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Exercice du Chemin de la Croix du Vendredi Saint

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Voici la Prière préparatoire et les « Quatorze Méditations des Stations du Chemin de la Croix du Vendredi Saint » de Monseigneur Louis-Désiré Bataille (1820-1879), archiprêtre à l'église de Saint-Jacques à Douai avant d'être nommé Évêque d'Amiens, qui montait dans la chaire de sa Cathédrale, pour dire, d'une voix vibrante et pénétrée, entre des prières et des cantiques, les récits toujours nouveaux des Quatorze Stations du Chemin de la Croix du Vendredi Saint. C'était un grand spectacle, une prédication saisissante ; des paroles enflammées faisaient jaillir de ferventes prières, après avoir inspiré de salutaires retours.



Le « Chemin de la Croix du Vendredi Saint » de Mgr Louis-Désiré Bataille :


La Prière préparatoire du Chemin de la Croix que l'on doit faire au Maître-Autel :
Mon Dieu, nous voici de nouveau devant votre Croix pour méditer vos douleurs. Nos âmes sont tristes, nos cœurs déchirés, et nos regrets bien vifs, car tous ici nous savons que ce Sang crie sur nous : Sanguis ejus super nos ; que c'est par nous qu'il a coulé de vos divines plaies, et que tous les hideux supplices qui ont marqué chacune des Stations que nous allons suivre, c'est nous, mon Dieu, qui les avons provoqués par nos prévarications, nous qui les renouvelons tous les jours encore. Ah ! Donnez-nous de réfléchir plus sérieusement que nous n'avons fait jusqu'ici, à cette page salutaire de votre Passion, et puissions-nous, par votre Grâce, trouver dans vos divins abattements du courage et des ardeurs nouvelles, des consolations dans vos larmes, et la vie dans votre mort. Ainsi soit-il.

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PREMIÈRE STATION : Jésus condamné à mort
C'était comme ce matin... Conduit par des soldats, sur l'ordre des Anciens du peuple, le Sauveur paraissait devant Pilate. Il était pâle, mais de cette pâleur qui trahit les souffrances de l'âme bien plus que celles du corps. Malgré les chaînes dont on avait chargé ses mains, il y avait dans son extérieur ces signes de l'innocence qui ne trompent jamais. Le gouverneur regarde et il se sent ému. Il voudrait Le délivrer, il l'essaie même ; mais on lui parle de César, on menace sa réputation ; il pressent une disgrâce, et comme tous les hommes faibles, il devient tout à coup irrésolu et tremblant. N'osant pas absoudre, ne voulant pas condamner, il fait venir Barabbas, il l'oppose à Jésus ; Barabbas le voleur, Barabbas le meurtrier. « Lequel, demande-t-il à cette foule, lequel voulez-vous que je délivre ? » Le peuple qui est ingrat toutes les fois qu'il se laisse aveugler par ses passions, répond : « Barabbas ! » Et, après avoir fait flageller Jésus, le lâche juge, cédant à la crainte de César et du peuple, étouffe sa conscience et prononce l'inique condamnation.
Il y a peut-être dans ce temple, à ce moment, de ces malheureux Pilates, ballottés ainsi entre l'amour du monde et l'amour de Jésus. Comme le gouverneur, ils croient à la Sainteté, à la divinité du Christ ; ils voudraient opter pour Lui, et Lui rendre enfin un cœur trop longtemps infidèle. Les vertus, les larmes, les prières d'une épouse, l'innocence de leurs petits-enfants, leur bonheur, leur avenir, leur éternité : tout le leur demande. Mais le monde crie : Barabbas ! Et les infortunés, dominés par une crainte qui peut-être leur fait horreur à eux-mêmes, répètent avec le monde : Barabbas ! Et condamnent Jésus par un mépris extérieur, plus outrageant que le blasphème.
Ô mon Dieu, prenez-les en pitié ! Montrez-leur que pour eux, Vous n'avez pas craint d'être condamné par le monde ; faites-leur comprendre tout ce qu'il y a d'indigne d'un homme, dans cette peur qui les arrête, et mettez dans leur âme un peu de ce courage qui faisait dire à Saint Paul : « Ni la persécution, ni le glaive, ne m'arracheront à l'amour du Fils de Dieu : Quis ergo nos separabit a charitate Christi ? »

