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La Prière du R. P. Le Valois sur la Passion de Notre-Seigneur-Jésus-Christ « Seigneur, par les Mérites de votre Croix, accordez-moi la Grâce de Vous aimer comme Vous m'avez aimé » :

« Seigneur, Dieu et homme tout ensemble, votre Divinité ne vous a point empêché de souffrir et de mourir comme un homme ; et la mort, les souffrances de Votre humanité n'empêchent point que je ne Vous reconnaisse pour mon Dieu. Je crois que Vous L'êtes, et que Vous L'étiez même sur la Croix lorsque Vous y expirâtes accablé de douleurs, chargé d'opprobres, la Tête couronnée d’épines, les Mains et les Pieds percés de clous, tout le Corps déchiré et ensanglanté. Mais oserai-je, Seigneur, Vous faire avec respect la même demande que Vos bourreaux Vous firent avec tant d'insolence ? Qui est-ce qui Vous a frappé ? Qui Vous a pu mettre dans l'état où je Vous vois ? De qui, et à quelle occasion avez-Vous reçu tant de blessures ? Hélas ! Il ne faut point que je cherche ailleurs que dans moi-même l'auteur d'un traitement si injuste et si cruel. C’est moi qui ai fait mourir l'Oint du Seigneur ; le Christ, c'est moi qui L'ai crucifié ; ce sont mes péchés. Ah ! Il n’est que trop vrai, Seigneur, c'est pour les plaisirs criminels que Vous Vous êtes livré à la tristesse la plus profonde, et que Vous avez eu l'âme percée de la plus vive douleur ; c 'est pour ma sensualité et mes délicatesses que Vous Vous êtes soumis à une sanglante flagellation, et que Vous avez voulu être abreuvé de vinaigre et de fiel ; c 'est pour mes inimitiés et mes vengeances que Vous vous êtes exposé à la trahison d'un de Vos disciples et à toute la fureur des Juifs ; c 'est pour mon ambition et mon orgueil qu'on Vous a couvert d'ignominie, qu'on Vous a traité de fou, d'impie, de séditieux, d'imposteur, de blasphémateur, de faux prophète et de faux roi. Puis-je parcourir ici, Seigneur, et tous mes crimes et toutes Vos souffrances ! Digne sujet de mon horreur, péchés, de quel œil dois-je Vous regarder ? De quel œil dois-je me regarder moi-même, depuis que je Vous ai commis, et qu'en Vous commettant j'ai causé la Mort à mon Sauveur ? Et vous, mon âme, comprenez, si vous le pouvez, la grièveté et la noirceur de vos crimes, qui n'ont pu être lavés que par le Sang d'un Dieu. Faites, mon Dieu, que j'aie une vive douleur de votre Mort, et que je La pleure comme Vous avez pleuré mes péchés ; faites surtout que je ne vive plus sans douleur d'avoir péché, et que je meure plutôt que de Vous, crucifier encore par de nouvelles offenses. Qui Vous obligeait, Seigneur, à Vous charger de mes péchés ? Et n'est-ce pas Vous-même qui, par Amour pour moi, avez voulu les prendre sur Vous ? Après Vous êtes chargé de mes péchés, qui pouvait Vous faire souffrir malgré Vous ? Et n'est-ce pas Vous-même qui, par Amour pour moi, avez donné pouvoir à Vos ennemis d'exercer sur Vous toute leur cruauté ? Quoi que Vous ayez souffert de Vos ennemis, sont-ce Vos ennemis ou Vos souffrances qui Vous ont arraché la vie ? Et n'est-ce pas Vous-même qui, par Amour pour moi, l'avez donnée volontairement et librement ? Vous nous aviez donné bien d’autres marques de votre Amour, ô mon Dieu, mais Vous ne nous en aviez jamais donné, et, Tout Puissant que Vous êtes, Vous ne nous en pouviez donner une plus éclatante. C’est en ce Mystère, plus qu'en tout autre, que nous avons connu votre Charité infinie : toutes les eaux de la douleur, tout le fiel de votre Passion ne l'ont pu éteindre. Vous avez porté votre Amour jusqu'à suer du Sang pour nous, jusqu’à Vous laisser prendre et lier par des soldats, jusqu'à Vous laisser trainer dans les rues d’une grande ville et devant les tribunaux de quatre différents juges ; jusqu'à Vous exposer aux calomnies, aux faux témoignages et aux injures, aux épines, aux clous, à la mort, et à la Mort de la Croix. Achever, Seigneur, et, par les Mérites de votre Croix, accordez-moi la Grâce de Vous aimer comme Vous m'avez aimé. Que je serais heureux si j'avais occasion de mourir pour Vous comme Vous êtes mort