Aimer mon mari toute ma vie quoiqu’il arrive...
Témoignages de Séparé-Divorcé Fidèles
Voici le témoignage de Brigitte, une femme divorcée qui garde à son annulaire gauche (côté cœur) l’Alliance de son Mariage, signe sacramentel de son engagement devant Dieu à « aimer son mari toute sa vie quoiqu’il arrive » dans la Fidélité, le Pardon, la Paix et la Prière…
Le témoignage d’une femme mariée et divorcée qui s’est engagée à « aimer son mari toute sa vie quoiqu’il arrive » :
« Le jour de mon Mariage, j'étais sûre que Pierre et moi nous nous mariions pour la vie. Nous l'avions tellement voulu et préparé ... Nous nous étions connus sur les bancs de la faculté. Après trois ans de fiançailles au cours desquels nous avons participé ensemble à un groupe de fiancés chrétiens, nous avons vécu, avec nos familles et nos amis, une journée magnifique. Le soir même de notre Mariage, après que nous ayons quitté la fête discrètement, Pierre m'a invitée à m'agenouiller à ses côtés, dans la chambre d'hôtel, pour dire merci à Dieu de ce bonheur.
Il voulait douze enfants, je pensais que six ce serait bien pour commencer. Bref, la vie s'ouvrait devant nous et nous étions radieux. Je l'ai suivi dans ses mutations professionnelles, sans me poser de questions, sacrifiant sans même m'en rendre compte ma propre carrière professionnelle. Mais, en fait, c'est bien ma vie de famille que je souhaitais réussir avant tout et ces choix ne m'ont pas coûté. Huit ans plus tard, nous avions trois enfants adorables, des professions intéressantes, une jolie maison, une vie agréable et des projets de toutes sortes.
Pierre a alors commencé à s'enfermer dans ses pensées. Il travaillait de plus en plus, il se mit à fumer alors qu'il ne l'avait pas fait jusque-là. Il buvait un peu plus que nécessaire, il était ombrageux et fuyait les rencontres amicales. Un jour, il m'annonça qu'après avoir bien réfléchi, il allait cesser d'aller à la Messe. Cette religion l'étouffait et l'empêchait de vivre. Je pris donc chaque Dimanche le chemin de l'église, seule avec nos enfants. Peu après, c'est avec une partie de sa famille qu'il prit des distances pour des raisons similaires ... Toutes ces étapes ne le délivrèrent pas de son tourment et il finit par m'expliquer que son malaise venait du Mariage ... Il avait besoin de réfléchir. Il me demanda donc de pouvoir s'éloigner une année pour y voir plus clair.
Le sol s'est alors effondré sous mes pas. Je me retrouvais seule avec trois enfants jeunes et je réalisais que j'avais été incapable de le rendre heureux ... Quel échec ! Sur le plan personnel, quelle remise en question ! Mon mari était bien la seule personne qui m'aimait après m'avoir choisie ... Les autres : ma famille, mes frères, mes sœurs m'aimaient et m'auraient aimée même si j'avais été « nulle » et voilà que le seul qui m'avait choisie me dit, après une dizaine d'années de vie commune, que vraiment, non, ce n'est pas intéressant de continuer avec moi ...
Tous mes repères s'effondraient : non seulement l'avenir était brouillé, tous nos projets disparaissaient mais encore mon passé, toutes ces années déroulées depuis que je l'avais rencontré, tout cela n'avait plus de sens.
Il s'installa à des milliers de kilomètres de nous. Je vivais dans notre maison qui était grande et isolée ... Je me sentais perdue avec mes trois petits. Lors de son premier départ, Pierre m'acheta un chien, sentant probablement le vide qu'il laissait derrière lui.
Cette subite solitude fut aggravée par le fait que de nombreux amis, qui nous connaissaient tous les deux, furent déstabilisés, ne surent que dire et que faire, eurent peur d'avoir à prendre parti et prirent un peu de distance. D'ailleurs, plusieurs années plus tard, un couple très cher me dit : « on a vu que vous aviez des problèmes, alors on a préféré vous laisser tranquilles... » Quelle idée ! Quel dommage ! J'avais tellement besoin de réconfort ...
''D'autres, pensant m'aider, se mirent à critiquer Pierre, le jugeant irresponsable, égoïste, inconscient et m'incitèrent à le traiter avec mépris et dureté.
Tout cela ne me convenait pas et ne m'aidait pas ... Au bout d'un an, il était toujours dans son questionnement et il me demanda de poursuivre sa réflexion. Finalement, au bout de quatre ans, malgré mon incompréhension de la situation et l'impression de gâchis, il fallut me rendre à l'évidence et entendre ce qu'il me disait : « Je ne veux plus continuer avec toi dans le Mariage. Nous devons divorcer… » ''
Passé les premiers temps où je fus occupée à faire face aux problèmes matériels et aux diverses procédures, j'ai bien senti qu'une grande partie de mon entourage attendait que je « refasse ma vie » comme on dit ... Je n'avais pas quarante ans et cela va de soi de nos jours. Au fond de moi, même si cette idée m'a traversée, je sentais tout autre chose.
D'une part, je pensais qu'aucun homme ne remplacerait auprès de moi le père de mes enfants. D'autre part, ce serment que j'avais fait devant ma famille et mes amis, en présence de Dieu, était toujours valable. Je m'étais engagée à aimer mon mari toute la vie.
