Voici une question de Monseigneur Dominique Rey au lendemain des attentats islamistes à Paris du 13 novembre 2015 « Pourquoi, parmi des fidèles musulmans, naît et se développe cette interprétation radicale du Coran qui conduit au terrorisme des djihadistes ? ». L’Évêque du Diocèse de Fréjus-Toulon convoque les Catholiques à trois attitudes évangéliques : prier, témoigner, user de la raison.
La question de Mgr Rey suite aux attentats islamistes à Paris du 13 novembre 2015 « Pourquoi, parmi des fidèles musulmans, naît et se développe cette interprétation radicale du Coran qui conduit au terrorisme des djihadistes ? » :
Cent trente morts. La Mal a déchiré le voile léger de notre quiétude au soir du 13 novembre. Frappant au hasard, assénant ses coups avec hargne et sans motif, il a emporté avec lui des parents enjoués, la fleur de la jeunesse, des anonymes insouciants. Comment imaginer que, sortant dans la froidure de novembre, ces corps pleins de vie nous seraient rendus criblés de balles et d’éclats ?
Paris, notre capitale, notre pays, ont été durement frappés vendredi soir. Notre pays connaît à nouveau l’effroi, la douleur du deuil et doit plus que jamais se réunir pour faire face à la barbarie.
Au même moment, la cathédrale de Toulon abritait une assemblée comble pour entendre un archevêque, Mgr Jean-Abdo Arbach, et des réfugiés syriens réaffirmer avec force que, malgré la guerre, malgré les morts, la paix est possible au Moyen-Orient, entre toutes les cultures et toutes les religions.
Les attentats qui ont meurtri la France ont frappé nos esprits et brisé nos certitudes. Soudainement, ils nous révèlent l’acuité du Mal, brut et cru. Que faire ? Peut-on réagir ? Le mystère du Mal est un puits sans fond où l’on pourrait à loisir écouler sa désespérance.
Naguère bénie de Dieu, terre qui vit naître tant de saints, la France, fille d’une « Europe grand-mère » (Pape François), est un pays meurtri, morose et sclérosé. Dieu a-t-il maudit la France ? Le Mal n’est pas une force en soi, un principe qui existerait à côté et indépendamment de Dieu, que Dieu aurait lui-même engendré et qu’il susciterait pour châtier arbitrairement ceux qui lui déplaisent.
« Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du Mal » . C’est pourtant un mystère qui nous dépasse et que Jésus lui-même a placé au cœur de notre prière. « Homicide dès l’origine, menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), le Mal désigne l’ange qui s’oppose à Dieu et cherche à empêcher son dessein bienfaisant. Cette séparation du Bien, volontaire ou passive, voulue ou subie, apparaissait en creux dans l’interpellation de Saint Jean-Paul II au Bourget : « France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Ignorer ou renier son baptême, c’est laisser croître le Mal qui, dans notre histoire tourmentée, nous a arraché tant et tant de larmes.
Comme chrétiens, femmes et hommes modelés par l’espérance, nous sommes convoqués à trois attitudes évangéliques : prier, témoigner, user de la raison.
D’abord prier : La prière met en contact avec Dieu alors que nous sommes plongés dans l’absurdité du Mal qui frappe aveuglément. « Pleurez avec ceux qui sont dans les pleurs » (Ro 12, 15). Saint Paul désigne la compassion comme un devoir nécessaire. D’abord, elle permet de s’extraire de soi-même et de sa propre indifférence. Ensuite, elle offre un retour en soi-même, un recueillement qui fait naître la prière. Prier est la première attitude qui nous fait réagir. Prier pour soi, et pour les autres. Implorer Dieu. Pour les victimes, pour les bourreaux.
Prier pour les victimes innocentes, leurs familles et aussi pour les ennemis, tortionnaires, bourreaux, qui utilisent Dieu pour donner la mort en s’autoproclamant juges, jurés et justiciers. Nous croyons en la puissance de la prière qui touche le cœur de Dieu et par ricochet peut retourner le cœur des bourreaux, à l’exemple de Saint Paul. « Et moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 44).
J’ai pu voir à l’œuvre la puissance de la prière lors de mon voyage en Syrie, qui permet à des hommes et à des femmes de tenir debout au cœur de la nuit. Ils ont subi un double martyr : celui de la pierre et celui de la chair. Et malgré cela, leur foi dans le Christ, forte, vivante et puissante m’a bouleversé.
Tout récemment, de jeunes chrétiens du même âge que les terroristes se sont rassemblés dans l’initiative « la France en prière ». Elle témoigne du sursaut spirituel à l’œuvre dans les nouvelles générations.
Témoigner, ensuite. Beaucoup de Français ont pavoisé avec les couleurs nationales pour montrer qu’ils espèrent toujours dans la France. A nous chrétiens, de vivre joyeusement notre foi au grand jour, d’afficher les couleurs belles et audacieuses de notre amour en Dieu et du Dieu qui est Amour.
Dans les circonstances présentes, les chrétiens sont aussi convoqués à la foi et à l’espérance. Alors que le sol des certitudes sur lequel nous avions bâti nos sociétés et nos vies cède face à la haine aveugle, la foi et l’espérance nous sont données comme des socles pour refonder notre existence. Face aux turpitudes du temps et à la perte de tout repère, ces vertus théologales constituent des havres, des rochers dont notre monde a besoin pour ne pas rentrer dans le cycle infernal d’une violence qui s’engendre elle-même.
À longueur de journée, par les télévisions, les journaux, et les sites d’information, nous sommes inondés de scenarii sanglants qui sont autant de caisses de résonance à la violence. Ce climat d’angoisse fait apparaître une mystérieuse collusion entre l’exposition de la violence et sa médiatisation à flux continu. Cet emballement médiatique permanent fait à présent battre le cœur de nos sociétés post-modernes qui s’égarent dans la contemplation morbide de leurs blessures intimes.
Nous sommes donc invités à solliciter notre raison :
La radicalisation possède deux facettes jumelles. La première est celle qui vient de la tentation d’une société qui se prive de Dieu et se construit sans lui, et bientôt contre lui. « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait sien. Mais, parce que vous n’êtes pas du monde … le monde vous hait » (Jn 15, 19). La deuxième tentation est celle de se servir de Dieu : « Car il surgira de faux messies et de faux prophètes » (Mt 24, 24).
Pourquoi, parmi des fidèles musulmans, naît et se développe cette interprétation radicale du Coran qui conduit au terrorisme ? Pourquoi, dans notre civilisation, le dialogue, la raison ne parviennent-ils pas à vaincre la folie des djihadistes qui s’emparent du religieux pour légitimer leur violence ? C’est parce que l’expérience religieuse a perdu contact avec la raison.
Les drames et les tourments, la société qui craque, les familles qui se lézardent, la cohésion qui se fissure, la vie qui est rabotée, les pauvres qui meurent de ne pas être des hommes pour leurs semblables, des « fous de Dieu » qui font du Créateur un jouet entre leurs mains souillées de sang, … Les raisons de s’interroger sont nombreuses et pressantes. Notre expérience religieuse doit rester connectée avec la raison. C’est bien la Vérité du christianisme de professer le logos fait homme, fait chair, c’est-à-dire, littéralement, la Sagesse incarnée. Dieu s’est fait parole et raison. « Les décisions fondamentales, qui concernent précisément le rapport de la foi avec la recherche de la raison humaine, font partie de la foi elle-même et constituent des développements qui sont conformes à sa nature. » (Benoît XVI)
Les maux que traversent notre société ne sont pas le fait d’une trop grande présence de Dieu. Ils tiennent au contraire à ce que la dimension spirituelle de tout homme a été niée, combattue et que, dans le même temps, certains ont refusé le dialogue entre foi et raison en disqualifiant la religion au rang d’opinion privée. En témoigne aujourd’hui la difficulté de la société à appréhender le fait religieux comme tel.
Prier, témoigner, user de la raison. Trois attitudes pour comprendre les ressorts brisés de notre société et contribuer à son relèvement. Trois attitudes pour ne pas perdre l’espérance née au soir du Golgotha. Trois attitudes pour nous relever lorsque la Croix est trop dure à porter.
Au cœur des ténèbres, comme le veilleur tourné vers le Levant, j’attends l’aurore et la Victoire. La France serait-elle moribonde, frappée au cœur, ensevelie dans une terre stérile ? De ce sol, jadis lieu d’une immense forêt, peut surgir un jeune figuier si la foi irrigue à nouveau la patrie – la terre de nos pères.
Dans les épreuves que nous affrontons, l’année de la miséricorde voulue par le Pape François trouve un écho particulier. Citant Saint Thomas d’Aquin, François nous rappelle que « la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu ». « Fermes dans la foi », nous implorons sur la France cette toute-Puissance. Plus que le fatras des armes et le bruit des discours, la Miséricorde peut vaincre tous nos adversaires en les touchant au cœur.
Chrétiens, nous sommes la France, car la France est à l’Amour miséricordieux du Père.
Monseigneur Dominique Rey - Évêque du Diocèse de Fréjus-Toulon
Voir également de Monseigneur Dominique Rey :
L’Homélie « Joseph, passeur d’espérance » de Monseigneur Dominique Rey
La « Prière des Parents pour la Vocation de leurs Enfants » de Mgr Dominique Rey
La « Prière à Notre-Dame du Sacerdoce » de Mgr Rey
La « Prière pour la Famille » de Mgr Dominique Rey
La Lettre de Monseigneur Dominique Rey à propos des « Élections Municipales et Européennes de 2014 »
La « Prière de Consécration à Saint Joseph » de Mgr Dominique Rey
« Saint Joseph à Cotignac » avec Mgr Dominique Rey
L’Homélie de Monseigneur Dominique Rey « Joseph, modèle du père »
Monseigneur Dominique Rey s’intéresse de près aux « Séparés-Divorcés Fidèles » de la Communion Notre-Dame de l'Alliance
Mgr Rey face aux attentats islamistes à Paris de janvier 2015 : « Rien ne doit justifier la violence »
Le Camp « Au cœur des hommes » avec Mgr Rey
« Appel du 15 août 2015 » de Mgr Rey en faveur des Chrétiens d’Orient
La question de Mgr Rey suite aux attentats islamistes à Paris du 13 novembre 2015 « Pourquoi, parmi des fidèles musulmans, naît et se développe cette interprétation radicale du Coran qui conduit au terrorisme des djihadistes ? »
Voir sur les attentats islamistes du 13 novembre 2015 à Paris :
La Prière de Pierre-Marie Varennes « Seigneur, brise la folie de ceux qui terrorisent leurs semblables »
La Prière du Père Zanotti-Sorkine « Seigneur, mais où donc étiez-Vous ? » suite aux attentats islamistes du 13 novembre 2015 à Paris
La Prière du Père Matthieu Rougé « Ô Notre-Dame de France, priez pour les victimes des attentats de Paris, leurs familles, leurs proches et pour leurs assassins »
La question de Mgr Rey suite aux attentats islamistes à Paris du 13 novembre 2015 « Pourquoi, parmi des fidèles musulmans, naît et se développe cette interprétation radicale du Coran qui conduit au terrorisme des djihadistes ? »