pour moi, et de donner mon sang pour votre Gloire comme Vous avez donné le Vôtre pour mon salut ! Mais Vous ne demandez pas que je meure comme Vous, par un arrêt de la justice humaine, et entre les mains des bourreaux. Vous consentez que je vive ; et seulement Vous ne voulez plus que je vive esclave de mes désirs et abandonné à moi-même. Vous voulez que je vive, et qu’en vivant je sois à Vous ; que dans la liberté d'un enfant de Dieu, je suive la Loi de votre Esprit et le mouvement de votre Amour. Ah ! Seigneur, si c'est là toute la reconnaissance que Vous me demandez, je ne mourrai pas ingrat. Dès ce moment je me regarde comme un homme mort au péché. Dès ce moment je veux mourir à tous les principes du péché, à mes habitudes, à mes inclinations, à ma propre volonté. Aidez-moi, mon Dieu ; donnez-moi Vous-même ce coup de mort, que je recevrai comme un coup de grâce. Dès ce moment je vais commencer à vivre de la vie de la foi : la Loi réglera mes pensées, mes affections, mes paroles, mes actions, toute ma conduite. Je ne vivrai plus à moi-même ; je vivrai à Dieu seul en Jésus -Christ : je vivrai, non ce ne sera plus moi qui vivrai, ce sera Jésus-Christ crucifié qui vivra en moi. Louanges au Père Tout-Puissant, qui triomphe de nous par Jésus-Christ. Louanges à Vous-même, mon Sauveur, qui triomphez par Votre mort et de votre Père en désarmant sa Justice, et de nous en nous forçant de Vous reconnaître, de Vous adorer, de Vous aimer sur la Croix. Je Vous y adore avec d'autant plus de respect et d'amour que j'ai contribué par mes péchés à Vous y attacher. Je Vous adore dans Vos douleurs et dans Vos humiliations ; je Vous adore mourant et mort ; j'adore les plaies de Vos pieds, de Vos mains, de Votre côté ; j'adore jusqu’à votre Croix. Ô Croix, Croix salutaire, Croix adorable ! Vous êtes pour les Juifs un scandale ; pour les gentils, un objet de mépris et une folie. Mais malheur à moi, si jamais je me glorifie en aucune autre chose que dans la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et par qui je suis moi-même crucifié au monde ! Ô Croix, Source de toutes les consolations ! Toute pesante que Vous êtes, c'est Vous qui me rendez supportables et même légers, tous les maux de la vie. Toute rigoureuse que Vous êtes, c'est Vous qui m'adoucissez et même qui me rendez agréables, toutes les peines de la vie. Je vais à Vous, je me prosterne devant Vous, je me jette entre Vos bras, je Vous embrasse ; et, au milieu de ces tendres embrassements, je sens l'Onction divine se répandre dans mon cœur. Je Vous écoute, et que ne me dites-Vous point ? Ou plutôt je Vous envisage, et que me présentez-Vous ? Jésus crucifié. A, ce spectacle, à cette vue, je rougis de ma faiblesse, je me reproche ma sensibilité, je reprends tout mon courage ; je me plains, non plus de souffrir, mais de ne point souffrir assez. Ô Croix, solide fondement de mon espérance ! J’étais dans l'esclavage, et Vous m'avez délivré. J’étais ennemi de mon Dieu, et Vous m'avez réconcilié. J'étais banni du Ciel, et Vous me L'avez ouvert. C’est par Vous que je suis rentré dans tous mes droits sur ce bienheureux Héritage ; que ce soit encore par Vous que je Le puisse éternellement posséder ».

Ainsi soit-il.


R. P. Louis Le Valois (1639-1700) – « Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés du premier et du second ordre », pages 663-666, chez J.P. Migne, 1866

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Voir également du Révérend Père Louis Le Valois :
- La Prière du R. P. Louis Le Valois « Seigneur, j'irai au pied de Votre crèche pour connaître toute la profondeur de mes plaies »
- La Prière du R. P. Le Valois pour la Fête de la Pentecôte « Venez, Esprit-Saint, sanctifiez-moi comme Vous êtes Saint »
- La Prière du R. P. Le Valois sur le renouvellement des vœux de Religion « Seigneur, donnez-Vous à moi comme je me donne à Vous »
- La Prière sur la Passion de Notre-Seigneur-Jésus-Christ du R. P. Le Valois « Seigneur, par les Mérites de votre Croix, accordez-moi la Grâce de Vous aimer comme Vous m'avez aimé »