Voici une Prière qui paraphrase le Psaume 8, celle d'une âme qui adore la Grandeur et la toute-Puissance de Dieu visiblement tracées dans les créatures, et qui Lui rend grâces de la magnificence de Ses bienfaits sur l'homme « Seigneur, notre souverain Maître, que la gloire de votre Nom parait admirable dans toute la terre » de Mgr Jean-Baptiste Massillon (1663-1742), Oratorien, Professeur, Évêque de Clermont-Ferrand et grand Prédicateur qui prêcha en 1700 l’Avent à Versailles devant le Roy Louis XIV.
La Prière de Mgr Massillon qui paraphrase le Psaume 8 « Seigneur, notre souverain Maître, que la gloire de votre Nom parait admirable dans toute la terre » :
Ps 8, 1 : Seigneur, notre souverain Maître, que la gloire de votre Nom parait admirable dans toute la terre
« Grand Dieu, souverain Maître de l'univers, quel lieu de la terre pourrais-je parcourir, où je ne trouve partout sur mes pas les marques sensibles de votre Présence, et de quoi admirer la Grandeur et la Magnificence de Votre saint Nom ? Si des peuples sauvages ont pu laisser effacer l'idée que Vous en aviez gravée dans leur âme, toutes les créatures qu'ils ont sous les yeux, le portent écrit en caractères si ineffaçables et si éclatants, qu'ils sont inexcusables de ne pas Vous y reconnaître. L'impie lui-même a beau se vanter qu'il ne Vous connait pas, et qu'il ne retrouve en lui-même aucune notion de votre Essence infinie ; c'est qu'il Vous cherche dans son cœur dépravé, et dans ses passions, Dieu très-Saint, plutôt que dans sa raison. Mais qu'il regarde du moins autour de lui, il Vous retrouvera partout ; toute la terre lui annoncera son Dieu ; il verra les traces de votre Grandeur, de votre Puissance et de votre Sagesse imprimées sur toutes les créatures ; et son cœur corrompu se trouvera le seul dans l'univers, qui n'annonce et ne reconnaisse pas l'Auteur de son être ».
Ps 8, 2 : Car votre Grandeur est élevée au-dessus des Cieux
« L'homme, devenu tout charnel, ne sait plus admirer que les beautés qui frappent ses sens ; mais s'il voulait faire taire ses pensées de chair et de sang qui offusquent sa raison ; s'il savait s'élever au-dessus de lui-même, et de tous les objets sensibles : ah ! Il reconnaîtrait bientôt que tout ce qu'il y a de plus grand et de plus magnifique dans l'univers, n'est, ô mon Dieu, qu'un trait grossier, une ombre légère de la Grandeur et de la Gloire qui Vous environne. Les Cieux eux-mêmes, dont la hauteur et la magnificence nous paraît si digne d'admiration, disparaissent, comme un atome, sous les yeux de votre Immensité. Ces globes immenses et si infiniment élevés au-dessus de nous, sont encore plus loin des pieds de votre Trône adorable, qu'ils ne le sont de la terre. Tout nous annonce votre Grandeur, et rien ne peut nous en tracer même une faible et légère Image. Elevez donc mon âme, grand Dieu, au-dessus de toutes les choses visibles. Que je Vous voie et Vous aime tout seul au milieu de tous les objets que Vous avez créés. Qu'ils ne sortent jamais à mon égard de leur destination et de leur usage. Ils ne sont faits que pour manifester jusqu'à la fin aux hommes la Puissance de Celui qui les a créés, et Lui former des adorateurs ; et non pas pour s'attirer eux-mêmes notre amour et nos hommages ».
Ps 8, 3 : Vous avez formé dans la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle, une louange parfaite pour confondre Vos adversaires, et pour détruire l'ennemi et celui qui veut se venger
« En effet, Vous avez, grand Dieu, si visiblement gravé dans tous les ouvrages de Vos mains, la Magnificence de votre Nom, que les enfants même qui sont encore à la mamelle ne sauraient Vous y méconnaître. Il ne faut, pour cela, ni des lumières sublimes, ni une science orgueilleuse. Les premières impressions de la raison et de la nature suffisent. Il ne faut qu'une âme simple et innocente qui porte encore en elle ces traits primitifs de Lumière, que Vous avez mis en elle en la créant, ct qui ne les a pas encore obscurcis ou éteints par les ténèbres des passions, ou par les fausses lueurs d'une abstruse et insensée philosophie. Vous ne Vous manifestez, grand Dieu, qu'aux humbles et aux petits. Ce sont eux seuls qui Vous connaissent, et qui Vous rendent le seul hommage digne de Vous, en Vous aimant, et en publiant les louanges de votre Grâce. Mais Vous aveuglez les impies : Vous livrez ces ennemis de votre Nom à la vanité et à l'égarement de leurs pensées. Vous les laissez précipiter d'abîme en abîme, de ténèbres en ténèbres : et parce qu'ils ont voulu, par leurs recherches orgueilleuses, s'élever à des connaissances inconnues au reste du genre humain, Vous avez permis que leur raison s'obscurcît, et qu'ils fussent privés de ces lumières même qui sont communes à tous les hommes. Ne m'abandonnez pas, grand Dieu, à cet orgueil détestable, qui n'aboutit qu'à Vous méconnaître et à Vous outrager ; donnez-moi cette science humble et soumise, qui ne veut connaître de Vos secrets adorables, que ce que Vous nous en avez Vous-même révélé, qui trouve dans la voix seule de votre Eglise, et la règle infaillible qui fixe les incertitudes de sa raison, et la lumière qui en éclaire les doutes ; et qui croit savoir tout ce qui est nécessaire, quand elle sait que l'homme n'est qu'ignorance et que ténèbres ».
Ps 8, 4 : Quand je considère vos Cieux, qui sont les ouvrages de Vos doigts, la lune et les étoiles que Vous avez affermies
« Et qu'est-il besoin en effet, mon Dieu, de vaines recherches et de spéculations pénibles pour connaître ce que Vous êtes ! Je n'ai qu'à lever les yeux en haut ; je vois l'immensité des Cieux, qui sont l'ouvrage de Vos mains, ces grands corps de lumière qui roulent si régulièrement et si majestueusement sur nos têtes, et auprès desquels la terre n'est qu'un atome imperceptible. Quelle magnificence, grand Dieu ! Qui a dit au soleil : sortez du néant, et présidez au jour ; et à la lune : paraissez, et soyez le flambeau de la nuit ? Qui a donné l'être et le nom à cette multitude d'étoiles qui décorent avec tant de splendeur le firmament et qui sont autant de soleils immenses attachés chacun à une espèce de monde nouveau qu'ils éclairent ! Quel est l'ouvrier dont la toute-puissance a pu opérer ces merveilles, où tout l'orgueil de la raison éblouie se perd et se confond ! Eh ! Quel autre que Vous, souverain Créateur de l'univers pourrait les avoir opérées ? Seraient-elles sorties d'elles-mêmes du sein du hasard et du néant ? Et l'impie sera-t-il assez désespéré pour attribuer à ce qui n'est pas, une toute-puissance qu'il ose refuser à Celui qui est essentiellement, et par qui tout a été fait ? »
Ps 8, 5 : Je m'écrie, qu'est-ce que l'homme, pour mériter que Vous Vous souveniez de lui, ou le fils de l'homme pour être digne que Vous le visitiez ?
« Pour moi, grand Dieu, abîmé à la vue de tant de Gloire et de Magnificence, je m'écrie : Est-il possible qu'un Dieu si grand et si puissant veuille s'abaisser jusqu'à penser à l'homme, et en faire l'objet de Ses soins ? Mais ce n'est encore rien, grand Dieu, que je me sois devant Vous que cendre et poussière, j'offre encore à Vos yeux les prévarications d'un cœur infidèle, et les souillures dont j'ai tant de fois sali mon néant et ma boue. Cependant un ver de terre révolté tel que je suis, s'est attiré Vos regards ; et il ne Vous a pas paru indigne de votre Gloire, de Vous souvenir de lui, ct de le visiter dans Votre grande Miséricorde ».
Ps 8, 6-8 : Vous ne l'avez qu'un peu abaissé au-dessous des anges, Vous l’avez couronné de gloire et d'honneur, et Vous l'avez établi sur l'ouvrage de Vos mains. Vous avez mis toutes choses sous ses pieds et les lui avez assujetties ; toutes les brebis et tous les bœufs, et même les bêtes des champs, les oiseaux des Cieux et les poissons de la mer, qui se promènent dans les sentiers de l'Océan
« Mais je cesse, ô mon Dieu, d'en être surpris, quand je rappelle ce premier état de gloire et d'innocence où Vous aviez créé l'homme. Vous aviez imprimé en lui l'image glorieuse de Votre divinité. Vous aviez soufflé dans sa boue un esprit de vie, une âme spirituelle et immortelle, capable de Vous connaître et de Vous aimer. Vous l'aviez orné des dons lumineux de la science, de la sainteté et de la justice. Seul de toutes les créatures visibles, il avait le droit de s'élever jusqu'à Vous, de parler à son Seigneur, de Lui rendre grâces, ct d’entretenir un commerce familier avec Lui. Les anges eux-mêmes, ces intelligences si pures et si sublimes, n'avoient presque rien au-dessus de lui et ce qu'il avait par-dessus elles, c'est, que Vous Vous étiez comme démis entre ses mains de Votre domaine sur toutes les créatures. Vous l'aviez établi le maître et le seigneur de tous les ouvrages sortis de Vos mains ; Vous aviez soumis à son empire les animaux qui rampent sur la terre, les oiseaux qui volent dans les airs, et les poissons qui se font un sentier sous la profondeur des eaux de la mer. De combien d'honneur et de gloire, grand Dieu, aviez-Vous revêtu cet homme au sortir de Vos mains ! Vous aviez comme couronné en le créant, et mis le dernier degré de perfection à tous Vos autres ouvrages, dont il était le chef d'œuvre. Mais il ne sut pas jouir longtemps de Vos divins Bienfaits. Il succomba bientôt sous ce poids de gloire et de bonheur où Vous l'aviez élevé. Il se rendit l'esclave des créatures dont il était auparavant le maître. La mort et le péché prirent en lui la place de l'innocence et de l'immortalité ; et dans cet état