Peu à peu, j'ai cherché ce que cela pouvait vouloir dire d'aimer un homme qui ne veut plus vous aimer. Je savais bien qu'il ne s'agissait pas de sentiment, que cet amour ne pouvait pas ressembler à celui que nous avions vécu durant les premières années de notre vie de couple. Mais alors, quel visage allait-il prendre, cet amour, dans ces nouvelles circonstances ?
J'ai posé la question autour de moi, à des Prêtres en particulier. J'attendais d'eux une réponse. Cette phrase si belle qui retentissait sans cesse dans ma tête : « Pierre, je me donne à toi et je m'engage à t'aimer fidèlement toute ma vie dans le bonheur et dans les épreuves ... », c'était bien l'Église qui l'avait mise dans ma bouche. Je ne l'avais pas inventée même si je l'avais dite de tout mon cœur. Alors, comment aujourd'hui, alors que l'épreuve était là, cette Église n'avait-elle rien à me dire ? Cette phrase que j'avais prononcée était-elle effacée ? Y avait-il une condition, passée sous silence, qui prévoyait : « je m'engage à t'aimer fidèlement, sauf si toi tu ne veux plus m'aimer ».
Cette recherche a duré des années. Les Prêtres que je rencontrais m'encourageaient à lire la Bible, à vivre les Sacrements, à m'engager dans la catéchèse, à relire ma vie professionnelle, amicale, ma vie de mère mais ma vie d'épouse n'existait plus en dehors de ma souffrance à laquelle ils compatissaient. Il y avait comme un blanc ... et cela m'a désorientée.
Un jour tout de même, alors que je revoyais pour la première fois depuis notre séparation un Prêtre qui nous avait connus « heureux » et qui avait appris nos difficultés, j'ai pu lui faire part de mes questions, de mon désir de continuer sur ce chemin du Mariage. Il m'a écoutée en silence et au moment de me quitter il m'a dit : « M'autorisez-vous à embrasser votre anneau ? Je suis tellement heureux de voir que vous l'avez gardé au doigt ».
Cette rencontre, cette phrase ont été un encouragement très grand et, en quelque sorte, la reconnaissance de ce chemin de fidélité jusque-là poursuivi dans la solitude et l'incertitude.
Peu à peu, j'ai tracé cette route avec un peu plus d'assurance. J'ai compris qu'aimer mon mari, dans ma nouvelle situation, voulait dire être juste dans les procédures, accepter qu'il change de route, respecter sa liberté, refuser tout ce qui peut ressembler à la vengeance ou aux règlements de compte, essayer de donner aux enfants une image juste de leur père, ne pas refaire l'histoire, chercher à voir mes propres responsabilités dans cet échec, prier pour lui, pardonner, essayer d'introduire la paix dans cette situation que l'on ressent comme tellement injuste ...
Tout cela, c'est pas à pas que je l'ai découvert et que j'ai essayé de le vivre, avec des hauts et des bas, car c'est un chemin difficile.
Et puis, un jour, j'ai rencontré des frères et des sœurs qui vivaient le même chemin que moi après avoir vécu le même malheur. Un groupe où on se comprend immédiatement, où on sait que la force de vivre cette fidélité, c'est dans la prière et l'amitié vraie qu'on la trouvera. J'ai réalisé alors que le Sacrement de Mariage était bien vivant et que Jésus, qui s'était engagé à nos côtés le jour de notre Mariage, me tenait la main sur ce chemin tellement plus accidenté que je ne l'imaginais ...
Cette Bénédiction de Dieu m'accompagne donc, même sur ce chemin de séparation. Le Christ m'a confié Pierre le jour de mon Mariage et ma mission n'est pas terminée. Cet amour, même s'il ne s'exprime plus de façon conjugale peut encore être vécu avec la Grâce du Sacrement. Je suis invitée à regarder mon conjoint avec les yeux de Jésus, comme Jésus regarde chacun de nous, et je suis appelée, jour après jour, à poser des actes de paix, de pardon envers celui qui reste mon mari.
Vingt ans après, que puis-je dire ? Que j'ai trouvé un chemin de bonheur, de paix. Que j'ai la sensation d'une cohérence et d'une unité dans ma vie. L'engagement pris le jour de mon Mariage garde tout son sens. Bien sûr, aujourd'hui, les enfants sont partis et je suis seule mais cette disponibilité affective n'est pas perdue. J'ai beaucoup d'amis, des vrais. J'ai du temps pour m'engager dans des activités de toutes sortes, toutes plus intéressantes les unes que les autres. J'essaie de faire en sorte que chaque fête de famille chez nos enfants ne soit pas pour eux un casse-tête : Papa sera-t-il là ? Sera-t-il seul ou accompagné ? Maman va-t-elle accepter cela ? Nos enfants ont assez souffert, ils ont été assez écartelés et perturbés. Aujourd'hui ils sont adultes et je ne veux plus que notre histoire continue à porter une ombre sur la leur. Ce chemin se poursuit car je ne peux dire encore : « j'ai pardonné ». Jour après jour, j'essaye de vivre l'Évangile dans la situation qui est la mienne et que je n'ai pas choisie en puisant à cette Source de Grâce qu'est le Sacrement de Mariage ».
Brigitte - Témoignage du livre « Séparés, Divorcés à cœur ouvert » diffusé à Radio Maria le 17 août 2016
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