« La Prière pour Tous » de Victor Hugo
Voici la quatrième partie sur dix de la « Prière pour Tous » et notamment pour nos aïeux qui demandent nos prières « À genoux sur la terre où ton père a son père, où ta mère a sa mère » extraite du recueil « Les feuilles d'automne » de Victor Marie Hugo (1802-1885), poète, dramaturge, écrivain et homme politique français qui ne se disait pas Catholique mais qui était pratiquant dans « La prière pour tous », la pièce la plus longue des Feuilles d'automne, où Victor Hugo se charge de tous les péchés du monde et seul l'Enfant vierge et pur a quelque chance de nous racheter.
La Prière pour Tous (IV) de Victor Hugo pour nos aïeux « À genoux sur la terre où ton père a son père, où ta mère a sa mère » :
À genoux, à genoux, à genoux sur la terre
Où ton père a son père, où ta mère a sa mère,
Où tout ce qui vécut dort d'un sommeil profond !
Abîme où la poussière est mêlée aux poussières,
Où sous son père encore on retrouve des pères,
Comme l'onde sous l'onde en une mer sans fond !
Enfant ! Quand tu t'endors, tu ris ! L'essaim des songes
Tourbillonne, joyeux, dans l'ombre où tu te plonges,
S'effarouche à ton souffle, et puis revient encor ;
Et tu rouvres enfin tes yeux divins que j'aime,
En même temps que l'aube, œil céleste elle-même,
Entr'ouvre à l'horizon sa paupière aux cils d'or !
Mais eux, si tu savais de quel sommeil ils dorment !
Leurs lits sont froids et lourds à leurs os qu'ils déforment.
Les anges autour d'eux ne chantent pas en chœur.
De tout ce qu'ils ont fait le rêve les accable.
Pas d'aube pour leur nuit ; le remords implacable
S'est fait ver du sépulcre et leur ronge le cœur.
Tu peux avec un mot, tu peux d'une parole,
Faire que le remords prenne une aile et s'envole !
Qu'une douce chaleur réjouisse leurs os !
Qu'un rayon touche encor leur paupière ravie,
Et qu'il leur vienne un bruit de lumière et de vie,
Quelque chose des vents, des forêts et des eaux !
Oh ! dis moi, quand tu vas, jeune et déjà pensive,
Errer au bord d'un flot qui se plaint sur sa rive,
Sous des arbres dont l'ombre emplit l'âme d'effroi,
Parfois, dans les soupirs de l'onde et de la brise,
N'entends-tu pas de souffle et de voix qui te dise :
Enfant ! quand vous prîrez, prîrez-vous pas pour moi ?
C'est la plainte des morts ! Les morts pour qui l'on prie
Ont sur leur lit de terre une herbe plus fleurie.
Ils entendent du ciel le cantique lointain.
Ceux qu'on oublie, hélas ! leur nuit est plus épaisse,
Un ver dans leur cercueil les dévore sans cesse,
Et l'orfraie à côté fait l'hymne du festin !
Prie ! afin que le père, et l'oncle et les aïeules,
Qui ne demandent plus que nos prières seules,
Tressaillent dans leur tombe en s'entendant nommer,
Sachent que sur la terre on se souvient encore,
Et comme le sillon qui sent la fleur éclore,
Sentent dans leur œil vide une larme germer !
Ainsi soit-il.
Victor Hugo (1802-1885) - Œuvres complètes de Victor Hugo chez E. Renduel (1838), « Les feuilles d'automne », La prière pour tous (Ora pro nobis), partie IV pour nos aïeux, p 281-283
Voir également de Victor Hugo :
- La Prière pour Tous (I et II) de Victor Hugo « Ma fille, va prier ! »
- La Prière pour Tous (III) de Victor Hugo « Prie encore pour tous ceux qui passent sur cette terre des vivants »
- La Prière pour Tous (IV) de Victor Hugo pour nos aïeux « À genoux sur la terre où ton père a son père, où ta mère a sa mère »
- La fin de la « Prière pour Tous » de Victor Hugo (parties V à X)