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DEUXIÈME STATION : Jésus chargé de sa Croix
Quand parmi nous, un assassin est condamné à mort, on dit qu'au jour venu, les bourreaux même se souviennent que le malheur est une chose sacrée. Pour que ses yeux n'aperçoivent qu'au dernier moment l'instrument du supplice, c'est par des rues détournées que le conduit la fatale charrette. Il n'en fut pas de même pour le Sauveur du monde. La Croix, cet échafaud ignoble, la Croix attendait Jésus au sortir du prétoire ; Il la voit là, toute prête entre les mains des bourreaux impatients ; et c'est ce corps, épuisé déjà par l'agonie du Jardin des Olives, déchiré par les fouets de la flagellation, tout couvert de meurtrissures et de sang, qui devra traîner jusqu'au lieu du supplice, le pesant et ignominieux fardeau !
Et moi, mon Dieu, je murmure contre les prétendues difficultés de ce retour que tout me prescrit, de cette communion que tout m'impose, de cette vie chrétienne qui me rendrait la joie, et dont tout me rappelle la nécessité. Cette croix m'épouvante, et je recule devant elle depuis dix, depuis quinze, depuis trente ans peut-être. Oh ! Mettez un moment la Vôtre sur се cœur rebelle, et faites-moi comprendre enfin que le Sacrifice c'est le salut, et que la Croix c'est le mérite : Regnum Cælorum vim patitur, et violenti rapiunt illud.

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TROISIÈME STATION : Jésus tombe une première fois
Je me représente cette triste scène. Dans une rue comme on en trouve dans la ville sainte, étroite, raboteuse, pénible, le Christ s'avance, succombant sous son hideux fardeau. Ses pieds sont nus et laissent à chaque effort un vestige sanglant. Ses mains, blessées par les cordes qui les ont garrottées au prétoire, soutiennent, comme pour en diminuer le poids, l'arbre qui gémit sur ses épaules déchirées. Ô douleur, son pied tout à coup va heurter contre une pierre, Jésus-Christ tombe, et la Croix, roulant sur Lui, rouvre ses plaies, et ajoute une horrible souffrance aux souffrances horribles de ce trajet.
Ô pécheur, ô mon frère, ô vous autrefois si fort et si prompt à courir dans la voie du Ciel, comment aussi êtes-vous tombé : Quomodo cecidisti ? Vous souvient-il du bonheur et de l'innocence qui réjouissaient alors votre âme ? Aucun nuage, aucune amertume, aucun regret ; la vie était douce, et sur le chemin, le calme, vos vertus, vos œuvres, fleurs du Ciel, charmaient chacun de vos pas... Quomodo cecidisti ! Hélas ! Pourquoi êtes-vous allé demander aux passions et à l'Enfer, ces croix maudites que le remords impose et que la volupté rend si lourdes ! Vous vous êtes heurté à des occasions dont vous saviez le danger, à des lectures légères et impies, à des plaisirs énervants, à des fréquentations coupables.
Vous voici maintenant dans la boue, tout meurtri de votre chute, et n'en comprenant peut-être plus la honte ! Levez-vous donc comme le Sauveur, et marchez ! Tous les efforts sont possibles avec Lui : Omnia possum in eoqui me confortat.

