il est le Vôtre en Vous conservant toujours la Vie de la Grâce. Il est notre Sauveur en nous purifiant, et Il est le Vôtre en Vous exemptant de toute souillure. Il est notre Sauveur par voie de réparation, et Il est le Vôtre par voie de Protection. Cette seconde voie est d'autant plus excellente, que la Grâce est un bien plus précieux, et le péché un mal plus à craindre. Mais il est juste que le Ciel Vous ait privilégiée et comme Ses dons ne sont point imparfaits, en Vous formant pour être un Jour élevée à la plus éminente dignité, tout L'engageait à Vous y disposer par la plus belle de toutes les Prérogatives. Au même temps donc que Dieu Vous prédestina pour être sa Mère, Il Vous prédestina pour être Toujours sainte, et dans toutes les espèces de Sainteté. Cet adorable Fils, comme Dieu, a un Père pleinement Saint ; et en qualité d'homme, Il devait avoir une Mère toujours Sainte. Sainte dès l'instant de Sa conception, et Sainte depuis ce premier moment jusqu'au dernier de Sa vie. C'est pour cela que Vous n'êtes pas seulement conçue sans péché ; mais que Dieu Vous ôte encore la racine et le principe du péché, qu'Il éteint en Vous le feu de la concupiscence, qui est la source de tant de péchés. Tellement que Vous ne ressentirez jamais les révoltes intérieures de la chair contre l'esprit, et de l'appétit sensible contre la raison. Ce n'est pas assez et non content d'éloigner de Vous tout ce qui pourrait Vous porter au péché, Il rassemble dans Vous Tout ce qui peut Vous confirmer dans la Grâce. Lui Seul connaît, et Vous Seule connaissez après Lui, de quels Dons Il Vous comble, de quels Secours Il Vous fortifie, de quelles Lumières Il Vous éclaire. Tout ce que nous savons, c'est qu'Il Vous donne, au-dessus des Anges et de tous les Esprits Bienheureux, d'autant plus de Grâces qu'il y a plus de distance entre sa Mère et ses Ministres. Ô âme enrichie de tous les trésors du Ciel, âme plus lumineuse que le soleil, et toute belle ! Ô chef-d'œuvre de la toute Puissance et de la Miséricorde divine ! Nous n'envions point, Vierge Sainte, Votre bonheur. Que dis-je ? Nous y prenons part, et nous en faisons même le sujet de notre joie. Mais nous n'y pouvons penser, après tout, sans déplorer le malheur de notre origine et les suites funestes de ce premier péché qui accompagne notre conception. Il est vrai que le remède ne nous manque pas. Grâce à l'infinie Bonté de notre Dieu, qui ne veut point la mort des pécheurs, mais leur Salut (Ézéchiel XXXIII, 11), nous trouvons dans son Sacrement une Guérison infaillible et prompte. Mais, hélas ! Si la blessure est guérie, que la cicatrice en demeure profondément imprimée ! Et si le mal n'est plus mortel, qu'il laisse néanmoins encore d'infirmités et de faiblesses ! Nous les sentons, nous les éprouvons, nous gémissons quelquefois sous le fardeau qui nous accable, et plus souvent encore nous y succombons. Nous sommes donc comme des malades qui, dans une première convalescence, peuvent à peine faire un pas sans tomber. Ah ! Vierge Immaculée, toute exempte que Vous étiez de nos misères, toute confirmée que Vous étiez dans la Grâce, Vous n'avez néanmoins jamais été sur la terre absolument impeccable que sera ce de nous, si fragiles par nous-mêmes, et toutefois exposés à de si fréquentes et à de si violentes attaques ? Encore si nous n'avions à combattre que ces ennemis domestiques qui naissent avec nous-mêmes, et que partout nous portons dans nous-mêmes, la cupidité et nos passions : mais tout ce qui nous environne, tout ce qui se présente à nos yeux, tout ce qui frappe nos sens, les favorise et leur donne des armes