Voici la Méditation du Jeudi de Pâques sur l’Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à Marie Madeleine dans l’Évangile selon Saint Jean XX, 11-18 « Ô Seigneur, donnez-moi quelque chose du cœur de Madeleine, un peu de son amour et quelques-unes de ses larmes » du Révérend Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887), Prêtre Oratorien ordonné en 1824 puis Vicaire et Curé à Paris de Saint-Louis d'Antin et de Saint-Roch et enfin Supérieur Général de l'Oratoire de France de 1852 à 1884.
La Méditation du Jeudi de Pâques sur l’Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à Marie Madeleine (Jean XX, 11-18) « Ô Seigneur, donnez-moi quelque chose du cœur de Madeleine, un peu de son amour et quelques-unes de ses larmes » du R-P Louis Pététot :
POINT I : Madeleine, à qui il a été beaucoup pardonné, montre bien qu'elle aime plus que tous les autres. Les Apôtres, ayant trouvé le tombeau vide, se sont retirés. Madeleine persiste ; elle cherche, elle attend sans se lasser Celui qu'elle aime.
POINT II : Comparer notre amour à celui de Madeleine, c'est faire un salutaire exercice d'humilité. Plus scandaleux que les nôtres, les péchés de Madeleine n'ont peut-être pas été plus graves ; mais combien son repentir l'emporte sur le nôtre !
RÉSOLUTION : Demander à Dieu, sinon les larmes de Madeleine, au moins l'amour qui empêche de commettre une seule faute délibérée.
Ô mon Dieu, lorsqu'après votre Résurrection Vous apparaissiez à vos Apôtres, à vos Disciples et à ceux qui croyaient en Vous, Vous commenciez toujours par Vous soustraire à leurs regards, Vous empêchiez qu'ils ne Vous reconnussent d'abord, ensuite Vous Vous manifestiez, et ils Vous reconnaissaient tantôt à un signe, tantôt à un autre.
Aujourd'hui en ce Jeudi de Pâques, c'est Madeleine qui s'en va près de Votre tombeau ; le trouvant vide, elle se tient près de la pierre, à pleurer, parce qu'on a enlevé son Maître. Vous Vous montrez à elle sous une forme qui l'empêche de Vous reconnaître d'abord, mais Vous lui dites une Parole, une Seule. Vous l'appelez par son nom : Marie ! C'est assez : aussitôt elle reconnaît Votre voix ; elle se prosterne à Vos pieds et Vous adore.
N'est-ce pas aussi à la Parole de votre Grâce que nous Vous reconnaissons souvent, ô mon Dieu ? Il y a, en effet, des Paroles que Vous seul pouvez dire ; Vous nous appelez par notre nom, mais d'une manière bien différente des hommes ; on sent que c'est Vous, ô Seigneur ! Aujourd'hui daignez m'appeler par mon nom, afin que je Vous reconnaisse, que je sente Votre divine Présence, et que, pénétré de reconnaissance et d'amour, je Vous adore ! Oui, je crois d'une Foi très ferme que je suis devant Vous plus coupable peut-être que Madeleine. J'ai à réparer de grandes fautes ; beaucoup de péchés lui avaient été remis, parce qu'elle avait aimé beaucoup. Elle pleure sans cesse. Donnez-moi de Vous aimer, ô mon Dieu, de pleurer beaucoup et souvent sur mes fautes, afin de les laver dans mes larmes et le sang de mon repentir.