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QUATRIÈME STATION : Jésus rencontre sa sainte Mère
Il s'était relevé sous les coups des soldats ; Il continuait le chemin de ses douleurs, en pensant à nous. Tout à coup, à l'angle d'une rue, un regard rencontre le Sien... Ô moment affreux ! C'est sa Mère ! Sa Mère qui le sait mourant et qui s'est fait conduire, mourante elle-même, auprès de son tendre Fils. Mères qui pleurez ici, il n'y a que vous pour nous dire ce que dut avoir de déchirant ce regard échangé là, entre ces deux cœurs, à travers du sang, au milieu des bourreaux ! Pourtant la vue d'une mère, quand on souffre, encourage et console. Le Sauveur y puise de nouvelles forces ; Il sent que quelqu'un au moins compatit à ses douleurs, souffre avec Lui, plus que Lui peut-être, et Il marche. Courage donc, pécheurs qui souffrez sur la route de vos iniquités ; non, vous n'êtes pas abandonnés sans retour ! Regardez ; voici qu'une mère aussi est là devant vous ; c'est l'Église, l'Église qui vous aime, qui pleure sur vous, qui compatit si bien à vos angoisses, et qui demande si instamment pour vous, pendant ces jours de pardon et de vie, la vie et le pardon dont vous avez tant besoin !
Et vous, justes, courage aussi ! Lorsque Vous vous sentez défaillir au milieu de vos tentations et de vos épreuves, comme Jésus-Christ, jetez vers Marie un regard d'amour, songez qu'elle prend sa part de vos souffrances, qu'elle prie pour vous, et qu'au sommet de votre calvaire, elle vous attend pour se faire votre avocate et vous obtenir, en échange de vos croix d'un jour, la gloire qui ne passe point et la vie qui ne meurt plus : Credo vitam æternam.

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CINQUIÈME STATION : Simon le Cyrénéen aide Jésus à porter sa Croix
Ô mon Sauveur, Vous voilà dans l'impuissance de porter seul ce fardeau si lourd de la Croix ; il faut un aide à votre Humanité défaillante. Où sont donc, bon Maître, vos disciples et vos apôtres en ce cruel moment ? Quoi ! De tous ceux que Vous avez aimés, enseignés, guéris, ressuscités, pas un !... Pas un qui se présente pour soulager un moment vos épaules, et permettre à votre faiblesse de ne point succomber tout à fait ! Hélas ! Personne, en effet, et il faut qu'un étranger se dévoue à secourir le Sauveur.
Quand ici-bas on a eu le malheur de se précipiter dans l'impiété et le désordre, et que le péché vient troubler notre sommeil, attrister nos jours et torturer nos consciences ; quand la vie se présente à nous comme un supplice, et le trépas comme une épouvante, d'où nous viendra donc un Cyrénéen charitable, pour nous aider à soutenir ce fardeau, et à nous délivrer de ces angoisses ? Ah ! Ne comptons pas sur le monde ; nous l'avons aimé, hélas ! Mais le monde est ingrat. Nos amis sont impuissants ; ils ne feraient que rendre plus lourd le poids qui nous accable, poids d'ennui, de malaise, de vide affreux et d'amères tristesses !
Venez, Prêtre de Jésus-Christ ! Vous seul avez le secret de ce soulagement et de cette précieuse assistance ! Faible par vous-même, mais fort du pouvoir qui vous a été donné dans le Ciel et sur la terre, accourez vers cette âme défaillante ; qu'elle goûte bien vite ce qu'il y a d'adoucissement, de consolation, de félicité, dans cet aveu du prodigue versé au cœur d'un père, et qu'elle sache enfin, ô mon Dieu, combien votre joug est doux et combien léger votre fardeau : Jugum enim meum suave est, et onus meum leve.

