Voici la Prière « Mon Dieu, j'adore Vos voies de Miséricorde sur les uns et de Justice sur les autres » de Monsieur l’Abbé Antoine Arnauld (1612-1694), Prêtre et Théologien Janséniste, Philosophe et Mathématicien Français qui va s’opposer aux Jésuites par la publication de son « Traité de la Fréquente Communion » dans lequel il remet en cause la fréquentation des Sacrements telle qu'autorisée par la Compagnie de Jésus.
La Prière de l'Abbé Arnauld « Mon Dieu, j'adore Vos voies de Miséricorde sur les uns et de Justice sur les autres » :
« Oui, mon Dieu, j'adore Vos voies de Miséricorde sur les uns, et de Justice sur les autres. J'adore l'infinie variété de Vos ordres, toujours justes, toujours saints dans le gouvernement de Vos créatures, et anciennes, et nouvelles, c'est-à-dire du monde et de l'Eglise. Ce serait avoir peu de foi dans Vos promesses que d'être touché de ce qui se passe dans ces jours de nuages et d'obscurité, comme Vous appelez, dans votre Ecriture, ces temps de troubles et de tempêtes, où il semble que Vous abandonniez l'innocent à la fureur des méchants, et que Vous preniez plaisir à laisser triomphants le vice, l'injustice et la violence. Que peuvent-ils faire, après tout, à ceux qui ne mettent leur confiance qu'en Vous, et qui n'ont d'amour que pour les biens éternels ? Ils surprennent les princes et leur font prendre pour leurs ennemis leurs plus fidèles serviteurs. Mais le cœur des rois est entre Vos mains, et Vous pouvez en un moment le changer en leur découvrant ce qu'on leur cache, et les détrompant des fausses impressions qu'on leur donne. Que s'il ne Vous plaît pas de dissiper encore ces nuages, ne doit-il pas suffire à Vos serviteurs que le fond de leur cœur Vous soit connu, en attendant que Vous fassiez la Grâce, aux princes que l'on irrite contre eux, de pénétrer les artifices dont on les prévient, et de n'user de leur pouvoir que pour la punition des méchants et la protection des bons, comme Vos apôtres déclarent que ce n'est que pour cela que Vous le leur avez donné. Cependant on les proscrira, on les bannira, on les privera de la liberté. Un chrétien, à qui toute la terre est un lieu d'exil et une prison, peut-il être fort en peine du changement de son cachot ? On Vous trouve partout, mon Dieu. Au milieu des fers, on est plus libre que les rois mêmes, quand on Vous possède. Il n'y a de prison à craindre que celle d'une âme, que ses vices et ses passions tiennent resserrée, et empêchent de jouir de la liberté des enfants de Dieu. Et c'est ce qui a fait dire à un de Vos saints que la conscience d'un méchant homme est remplie de ténèbres plus funestes et plus horribles, que, non seulement toutes les prisons, mais que l'enfer même. Mais on pourra bien mourir des fatigues et des travaux qui accompagnent une vie errante. L'évitera-t-on quand on serait le plus à son aise ? Un peu plus tôt ou un peu plus tard, qu'est-ce que cela quand on le compare à l'éternité ? Vous avez compté nos jours. On n'est entré dans ce monde que quand Vous l'avez voulu, et on n'en sort que quand il Vous plaît. Les maux de ce monde effraient quand on les regarde de loin. On s'y fait quand on y est; et votre Grâce rend tout supportable, outre qu'ils sont toujours moindres que ce que nous méritons pour nos péchés. Vous nous avez appris par Votre apôtre que tous ceux qui Vous servent doivent être disposés à dire comme lui : « Je sais vivre pauvrement, je sais vivre dans l'abondance. Ayant éprouvé de tout, je suis fait à tout, au bon traitement et à la faim, à l'abondance et à l'indigence. Je puis tout en celui qui me fortifie ». Mais combien est-on encore éloigné de l'état de ceux dont ce même apôtre dit qu'ils étaient abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n'était pas digne, errant dans les déserts, et dans les montagnes, et se retirant dans les antres et les cavernes de la terre ! Nous n'avons donc, Seigneur, qu'à reconnaître votre Bonté, qui avez la condescendance de traiter en faibles ceux que Vous connaissez n'avoir pas encore beaucoup de force. Vous accomplissez en leur faveur les promesses de votre Evangile, et Vous leur faites trouver, en la place de ce qu'ils ont pu quitter pour l'amour de Vous, des pères, des mères, des frères, des sœurs, à qui Vous inspirez une charité si tendre envers ceux qu'ils regardent comme souffrant quelque chose pour la vérité, et en si grande application à suppléer à tous leurs besoins, que, par une bonté toute singulière, Vous changez les croix mêmes que Vous leur imposez en douceurs et en consolations. Mais ils espèrent de votre Miséricorde, que si Vous les préparez à de plus rudes épreuves, Vous leur donnerez aussi plus de Grâces, et une plus grande abondance de votre Esprit pour les leur faire supporter en vrais chrétiens. C'est uniquement le fondement de leur confiance. Car ils savent assez que nous ne pouvons rien sans Vous, et que, quelque persuadé que l'on soit des vérités que Vous nous faites connaître, on ne le pratique que quand Vous nous les faites passer de l'esprit dans le cœur, et que Vous accomplissez ce qu'a dit un de Vos saints, que c'est Vous seul qui appliquez la volonté à la bonne œuvre, et qui en aplanissez les difficultés pour la rendre facile à la volonté. Je suis donc prêt, mon Dieu, de Vous suivre partout où il Vous plaira de me mener, et, quand je marcherais parmi les ombres de la mort, je ne craindrai rien tant que Vous ne me tiendrez par la main. C'est dans cette Espérance que je me reposerai; et j'attendrai sans impatience, qu'étant fléchi par les prières de tant de bonne âmes, Vous rendiez à votre Eglise la tranquillité dont elle ne saurait jouir si Vous ne faites taire par l'autorité de Vos ministres les vents impétueux des opinions humaines qui se veulent élever au-dessus des vérités de votre Evangile, et que Vous n'apaisiez par votre Parole les tempêtes qu'excitent les hommes charnels quand on les trouble dans la possession où il pensent être de vivre en païens, et de n'en attendre pas moins les récompenses de l'autre vie que Vous n'avez promise qu'aux vrais chrétiens. Ainsi soit-il. »
Abbé Antoine Arnauld (1612-1694) - Continuation de la nouvelle défense de la traduction du Nouveau Testament, Livre XII, Chapitre XII.
Voir également de l’Abbé Antoine Arnauld :
La Prière du Grand Arnauld avant de mourir « Je suis prêt, mon Dieu, à Vous suivre partout où il Vous plaira de me mener »
La Prière de l'Abbé Arnauld « Mon Dieu, j'adore Vos voies de Miséricorde sur les uns et de Justice sur les autres »