Prière de Salomon pour demander la Sagesse :
« Dieu de mes pères, Dieu de Miséricorde, qui avez tout fait par votre Parole, qui avez formé l'homme par votre Sagesse, afin qu'il eût la domination sur les créatures que Vous avez faites, donnez-moi cette Sagesse qui est assise près de Vous, sur votre Trône, et ne me rejetez pas du nombre de Vos enfants, parce que je suis Votre serviteur et le fils de Votre servante, un homme faible qui doit vivre peu, et qui suis peu capable d'entendre les Lois et d'en bien juger ; car encore que quelqu'un paraisse consommé parmi les enfants des hommes, il sera néanmoins considéré comme rien si votre Sagesse n'est point en lui » (Livre de la Sagesse IX, 1-7)
Mon Dieu, nous Vous adressons la même Prière. Sans votre Sagesse nous ne sommes rien, et quand nous paraîtrions sages aux yeux des hommes, quand nous passerions pour prudents, pour habiles, si votre Sagesse ne nous assiste pas, nous ne sommes rien. Venez donc, ô divine Sagesse ! Ô Esprit d'intelligence ! Donnez-Vous à Vos enfants, à Vos créatures qui Vous appellent, qui sentent le besoin de Vous consulter, de Vous bénir. Donnez-leur Votre sainte Présence, que Vous refusez à ceux qui ne Vous aiment pas, qui ne Vous invoquent pas, mais que Vous assurez à ceux qui Vous désirent et qui Vous appellent.
Beaucoup de péchés lui ont été remis parce qu'elle a beaucoup aimé :
Voilà la Sentence de Notre-Seigneur sur Madeleine, et aujourd'hui nous voyons combien il est vrai que cette Pénitente, qui avait été si coupable, a ensuite beaucoup aimé. Elle a aimé plus que tous les autres, plus que les Disciples eux-mêmes, plus que les Apôtres. Les Apôtres et les Disciples viennent au Tombeau, ils le trouvent vide, et ils se retirent. Madeleine, au contraire, après avoir visité le Tombeau avec les autres saintes femmes, les laisse se retirer ; pour elle, elle ne peut pas se séparer de son Maître ; elle est là, assise, muette, désolée ; elle répand des pleurs en silence, rien ne peut la distraire de sa douleur ; elle demande son Sauveur, elle Le demande à tout le monde, elle Le demande sans Le nommer : il lui semble que tout le monde doit y penser, doit savoir ce qu'elle demande, ce qu'elle veut. « Seigneur, dit-elle à Celui même qu'elle cherche, mais sans Le connaître encore, Seigneur, si c'est Vous qui L'avez enlevé, dites-moi où Vous L'avez mis, afin que je puisse L'emporter ». De qui parle-t-elle ? De qui est-il question ? Comment veut-elle qu'un étranger la comprenne ? Mais la préoccupation de son cœur est si forte, elle est tellement absorbée dans sa douleur, qu'il lui semble impossible qu'on ne la comprenne pas, tant est grande l'ardeur dont brûle cette âme.
L'Amour de Dieu, c'est un Feu qui consume et qui purifie :
Ô Madeleine, combien vous avez aimé Dieu ! Vos larmes, ce sont des larmes de charité, d'amour pur, en même temps que des larmes de repentir, de douleur, de contrition. Vos fautes ne vous affligeraient pas autant, si vous aimiez moins Dieu ; mais le souvenir de vos ingratitudes est toujours présent à votre esprit, c'est comme une épine qui blesse votre cœur et le fait saigner continuellement, et la plaie ne se fermera pas ! Vous pleurerez toujours, vous pleurerez toute votre vie, vous serez un modèle achevé de Pénitence.
Ô mon Dieu, puisque je suis venu dans la méditation de ce Jeudi de Pâques, pour m'étudier, pour m'interroger, pour m'examiner, pour devenir meilleur, je veux, afin de m'humilier, me comparer un instant à cette Sainte Pénitente. Je le sens, c'est vraiment un exercice d'humilité que je vais faire. Voici la question que je me pose : suis-je plus coupable, ai-je été dans ma vie plus coupable que Madeleine ? Comment le dire ? Comment le savoir ?