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SIXIÈME STATION : Une Femme pieuse essuie la Face de Jésus
Tandis que de toutes parts les blasphèmes, les outrages et les huées de ce peuple, tombent sur le divin Supplicié, une femme a senti tressaillir son cœur, sous le sentiment du dévouement et de la pitié. Elle a vu ce visage pâle, exténué, souillé de boue, de poussière, de crachats et de larmes ; elle a vu ce front labouré par un faisceau d'épines, et couvert d'affreuses plaies ; elle a vu ces yeux injectés de sang, se tourner vers la foule et implorer en vain un regard de sympathie ; elle s'est sentie émue. Plus le condamné est horrible à voir, plus elle mettra d'empressement et de charité. Elle fend la foule, elle arrive, elle se prosterne devant cette face qui n'a plus rien d'humain ; de son voile blanc, elle L'essuie avec un respect, avec un bonheur qu'égale seule sa compassion ; et, pour prix de sa démarche, le Sauveur l'ayant bénie, imprime sur ce voile sa divine ressemblance. Consolante image de la Confession sacramentelle, et des Grâces que nous ménage en ce moment la divine miséricorde ! Elle voit des milliers de Chrétiens succombant sous le poids de leurs négligences, de leur impiété ou de leurs désordres. Comme le front du Sauveur est chargé de souillures, en cette sixième Station, ainsi leur âme est couverte de l'opprobre du péché. Et, céleste envoyé, le temps pascal vient ; il présente l'absolution à ces frères malheureux ; il étend ce voile béni sur les horreurs de leur conscience. A l'instant même, fût-elle rouge comme le vermillon, moyennant un aveu sincère et des résolutions généreuses, la voilà blanche comme la neige ; toute faute est pardonnée, toute tache a disparu ; c'est la beauté du Baptême, c'est la splendeur des jours les plus purs ; et le coupable régénéré retrouve, avec la ressemblance de Dieu, la grandeur sur la terre et la couronne au Ciel.
Ô Christ, n'en sera-t-il pas ainsi bientôt, pour tous ceux qui ont résisté jusqu'ici ?

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SEPTIÈME STATION : Jésus tombe une seconde fois
La montagne est si escarpée, la route si longue, les bourreaux si cruels, les coups si nombreux, la Croix si pesante, les forces si épuisées, que l'humanité sainte de Jésus chancelle de nouveau ; une seconde chute, accompagnée d'un douloureux gémissement de la Victime et d'une imprécation de la foule, vient ralentir encore cette marche déjà si lente. J'entends le sinistre sifflement des fouets, et un effort plus vigoureux remet debout ce corps qui se sent mourir. Ah ! Quand le pardon est venu, parfois aussi les occasions sont si nombreuses et le Démon si acharné, que nous retombons dans le mal, malgré nos efforts, nos résolutions et nos promesses. Qu'arrive-t-il alors, si l'on n'y prend garde ? Le découragement ou la fausse confiance s'empare de l'âme ; l'Enfer voudrait nous persuader qu'on peut vivre dans cette dégradation, que bien d'autres n'y paraissent pas trop malheureux, qu'après tout, il sera toujours temps de se relever. Cependant les années fuient, la mesure de la miséricorde se comble, la mort vient, et quelle mort ! « Vous m'appellerez, dit Dieu à ces sortes de pécheurs, et je ne vous écouterai pas à cette heure suprême. Parce que vous avez refusé mon bras, qui se tendait vers vous pour vous relever de nouveau, vous mourrez dans votre péché : In peccato vestro moriemini ».
Pauvres frères qui gémissez dans vos rechutes, levez vos cœurs ; tout n'est pas perdu ! Les tribunaux sont ouverts, le Sauveur vous appelle ; c'est pour vous encourager qu'Il est retombé sous la Croix. Venez donc, venez donc pendant qu'Il est votre Père, demain peut-être Il serait votre Juge !