affreux de misère où il était tombé, votre Miséricorde, grand Dieu, lui prépara une ressource encore plus glorieuse pour lui, que tous les avantages dont il était déchu. Votre Verbe éternel descendit du sein de votre Gloire, pour s'unir à sa nature. Il en prit sur Lui les infirmités et les crimes, pour en devenir l'expiation et la victime. La nature humaine avec Lui monta à la droite de votre immense Majesté ; elle se vit élevée au-dessus de toutes les principautés et de toutes les puissances célestes. Votre Fils adorable fit entrer tous les hommes dans les droits de Sa filiation éternelle. Nous reçûmes tous le titre glorieux de Ses frères, et Il ne fut que notre premier-Né. Vous étiez notre Dieu ; Vous voulûtes être notre Père. Nous n'étions que Votre ouvrage, ct nous devînmes Vos enfants. Grand Dieu, souverain Maître de l'univers, ce n'est pas en tirant du néant toutes les créatures, que votre Puissance et la Grandeur de votre Nom a paru le plus admirable sur la terre : c'est en y faisant descendre Votre propre Fils, la Splendeur de votre Gloire, revêtu de la bassesse et des infirmités de notre nature : c'est en nous manifestant le grand Mystère de piété que Vous prépariez depuis le commencement des siècles, et qui doit faire la consolation et l'étonnement de tous les siècles à venir. Votre Nom, grand Dieu, était autrefois ce Nom terrible que la bouche de l'homme n'osait prononcer : mais depuis que Vous êtes devenu notre Père, c'est-à-dire, le Père commun de tous les frères de votre Christ ; ce n'est plus qu'un Nom de tendresse, que l’Amour filial nous donne droit de prononcer, et que nous mettons avec confiance à la tête de toutes les supplications qui montent vers Vous de tous les endroits de l'univers. Seigneur, notre souverain Maître, que la Gloire de votre Nom paraît admirable dans toute la terre ! »
Ainsi soit-il.
Mgr Jean-Baptiste Massillon (1663-1742) – « Œuvres de Massillon : paraphrase morale de plusieurs Psaumes en forme de prière », tome XII, Psaume 8, p. 51-59, chez Gauthier (1834).
Voir également de Mgr Jean-Baptiste Massillon :
- La Prière de Mgr Jean-Baptiste Massillon à la Providence « Ô mon Dieu, c'est avec Vous seul que je veux oublier tous mes maux, toutes mes peines et toutes les créatures »
- La Prière de Mgr Massillon pour le Mercredi des Cendres « Ô mon Dieu, je reviens à Vous parce que le monde ne peut me satisfaire »
- La Prière de Mgr Massillon pour le Carême sur la Prière « Ô mon Dieu, répandez donc sur nous cet Esprit de grâce et de prière »
- La Prière de Mgr J-B Massillon pour le Vendredi Saint « Ô mon Sauveur, plus Vous nous paraissez rassasié d'opprobres, plus notre foi s'augmente, plus notre espérance est ferme, plus notre amour s'enflamme »
- La Prière de Mgr Massillon sur le Pardon des offenses « Grand Dieu, Vous avez promis de remettre nos fautes dès que nous les remettons à nos frères »
- La Prière de Mgr Massillon après la Confession « Seigneur, je sais que Vous êtes le Meilleur de tous les Maîtres »
- La Prière de Mgr Massillon sur la Fidélité « Laissez-Vous toucher, Seigneur, au danger de mon état »
- La Prière de Mgr Jean-Baptiste Massillon lorsque Jésus pleure sur Jérusalem « Seigneur Jésus, ne suis-je pas aussi infidèle que Jérusalem ? »
- La Prière sur le Psaume 1 de Massillon « Le bonheur d'une âme qui après avoir été engagée dans les passions du monde s'en désabuse et revient à Dieu »
- La Prière sur le Psaume 3 de Jean-Baptiste Massillon « Le Sentiment d'une âme pénétrée de l'énormité de ses crimes passés, et en même temps pleine de confiance en la Miséricorde du Seigneur »
- La Prière sur le Psaume 4 de Mgr Massillon « Continuez, grand Dieu, de me regarder avec ces Yeux de Miséricorde »
- La Prière sur le Psaume 6 de Mgr Massillon « Grand Dieu, rendez-Vous Maître d'un cœur que je n'ose Vous présenter »
- La Prière sur le Psaume 8 de Mgr Massillon « Seigneur, notre souverain Maître, que la gloire de votre Nom parait admirable dans toute la terre »
- La Prière sur le Psaume 16 de Mgr Massillon « Laissez-Vous fléchir, Seigneur, par mon innocence, et écoutez ma prière »
- La Prière sur le Psaume 30 de Massillon « Seigneur, j'ai mis en Vous toute mon espérance »