Madeleine a été une pécheresse publique, et le monde ignore la plupart de mes péchés ; mais bien que je n'ai pas été comme elle un pécheur scandaleux, n'est-il pas certain qu'on peut commettre une foule de péchés intérieurs ou cachés, ignorés des hommes, mais non moins coupables aux yeux du Seigneur ? Elle avait scandalisé pendant quelques années ; mais si l'on avait vu ma vie à découvert, si l'on avait lu dans mon cœur, si l'on savait tout ce que j'ai pensé, tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai dit, tout ce que j'ai écrit, tout ce que j'ai voulu, ma vie ne deviendrait-elle pas un scandale plus grand que celui de Madeleine ?
Mais, je le veux bien, sur ce point un doute reste possible ; la comparaison peut être à mon avantage. Le sera-t-elle également, si je considère le repentir que j'ai de mes fautes et celui de Madeleine ?
Si Madeleine a été coupable, comme elle a été repentante ! Que de larmes elle a versées ! Partout où je la vois dans l'Évangile, je la vois pleurer : aux pieds de Notre-Seigneur, elle verse des larmes ; chez le Pharisien elle verse des parfums, mais aussi elle répand des larmes ; auprès du Tombeau elle pleure encore ; elle était au pied de la Croix, et certes elle ne voyait pas d'un œil sec les douleurs de son Maître. Voilà son amour, voilà son repentir, voilà son dévouement. Elle accompagne son Maître partout, elle Le suit jusqu'au lieu du supplice, et même elle va Le chercher jusque dans son Tombeau ; elle ne L'y trouve pas, mais elle reste encore près de ce Tombeau, qui lui a refusé ce qu'elle désire : elle cherche, elle parle, elle demande sans se lasser, tant elle aime Jésus-Christ.
Et maintenant, en ce Jeudi de Pâques, si je me regarde moi-même, où sont donc, ô mon Dieu, les larmes de mon repentir, les marques de ma pénitence ? Où sont les regrets, la douleur de mon âme ? Lorsque je viens Vous demander pardon, pourquoi viens-je Vous le demander d'un œil sec, dans un état voisin de l'indifférence, comme si je n'étais pas coupable ? Pourquoi y a t-il tant d'orgueil jusque dans ma Pénitence ?
Hélas ! Je le crains, ô mon Dieu, c'est parce que j'ai dans mon âme peu d'amour pour Vous. N'est-ce pas aussi parce que j'ai peu de Foi ? Je comprends peu, je sens très peu aussi, et c'est pour cela que je n'aime pas beaucoup. Et pourtant j'aurais tant de larmes à répandre, sur tant de fautes, sur tant d'ingratitude ! Si longtemps j'ai été infidèle ! Je Vous ai tant oublié, tant offensé ! Supposons que Madeleine fût à ma place, que ma vie eût été la sienne, qu'elle eût à pleurer sur mes fautes, peut-être que sa douleur serait si forte, qu'elle la ferait mourir.
Ô Seigneur, que je dois gémir sur l'insensibilité de mon cœur ! Donnez-moi quelque chose du cœur de Madeleine, donnez-moi un peu de son amour, donnez-moi quelques-unes de ses larmes. J'en ai répandu peu dans ma vie de ces larmes de Religion, de Foi, de Contrition, qui sont si douces, si précieuses, qui font tant de bien à l'âme. Je n'ose Vous demander le Don des Larmes, de ces larmes qui purifient le cœur, qui le lavent, que Vous aimez voir répandre, et que Vous recueillez pour le Ciel.
Mais au moins, Seigneur, agréez, fortifiez dans mon cœur la résolution que je veux prendre aujourd'hui. Si je ne répands pas des larmes sur mes fautes passées, je veux veiller sur moi à l'avenir, pour ne plus commettre de ces fautes, trop dignes de larmes, qui Vous outragent véritablement, parce qu'elles sont réfléchies, consenties, délibérées. Accordez-moi de n'en pas commettre une seule aujourd'hui : j'en commettrai tant d'autres par surprise, par fragilité, par faiblesse ! Du moins, ô mon Dieu, que j'ai horreur de ce péché pleinement volontaire, incompatible avec cette délicatesse d'amour qui produit le vrai repentir, et dont Madeleine, dans toute sa vie repentante, m'offre un si parfait Modèle.
Ainsi soit-il.
Révérend Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887) - « Méditations sur tous les Évangiles du Carême et de la Semaine de Pâques » : Cinquante et Unième Méditation du Jeudi de Pâques sur l’Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à Marie Madeleine (Jean XX, 11-18), p. 361-368, Librairie Poussielgue Frères (1889)
Voir la Prière du Jeudi de l’Octave de Pâques « Ô mon Sauveur, Apprenez-moi à Vous chercher de manière que je Vous trouve » de l’Abbé Jean-Baptiste La Sausse et la Prière du Jeudi après Pâques avec Marie Madeleine dans Jean XX, 11-18 « Rabboni ! Il faut que, comme Votre illustre servante, j'aille annoncer à mes frères que Vous êtes vraiment Ressuscité ! » d’Adolphe Baudon de Mony
Voir également du Très Révérend Père Louis-Pierre Pététot :
- La Prière du R. P. Louis-Pierre Pététot « Jusques à quand, Seigneur, Te serai-je infidèle ? »
- La Prière de M. l'Abbé Louis Pététot « Ô Marie qui fut ici-bas comme nous une enfant »
- La Prière du Révérend Père Pététot « Viens, ô Jésus Rédempteur, réparer Ton ouvrage »
- Les conseils aux malades sur l'usage des Sacrements dans la maladie du R. P. Pététot « Confessez-vous et Communiez Saintement au début et dans le cours d'une maladie sérieuse »
- La Prière d’un Agonisant du R. P. Louis-Pierre Pététot « Seigneur, je sais que je mourrai prochainement »
- Les devoirs de ceux qui entourent le malade du R. P. Pététot « Je n'ose lui parler d'un Prêtre, je crains de l'effrayer »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Mercredi des Cendres « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Premier Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, que ma foi est pauvre ! »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Deuxième Dimanche de Carême « Seigneur, préservez mon âme de toutes souillures »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Troisième Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, je prends la résolution au Saint Temps de Carême »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Quatrième Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, comme le Ciel me paraît désirable quand je regarde la terre »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche de la Passion « A ma place que ferait, que dirait, que voudrait Jésus-Christ ? »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche des Rameaux « Seigneur, n’ai-je pas trop méconnu, négligé, profané le Sacrement de votre Autel ? »
- La Prière du Révérend Père Louis Pététot pour le Jeudi Saint « Ô mon Sauveur, présent dans la Sainte Eucharistie, en ce Jour où l'Église célèbre l'Institution de ce Divin Mystère »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Vendredi Saint « Ô Croix du Calvaire, apprends-moi à détester le mal, à me repentir, et à le chasser de mon cœur »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche de Pâques (Marc XVI, 1-7) « Je me jette à Vos pieds, comme Madeleine, et comme elle je Vous dis : Rabboni »
- La Prière du Père Louis Pététot du Lundi de Pâques sur le chemin d'Emmaüs (Luc XXIV, 13-35) « Ô mon Dieu, je ne Vous vois pas, et cependant je crois en Vous »
- La Méditation du Mardi de Pâques sur la Deuxième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Luc XXIV, 36-47) du R-P Louis Pététot « Ô mon Dieu, quelle est l'impression que je dois ressentir en votre divine Présence ? »
- La Méditation du Mercredi de Pâques sur la Troisième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Jean XXI 1-14) du R-P Louis Pététot « Oui, Seigneur, Vous voulez que je marche enfin seul comme Vos Apôtres »
- La Méditation du Jeudi de Pâques sur l’Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à Marie Madeleine (Jean XX, 11-18) « Ô Seigneur, donnez-moi quelque chose du cœur de Madeleine, un peu de son amour et quelques-unes de ses larmes » du R-P Louis Pététot