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HUITIÈME STATION : Jésus console les femmes d'Israël qui Le suivent
Quelques pauvres femmes venaient d'apprendre à quelles tortures était livré Jésus-Christ. Elles se rappelèrent sa bonté, ses vertus et ses miracles ; elles se souvinrent des misères qu'Il avait soulagées, des malades qu'Il avait guéris ; elles songèrent aux caresses et aux bénédictions qu'Il avait tant de fois données à leurs petits-enfants ; et elles pleurèrent ; et le Sauveur, voyant cela, fut ému, et Il les consola de son regard et de quelques-unes de ses paroles.
Comme ces femmes d'Israël, le pécheur après sa conversion, marchant à la suite de Jésus, pourra bien encore connaître les douleurs de la vie ; il devra même s'y attendre, puisque le Royaume du Ciel demande violence, et qu'il faut semer dans les larmes, pour moissonner un jour dans la joie. Mais au moins, il saura maintenant où trouver des consolations. Il regardera aussi les douleurs de l'Homme-Dieu, condamné pour lui, persécuté pour lui, frappé pour lui, déshonoré pour lui ; et, de chacune de ces plaies imméritées, une voix sortira, lui disant avec amour : « Regarde, ô mon fils ! Tu te plains ? Que sont tes douleurs, comparées à mes douleurs ? » Puis, lui montrant le Ciel : « Heureux, répètera le Consolateur divin, heureux ceux qui pleurent comme toi, et qui souffrent comme nous ; ils seront consolés : Consolabuntur ! »
Baume du cœur ! Ineffables paroles ! Oh ! Désormais, mon Dieu, je les veux redire dans mes joies, pour n'avoir pas le malheur de les oublier dans mes peines.

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NEUVIÈME STATION : Jésus tombe une troisième fois
Le sentier qui conduit au Calvaire devient plus rapide, à mesure qu'il s'approche du plateau de la montagne. Les veines du divin Condamné avaient jeté des flots de vie et de sang sur tout cet horrible parcours. Une troisième défaillance survient, et le Sauveur roule une dernière fois sous le poids de son gibet, et sous les coups des archers.
Et moi aussi, quand cette carrière de l'existence sera près d'atteindre pour moi son terme, je succomberai une dernière fois sous le poids des années, ou sous les coups de la maladie. Je me vois d'ici sur un lit de douleur, comme j'en ai vu tant d'autres, réduit, anéanti, incapable désormais de faire un seul pas de plus. Cette chute suprême sera la dernière leçon de mon Dieu. Oh ! Malheur à moi, si je n'en profite pas pour me relever au Ciel ! Malheur à moi, si je compte sur ma famille et sur mes amis, pour m'y disposer à temps ! Ma famille et mes amis craindront de m'effrayer, et leur fausse tendresse me fera courir les risques d'une autre chute, bien plus irréparable, dans ces abîmes de la justice où il n'y a plus de miséricorde !
Je ne le veux pas, ô mon Dieu ! Je prends devant Vous la résolution de penser souvent à ce moment suprême ; et, pour prévenir les conséquences des illusions qui bercent trop souvent et d'une manière si fatale ces dernières heures de l'existence, je vivrai tous les jours, comme si tous les jours je devais mourir.

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DIXIÈME STATION : Jésus dépouillé de ses vêtements
Les cruels soldats de Pilate déposent leurs épées et leurs bâtons. « Assez de violences, disent-ils, de la honte maintenant ! » et ils se précipitent sur Jésus, et ils Lui arrachent sa robe, sa robe qui colle à ses plaies ! Je ne me sens point la force de dépeindre les douleurs de ces artères déchirées, et de ces blessures rouvertes... Et quand ils ont mis à nu ce corps divin, ils se disputent hideusement ses dépouilles : Diviserunt sibi vestimenta mea.
« Je suis sorti nu du sein de ma mère, dit Job, et j'y rentrerai nu ». Oh ! Que ce dépouillement final nous sera douloureux, si dès maintenant, nous ne savons pas y préluder par un détachement volontaire ! Riches propriétés, revenus abondants, beauté frivole, splendides parures, qui nous préoccupez peut-être en ce moment même, oui, demain, vous vous évanouirez pour nous comme des ombres ; demain, l'avidité de mes héritiers et les vers du sépulcre s'apprêteront à se disputer vos restes, comme les bourreaux se sont disputé la robe du Christ. Et plus je vous aurai recherchés, aimés pendant les jours de ma vie mortelle : plus sera déchirant le sacrifice sans mérite que je serai forcé d'en faire alors.
Ah ! Chrétiens, voulons nous éviter ces regrets, et prévenir ce que cette séparation aurait pour nous de trop amer ? Dépouillons-nous maintenant ; même lorsqu'elles sont légitimes, usons de ces choses sans y attacher notre cœur ; l'or qu'elles réclament, partageons-le avec nos frères ; il y a tant de malheureux, à qui la moindre part de ce superflu rendrait la santé, l'espoir, la vie peut-être ! Donnons à ceux-là, pour l'amour de Celui qui nous a tant donné au Calvaire ; donnons ce qu'un jour ou l'autre il nous faudrait donner au cercueil ; et, suivant le conseil du Sauveur, faisons-nous ainsi un trésor qui ne se perd point, des parures qui ne passent jamais : Facite vobis... thesaurum non deficientem in Cœlis.

