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La Prière du Révérend Père Victor Poucel « Ma Mère, répondait Jésus, ayez toujours foi en Dieu » :

Mon fils, disait ce jour-là Marie à Jésus, je me souviens que lorsque vous n'étiez encore qu'un enfant de deux mois, votre père et moi nous dûmes vous emmener en Egypte. Et dans le désert nous avions faim. Nous passions sous des palmiers et je levais la tête. Mais il n'y avait pas de fruits car c'était en février. Et je songeais : Si mon fils le voulait, il commanderait à ces arbres de nous servir. Nous avions soif, et votre père me dit : Si Moïse a fait couler l'eau du rocher, combien plus celui qui est avec nous pourrait-il, s'il le voulait, nous faire boire dans le désert. Mais l'eau ne coula point. Nous entrâmes dans une ville païenne, nommée Héliopolis. Nous nous disions : Les dieux de l'Egypte ont reconnu Moïse. Si aujourd'hui ils savaient qui s'avance contre eux, ils seraient émus et les temples crouleraient. Mais les temples ne croulèrent point. Nous pénétrâmes dans ce pays populeux, faibles et seuls. Pendant le jour, les gens se répandaient dans les champs. Le soir ils s'assemblaient en face de nous et nous demandaient sévèrement : « Qu'est-ce que vous voulez ? » Je voyais leurs figures semblables à celles des sphinx, je vous serrais sous mon voile contre moi, mon enfant, et je vous priais dans mon cœur, disant : « Jésus, si vous le voulez, vous les changerez tous ». Mais en ce temps-là, vous ne faisiez que vagir en vous plaignant. Il fallait vous allaiter et ensuite vous dormiez. Et de tous ceux parmi lesquels nous vivions, aucun ne vous connut. Jusqu'au jour où Hérode mourut, et votre père fut averti de nous ramener dans la terre d'Israël. Jésus, nous avons souffert, et vous n'avez pas voulu que Dieu fit un prodige pour nous secourir. Cependant votre père et moi nous bénissons Dieu, ô mon fils, car il a eu soin de nous.

« Ma Mère », répondait Jésus, « ayez toujours foi en Dieu ». Le Fils de Dieu, quel besoin a-t-il de prodiges ? N'est-il pas venu dans ce monde pour avoir faim et soif ? Renversera-t-il les murailles des villes pour en rebâtir sa Jérusalem ? Ou lancera-t-il sa violence contre les cœurs, lui qui doit sauver le monde par la foi ? Cependant je vous le dis, Moïse avec tous ses prodiges n'a pas quitté l'Egypte en plus grande majesté que le Fils de l'Homme n'y est entré, aux bras de sa mère, sur une ânesse.

« Ô ma Mère ! Regardez le chemin où nous avons passé : voici que les palmiers donnent du fruit hors de leur saison et que l'eau coule d'une pierre très dure. Et voici venir le jour où les dieux de l'Egypte reconnaîtront qui les a visités et les temples tomberont. A l'ombre où vous avez reposé un autre temple s'élèvera où l'on bénira le nom de Marie. Le désert fleurira, la solitude répandra l'odeur du baume, et du sable de l'Egypte montera la louange pour le miracle que Dieu a fait ».

Ainsi parlait Jésus à Marie. Mais quand il eut prononcé ces derniers mots, il regarda le Pécheur qui écoutait l'entretien, assis près de là. Le Pécheur avait vécu dans la terre d'Egypte, longuement et durement et c'est pourquoi, à ce regard de Jésus, le Pécheur devina aisément que dans tout l'entretien Jésus n'avait fait que parler de lui. Et qu'il était lui-même en personne, le Pécheur, ce miracle plus grand que ceux de Moïse, tel que Dieu se glorifiait de l'accomplir.

Père Victor Poucel (1872-1953)



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