contre nous d'autant moins à plaindre cependant, jusque dans l'état le plus déplorable, que nous nous exposons tous les jours nous-mêmes à de nouveaux périls, et que nous ne cherchons nul secours contre ceux que nous ne pouvons éviter. Je me trompe ; en cela d'autant plus à plaindre, que souvent nous croyons moins l'être, et que nous nous endormons, sans soin, sans vigilance, dans une trompeuse sécurité. Mais Vous êtes la Mère du Saint Amour et de la Crainte Chrétienne ; et c'est par Vous que nous obtiendrons la Grâce d'une vigilance plus exacte et d'une Crainte salutaire. Nous n'avons qu'à nous régler sur votre Exemple ; et dans votre Exemple nous trouverons également de quoi nous instruire et de quoi nous confondre. Sans être dans les mêmes dangers que nous, Vous avez conservé le précieux Trésor de la Grâce avec autant de soin que si Vous eussiez eu beaucoup plus à craindre de Le perdre que nous. C'est que Vous L'estimiez uniquement, et que nous n'en connaissons pas le prix. Mais est-il un bien plus à désirer pour nous ? Aidez-nous à le recouvrer, ce riche talent, si nous l'avons perdu. Aidez-nous à le conserver, si nous sommes encore assez heureux pour l'avoir dans nos mains. Aidez-nous à le faire profiter, puisque nous en devons rendre compte (Luc XVI, 2) ; et que c'est le dissiper que de le laisser inutile et sans fruit (Luc XI, 23). Que faut-il pour cela ? Vivre comme Vous dans la retraite ? Dès maintenant je renonce aux vains amusements du monde. Eviter comme Vous les occasions ? Dès maintenant je veux rompre tout commerce, tout engagement dangereux avec le monde. Etudier comme Vous toutes nos démarches ? Dès maintenant que je suis devant Dieu, je vais rentrer en moi-même pour examiner toute la conduite de ma vie, et pour en faire désormais ma plus sérieuse et ma première occupation. Prier comme Vous ? Dès maintenant je présente à Dieu mes vœux pour implorer son Secours ; et c'est par Vous que je les présente. Nous fortifier comme Vous par l'usage des choses Saintes ? Dès maintenant j'en forme la résolution. Lecture des bons livres, méditation des Vérités éternelles, assiduité à entendre la Parole Divine, fréquentation des Sacrements, pratiques de Piété, exercices de Pénitence, je ne dois rien et je ne veux rien oublier. Voilà le projet. Hélas ! Soutenez-moi dans l'exécution. Elle me doit coûter : mais je puis tout par la Grâce de votre Fils ; et puisque Vous êtes sa Mère, il n'y a point de Grâce que je ne puisse espérer de Lui par Votre toute-puissante Intercession ».
Ainsi soit-il.
R. P. Louis Le Valois (1639-1700) – « Collection intégrale et universelle des Orateurs Sacrés du Premier et du Second Ordre », pages 699-704, chez J.P. Migne, 1866
Voir également du Révérend Père Louis Le Valois :
- La Prière du R. P. Louis Le Valois pour l’Avent « Seigneur, j'irai au pied de Votre crèche pour connaître toute la profondeur de mes plaies »
- La Prière du R. P. Le Valois pour la Fête de la Pentecôte « Venez, Esprit-Saint, sanctifiez-moi comme Vous êtes Saint »
- La Prière du R. P. Le Valois sur le renouvellement des Vœux de Religion « Seigneur, donnez-Vous à moi comme je me donne à Vous »
- La Prière sur la Passion de Notre-Seigneur-Jésus-Christ du R. P. Le Valois « Seigneur, par les Mérites de votre Croix, accordez-moi la Grâce de Vous aimer comme Vous m'avez aimé »
- La Prière sur le Très Saint Nom de Marie du R. P. Le Valois « Marie, ô Nom sous Lequel nul ne doit désespérer ! »
- La Prière sur la Conception de la Sainte Vierge du Révérend Père Louis Le Valois « Ô Vierge Immaculée, Vous êtes conçue avec la Grâce et dans la Grâce »