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ONZIÈME STATION : Jésus attaché à la Croix
Les mains du Sauveur s'étaient étendues sur leurs infirmités pour les guérir ; ses pieds divins ne s'étaient fatigués que pour répandre plus loin sur eux ses innombrables bienfaits. Pour L'en punir, sans doute, les cruels L'étendent sur son gibet ; ils Le percent avec des clous ; fixent ainsi à grands coups de marteau la Victime à la Croix ; et devant Jérusalem, se dresse cette potence infâme, dont Rome épargnait la honte à ses plus exécrables citoyens !
Ô Jésus, ô mon Maître, n'est-ce pas là ce que j'ai fait moi-même, chaque fois que, dans mes jours d'égarement, je Vous ai volontairement offensé ? Comme les Juifs, mon ingratitude tournait alors contre Vous vos propres bontés. De la vie que Vous m'aviez donnée, des biens que j'avais reçus, des talents que je Vous devais, je faisais autant de clous que j'aiguisais et dont je perçais votre Sacré Cœur.
Désormais, mon Dieu, tournez-les contre moi, crucifiez-moi avec Vous, et que mes douleurs soient la garantie de votre Pardon : Hic ure, hic seca, modo in æternum parcas !

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DOUZIÈME STATION : Jésus-Christ meurt
« Tout est consommé ! Mon Père, je remets mon âme entre vos mains ». Telles furent les dernières Paroles du Sauveur ; et jetant, après les avoir prononcées, un regard d'amour sur la terre que les flots de son sang venaient de sauver, en ce jour même où nous nous trouvons ici réunis, Il expira.
Ô mon Dieu, mourrai-je ainsi ? Je mourrai, j'en suis sûr ; je mourrai plus tôt que je ne le pense, cela est encore certain, car les plus Saints eux-mêmes se bercent d'illusions à cet égard ! Mais quand mourrai-je ? Où mourrai-je ? Je n'en sais rien ! Comment surtout mourrai-je ? Je l'ignore... Oh non, pourtant ! Dieu soit béni ! La mort étant l'écho de la vie, je dois croire que, si j'ai chrétiennement vécu, je mourrai de même.
C'est cette mort du juste que je Vous demande, ô Jésus-Christ ! A ce moment suprême qui doit décider de nos destinées immortelles, faites que nous puissions, comme Vous, nous rendre le témoignage d'avoir réalisé dans notre vie, tout le bien que Vous attendiez de nos efforts : Consummatum est ; que, comme Vous encore, nous n'ayons alors que des pardons pour nos ennemis : Pater, dimitte illis, non enim sciunt quid faciunt ; et que tous, votre Croix sur la poitrine, votre Nom sur les lèvres, votre Amour dans le cœur, nous quittions ce triste monde, en remettant entre vos mains notre âme purifiée et remplie d'espérance : In manus tuas commendo spiritum meum !

