Voici les numéros 9 à 13 « Toi et ton épouse » du premier chapitre « À la lumière de la Parole » de l'Exhortation Apostolique Post-Synodale aux Evêques, aux Prêtres et aux Diacres, aux Personnes Consacrées, aux Epoux Chrétiens et à tous les Fidèles laïcs sur l’Amour dans la Famille « Amoris Laetitia » (la Joie de l'Amour) de notre Saint Père, le Pape François.
« TOI ET TON ÉPOUSE » :
9. Franchissons donc le seuil de cette maison sereine, avec sa famille assise autour de la table de fête. Au centre, nous trouvons, en couple, le père et la mère, avec toute leur histoire d’amour. En eux se réalise ce dessein fondamental que le Christ même évoque avec force : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme ? » (Mt 19,4). Et il reprend le mandat de la Genèse : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24).
10. Les deux grandioses premiers chapitres de la Genèse nous offrent l’image du couple humain dans sa réalité fondamentale. Dans ce texte initial de la Bible brillent certaines affirmations décisives. La première, citée de façon synthétique par Jésus, déclare : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (1, 27). De manière surprenante, l’« image de Dieu » tient lieu de parallèle explicatif précisément au couple « homme et femme ». Cela signifie-t-il que Dieu est lui-même sexué ou qu’il a une compagne divine, comme le croyaient certaines religions antiques ? Évidemment non, car nous savons avec quelle clarté la Bible a rejeté comme idolâtres ces croyances répandues parmi les Cananéens de la Terre sainte. La transcendance de Dieu est préservée, mais, puisqu’il est en même temps le Créateur, la fécondité du couple humain est l’« image » vivante et efficace, un signe visible de l’acteur créateur.
11. Le couple qui aime et procrée est la vraie « sculpture » vivante (non pas celle de pierre ou d’or que le Décalogue interdit), capable de manifester le Dieu créateur et sauveur. C’est pourquoi, l’amour fécond arrive à être le symbole des réalités intimes de Dieu (cf. Gn 1, 28 ; 9, 7 ; 17, 2-5.16 ; 28, 3 ; 35, 11 ; 48, 3-5). C’est ce qui justifie que le récit de la Genèse, en suivant ce qui est appelé la « tradition sacerdotale », soit traversé par diverses séquences généalogiques (cf. 4, 17-22. 25-26 ; 5 ; 10 ; 11, 10-32 ; 25, 1-4.12-17.19-26 ; 36) : car la capacité du couple humain à procréer est le chemin par lequel passe l’histoire du salut. Sous ce jour, la relation féconde du couple devient une image pour découvrir et décrire le mystère de Dieu, fondamental dans la vision chrétienne de la Trinité qui, en Dieu, contemple le Père, le Fils et l’Esprit d’amour. Le Dieu Trinité est communion d’amour, et la famille est son reflet vivant. Les paroles de saint Jean-Paul II nous éclairent : « Notre Dieu, dans son mystère le plus intime, n’est pas une solitude, mais une famille, puisqu’il porte en lui-même la paternité, la filiation et l’essence de la famille qu’est l’amour. Cet amour, dans la famille divine, est l’Esprit Saint » (Jean-Paul II, homélie à l’occasion de l’Eucharistie célébrée à Puebla de los Ángeles (28 janvier 1979) : AAS 71 (1979), p. 184 ; DC 1979, n.1758, p. 162.). La famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même (Jean-Paul II, homélie à l’occasion de l’Eucharistie célébrée à Puebla de los Ángeles (28 janvier 1979) : AAS 71 (1979), p. 184 ; DC 1979, n.1758, p. 162.). Cet aspect trinitaire du couple trouve une nouvelle image dans la théologie paulinienne lorsque l’Apôtre la met en relation avec le « mystère » de l’union entre le Christ et l’Église (cf. Ép 5,21-33).
12. Mais Jésus, dans sa réflexion sur le mariage, nous renvoie à une autre page de la Genèse, le chapitre 2, où apparaît un admirable portrait du couple avec des détails lumineux. Choisissons-en seulement deux. Le premier est l’inquiétude de l’homme qui cherche « une aide qui lui soit assortie » (v. 18.20), capable de combler cette solitude qui le perturbe et qui n’est pas comblée par la proximité des animaux et de toute la création. L’expression originelle en hébreu nous renvoie à une relation directe, presque « frontale » – les yeux dans les yeux – dans un dialogue également silencieux, car dans l’amour les silences sont d’habitude plus éloquents que les paroles. C’est la rencontre avec un visage, un « tu » qui reflète l’amour divin et est « le principe de la fortune, une aide semblable à l’homme, une colonne d’appui », comme dit un sage de la Bible (Si 36,24). Ou bien comme s’exclamera la femme du Cantique des Cantiques dans une merveilleuse profession d’amour et de don réciproque : « Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui (…). Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ! » (2, 16 ; 6,3).
13. De cette rencontre qui remédie à la solitude, surgissent la procréation et la famille. Voici le second détail que nous pouvons souligner : Adam, qui est aussi l’homme de tous les temps et de toutes les régions de notre planète, avec sa femme, donne naissance à une nouvelle famille, comme le répète Jésus en citant la Genèse : « Il quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair » (Mt 19,5 ; cf. Gn 2,24). Le verbe « s’attacher » dans le texte original hébreu indique une étroite syntonie, un attachement physique et intérieur, à tel point qu’on l’utilise pour décrire l’union avec Dieu : « Mon âme s’attache à toi » chante l’orant (Ps 63, 9). L’union matrimoniale est ainsi évoquée non seulement dans sa dimension sexuelle et corporelle mais aussi en tant que don volontaire d’amour. L’objectif de cette union est « de parvenir à être une seule chair », soit par l’étreinte physique, soit par l’union des cœurs et des vies et, peut-être, à travers l’enfant qui naîtra des deux et portera en lui, en unissant, non seulement génétiquement mais aussi spirituellement, les deux « chairs ».
« Amoris Laetitia » - I/ À la lumière de la Parole, Toi et ton épouse (9-13)