Voici une Prière sur la Fidélité et la Puissance de Dieu dans notre piété « Seigneur, Vous nous commandez de prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » du Révérend Père Abbé Armand Jean de Rancé (1625-1700) du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie, auteur de « Réflexions morales sur les quatre Évangiles » d’où est extraite cette prière.
« Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira »
(Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre VII, versets 7 et 8)
La Prière du Père Abbé Jean de Rancé « Seigneur, Vous nous commandez de prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » :
« Seigneur, Vous nous commandez de prier et de faire toutes les diligences nécessaires pour obtenir de Dieu votre Père les choses dont nous pouvons avoir besoin ; et pour nous engager, Vous nous dites que nos soins ne seront pas inutiles, et qu’Il nous accordera ce que nous Lui demanderons. De quel motif plus puissant pouviez-Vous Vous servir, pour nous porter à prendre un moyen, auquel Vous avez attaché notre repos, notre vie, notre salut ; disons toutes les choses qui peuvent nous rendre véritablement heureux, que de celui de nous dire qu’il ne faut que les demander pour les avoir. Cependant quoi que Vous Vous soyez expliqué d'une manière si précise et si positive, la plus grande partie des hommes négligent un précepte si important, et leur négligence va si loin, qu'ils ne peuvent se résoudre à faire un pas pour des Effets et des Bénédictions qui sont attachés à une si grande Promesse. Ce qui peut, Seigneur, retenir les gens du monde et les empêcher de Vous rendre en cela l’obéissance qu'ils Vous doivent (car ce n'est pas un simple conseil, mais un précepte) c’est qu'ils doutent ou de votre Puissance ou de votre Fidélité, ou bien que ce grand nombre de personnes qui Vous offrent des prières inutiles et qui ne sont point écoutées les dégoûtent, et est cause qu'ils ne sauraient se résoudre à faire ce qu'ils s’imaginent qui ne leur servirait de rien ; mais serait-il possible que l’on douta de Votre toute Puissance, Vous, Seigneur, qui nous l'avez fait connaître par une infinité de prodiges et d'actions qui surpassent toutes les forces de la nature, et particulièrement par le gouvernement de ce grand Univers que Vous portez et que Vous soutenez dans Vos mains. On peut dire la même chose de votre Fidélité, Vous êtes un Dieu fidèle, exempt de toute iniquité, d’une Justice et d’une Rectitude infinie. Non, Seigneur, on n’en peut pas douter, à moins qu’on ne tombe dans l’excès effroyable de ces malheureux dont parle votre Prophète : l’insensé a dit dans son cœur ; il n’y a point de Dieu (Ps 14, 1). Pour ce qui est de ceux qui prient, qui cherchent, qui frappent à la porte, qui ne sont point exaucés, on ne peut pas disconvenir que le nombre n’en soit grand, mais c’est par leur faute, et il se peut dire que leur infidélité est cause de leur malheur. Comme cet inconvénient a des fuites infinies, Vous n’avez pas manqué de nous en déclarer la cause, lorsque Vous nous avez dit par votre Apôtre : « Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal ». Ce qui fait cette indignité, c'est l’impureté de nos cœurs. Comme nous approchons de Dieu et que nous ne sommes pas dans les préparations nécessaires, non seulement notre prière n'en est point écoutée, mais Il la rejette avec indignation. Il la regarde comme un véritable péché et Il ne manque point de punir celui qui a eu la témérité de toucher l’encensoir avec des mains impures. Cette indignité ou cet obstacle à l’effet de l’oraison, se contracte en bien des manières : celui-là est indigne que Dieu reçoive sa prière, qui se présente devant Lui ayant le crime dans le cœur ; c’est à dire sans Lui avoir exposé son iniquité et Lui en avoir demandé le Pardon. Celui-là ne mérite pas de paraitre devant cette Majesté si Sainte qui ne s’est point disposé à cette action toute divine par une application exacte à purifier sa conscience par un désaveu sincère de toutes les fautes dont elle est chargée, de toutes les inclinations, de tous les désirs, de toutes les passions, enfin de toutes les imperfections qui la défigurent, qui appesantissent nos âmes, qui les rendent toutes terrestres et qui sont si contraires à cette pureté, à cette vivacité sainte, qui sont les deux ailes qui les portent, et qui les élèvent jusque dans le sein de votre Charité et de votre Miséricorde. Celui-là n'est point en état de se montrer devant Vous, qui s’y présente pour Vous demander une chose injuste ou purement temporelle, et qui ne regarde ni votre Gloire, ni son salut. Je ne dis pas, Seigneur, qu'on ne puisse Vous prier pour tous ses besoins et pour ses nécessités, pourvu qu’on le fasse avec des intentions dont Vous soyez la Fin, qui se rapportent à votre Gloire. Par exemple, celui-ci demande sa guérison, sa santé, la conservation dc sa vie ; s'il le fait dans la vue d'employer l'un et l’autre à des choses bonnes, louables et saintes, il ne fait rien en cela qui puisse Vous déplaire : mais s'il n’avait devant les yeux, que le plaisir et la satisfaction qu’il y a de vivre les avantages purement humains et naturels qui accompagnent une santé vigoureuse, sa prière n'aurait rien qui fut digne de Vous, et ne mériterait pas de Vous être offerte. Enfin celui-là ne sait ce que c'est que de Vous prier, qui Vous demande des choses bonnes et saintes quand ses intentions et les fins qu’il se propose ne sont pas pures. Il faut donc, Seigneur, que ceux qui veulent Vous faire des prières qui leur soient utiles et qui Vous soient agréables, qui veulent que Vous vous approchiez d’eux, fassent tout ce qui sera en leur pouvoir pour s'approcher de Vous, pour s’unir à Vous ; qu’ils détruisent, qu’ils retranchent, qu’ils arrachent ce qui pourrait s'opposer à une union et une liaison si avantageuse et si nécessaire. Il faut, dis-je, que ceux qui ont marchés devant Vous avec un esprit double, par des voies obliques, qui se sont retirés de Vous pour s’attacher aux créatures, emploient tous leurs soins pour unifier leurs cœurs, qu’ils s’affligent de leurs dérèglements passés, qu'ils les lavent dans l'eau de leurs larmes, que ces joies malheureuses, ces faux plaisirs auxquels ils se sont abandonnés, se changent en pleurs et en gémissements, ces satisfactions humaines dont ils se sont enivrés en une tristesse salutaire. C'est, Seigneur, l’Instruction que Vous nous donnez par votre Apôtre. Tous ceux qui font Profession de Vous servir, qui ont envie de Vous plaire et de s’acquitter des promesses qu’ils ont contractées, lorsque Vous les avez adoptés par le Baptême et leur avez donné une seconde naissance doivent se conduire devant Vous à la faveur d’une si grande Lumière ; il faut qu’ils obtiennent par leurs oraisons et leurs prières toutes les Grâces dont ils ont besoin, sans lesquelles ils ne sauraient faire un seul pas qui Vous soit agréable ; et ils doivent par-dessus toutes choses, employer tout ce qu’ils ont de foi, de sentiment, de religion, de piété, pour disposer leurs âmes, pour les mettre en état qu'il n'y ait rien qui Vous empêche de répandre sur elles toutes les Bénédictions qui peuvent les conserver dans l'amour et dans l'attachement qu'elles ont pour votre Service ».
Ainsi soit-il.
Abbé Armand de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu, pages 160-167, chez F. Muguet (1699)
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé