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La Prière du soir du R. P. Nicolas Sanadon « Ô mon Dieu, il n'y a que Vous qui puissiez me donner un repos solide » :

« Grand Dieu dont les yeux ont été ouverts tout le jour sur mes besoins et dont la Présence aurai dû être la principale occupation de mon esprit et de mon cœur ; je reviens à Vous après les égarements où ma dissipation m’a jeté, et convaincu par une nouvelle mais toujours triste expérience, qu'il n'y a que Vous qui puissiez remplir mes désirs et me donner un repos solide ; j'avoue que je n'ai trouvé en tout le reste que de vains amusements, des biens frivoles, trop capables de souiller mon âme et très incapables de la satisfaire. Je ne suis créé que pour Vous, Dieu de mon cœur et mon unique Bien, pour le temps et pour l'éternité. Vous êtes le Seul fidèle, solide, généreux et constant ami. Comment ai-je donc pu Vous oublier en un jour où tant de Bienfaits et tant de Grâces intérieures et extérieures ont dû me rappeler à Vous à chaque instant ? Comment n'en ai-je point été touché et engagé par reconnaissance à Vous louer et à Vous bénir sans cesse ? La moindre faveur d'un Souverain devient très considérable par la main dont elle part. Le Maître absolu du Ciel et de la terre comble un vil esclave, et un misérable pécheur de biens très-précieux en eux-mêmes : Il me les donne avec un Amour infini et je n'y suis pas sensible ! Ne permettez pas, mon Dieu, que je persiste plus longtemps dans une ingratitude si intolérable : remplissez mon esprit de vos Lumières, faites de vifs reproches à mon cœur, confondez moi et pénétrez-moi de douleur en me représentant vivement, et tout ce que Vous avez daigné faire pour moi, et tout ce que j'ai osé faire contre Vous aujourd'hui. Dieu infiniment Bon, quel soin n'avez-Vous pas pris de tous les besoins de mon corps ? Que m'a-t-il manqué ? Comme un Père libéral, Vous êtes allé bien au-delà de la nécessité. Que de biens spirituels pour mon âme ! Que de saints mouvements ! Que de bons exemples ! De combien de maux ne m'avez-Vous pas préservé ? Ils sont arrivés à d'autres qui valent bien mieux que moi. Je méritais d'en être accablé ; mais Vous m'avez épargné. Eh cependant comment Vous ai-je traité ? Quel respect et quelle soumission ai-je eu pour Votre sainte Loi ? Que d'inconsidération, que de malignité dans mes paroles ? Que de liberté dans mes pensées ? Que de dérèglements dans mes désirs ? Que d'actions contraires à Vos sacrés Commandements ? Comment ai-je fait mes prières ? Combien ai-je omis de devoirs personnels et propres de mon état ? Quel exemple ai-je donné à mon prochain ? Mes os sont pénétrés de frayeur à la vue de mes péchés, parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête, et m'accablent par leur poids. J'ai péché mon Père, contre le Ciel et contre Vous ; je ne mérite plus d'être traité comme Votre enfant. Comment ai-je pu me résoudre à répondre à tant de Grâces par tant d'infidélités ? À offenser la souveraine Bonté par une si prodigieuse malice ? J'ai péché, je le confesse encore une fois, mon Dieu, et je le confesse avec une véritable honte et une sincère douleur. Hélas ! Que deviendrais-je, si surpris cette nuit d'une mort subite, je portais tant d'iniquités devant Vôtre redoutable Tribunal. Mais indépendamment de toutes les suites funestes que mes péchés peuvent avoir, j'ai péché contre mon Dieu, et c'en est assez pour me remplir d'amertume, et de regret. Plus Il a d'indulgence pour moi, plus je dois être sensible aux injures que je Lui ai faites. Je les déteste souverainement, ô mon Dieu, je suis résolu de mourir plutôt que d'y retomber tout à fait volontairement. Je Vous promets, Seigneur, de veiller plus exactement sur moi pour les éviter, et pour en fuir l'occasion, et il n'est rien que je ne veuille faire ou souffrir pour les réparer. Je me reconnais indigne de toutes vos Miséricordes et du repos que Vous voulez bien m'accorder ; il me conviendrait bien mieux de pleurer que de dormir. Du moins mon Dieu, que mon sommeil n'ait point d'autre fin que vôtre Gloire. Je ne le veux prendre que pour être plus en état de Vous servir, et s'il est interrompu, je souhaite que ce ne soit que par la douce pensée de vôtre Providence qui veille pour moi nuit et jour. Plein de ce sentiment je dormirai et je reposerai en paix, parce que l'expérience singulière que j'ai de vos Bontés me donne une ferme espérance de trouver un repos éternel dans Vous. »

Ainsi soit-il.


R. P. Nicolas Sanadon (1651-1720) – « Prières et Instructions Chrétiennes » pour bien commencer et bien finir la journée, pour entendre saintement la Messe haute et basse, et pour approcher avec fruit des Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, pages 16-22, chez Grégoire Du Puis, rue Saint Jacques, à la Fontaine d'Or, 1714


Voir également du R. P. Nicolas Sanadon :
La Prière du matin du R. P. Sanadon « Ô mon Dieu, puisque Vous daignez encore me donner ce jour »
La Prière du soir du R. P. Nicolas Sanadon « Ô mon Dieu, il n'y a que Vous qui puissiez me donner un repos solide »