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TREIZIÈME STATION : Jésus détaché de la Croix est remis à sa sainte Mère
On a dit, à propos du sacrifice d'Isaac, que Dieu qui l'exigea d'Abraham, ne l'aurait pas demandé à une mère… On s'est trompé.
Cet inexprimable déchirement d'un cœur maternel, immolant son Fils unique, Marie l'a connu, et elle l'a accepté ; et quand le gibet qui a reçu cette agonie, ne rend plus qu'un cadavre, ah ! L'infortunée Mère, c'est elle qui Le reçoit sur ses genoux !
Enfants de la terre, nous avons tous connu, hélas, ce qu'il y a de poignant dans une telle scène. Qui de nous, pour peu qu'il ait marché dans la vie, n'a point mené le deuil autour d'un tombeau ? Des trépas inattendus frappent, tous les jours, ceux qui devaient nous survivre, et c'est presque par nos années, que nous comptons les vides cruels que ces départs multiplient autour de nous !
Ô Vierge sainte, Mère des douleurs, je Vous contemple devant les restes inanimés, meurtris, de votre unique Enfant ! Obtenez-moi votre résignation, et faites-moi comprendre qu'il y a des morts qui sont des gains, à ceux qui en sont victimes, comme à ceux qui les pleurent ; mérite pour les uns, salut pour les autres : Mori lucrum !

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QUATORZIÈME STATION : Jésus déposé dans le Sépulcre
Un Dieu et une tombe ! Quel est ce Mystère ? Ma raison se déconcerte et mes regards se troubleraient, si ce sépulcre n'était le berceau d'une prochaine Résurrection. Et en effet, comme Jésus l'avait prédit, trois jours ne se passent pas, que la pierre est rejetée au loin, la troupe des soldats renversée, et le Fils de Dieu plein de vie.
Ô Christ, il y a un sépulcre bien plus lugubre et bien plus redoutable que celui du cimetière ,c'est celui dans lequel le péché, l'indifférence et le mépris du Ciel, ensevelissent nos amis, nos époux, nos pères, nos malheureux enfants ! Là aussi, la nuit, nuit fatale que le doute, l'orgueil et l'ignorance, font chaque jour plus épaisse et plus sombre ; là, les bandelettes et le linceul, je veux dire, ces liens funestes de l'inexorable passion et des habitudes victorieuses ; là, des craintes et des remords qui, comme les vers, rongent, dévorent, et rendent intolérable un malheur auquel on voudrait, auquel on ne sait plus s'arracher ! Mais ce qui est plus lamentable, ô mon Dieu, c'est que, si Vous n'avez point pitié, votre Justice, demain, écrira sur ce tombeau le mot désespérant de l'Enfer : In æternum : Pour jamais !
Mais non, ô Dieu ressuscité et mort pour eux, non, Vous ne le permettrez pas ! Vous qui avez ressuscité le fils de Naïm, Vous qui avez ressuscité Lazare, Lazare enseveli et déjà décomposé par la mort, Vous Vous souviendrez, dans ces jours de Résurrection, que Vous êtes Vous-même la Résurrection et la Vie ; Vous renverserez, par votre Grâce, les pierres qui les arrêtent et qui les immobilisent dans le péché ; Vous direz : Lève-toi ! Et comme pour Vous, ô Sauveur, ce sera dans notre cœur et dans votre Ciel, l'Alléluia pour l'Éternité ! Ainsi soit-il.

Monseigneur Louis-Désiré Bataille (1820-1879) – « Vingt Exercices du Chemin de la Croix » : Chemin de la Croix du Vendredi Saint, pages 98-124, à la librairie Bataille à Lille en 1880

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Voir de Monseigneur Louis-Désiré Bataille, Évêque d'Amiens :

- Le « Chemin de la Croix du Vendredi Saint » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix avec la Sainte Église Catholique » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix avec la Très Sainte Vierge Marie » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour tous les Fidèles » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les Mères Chrétiennes » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour la Jeunesse » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les Riches » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les Pauvres » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les Âmes pieuses et ferventes » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les Âmes du Purgatoire » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix comme préparation à la Mort » de Mgr Louis-Désiré Bataille
- Le « Chemin de la Croix pour les personnes endeuillées » de Mgr Louis-Désiré Bataille