Voici la Prière du Saint Jour de Noël sur la Naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ « Ô Jour Sacré où Dieu s'est fait homme et a brillé sur le monde comme un soleil nouveau ! » donnée par Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555), Religieux de l'Ordre de Saint Augustin, Prieur du Couvent de Salamanque puis Provincial qui devint en 1544 Archevêque de Valence.
Transeamus usque Bethleem et videamus hoc verbum quod factum est.
Allons jusqu'à Bethléem et voyons le Prodige qui est arrivé.
(Saint Luc II, 15)
La Prière du Saint Jour de Noël sur la Naissance de Jésus-Christ « Ô Jour Sacré où Dieu s'est fait homme et a brillé sur le monde comme un soleil nouveau ! » de Saint Thomas de Villeneuve :
Ô Jour heureux ! Ô Jour Sacré où Dieu s'est fait homme ! Où sortant du sein d'une Vierge, Il s'est levé et a brillé sur le monde comme un soleil nouveau ! Ô douce Lumière dont l'éclat soudain frappe à la fois les yeux des Pasteurs et des Mages, et les conduit à la Crèche, les uns à la lumière d'une étoile, les autres à la lumière d'une clarté divine, selon qu'il est écrit : « La Clarté de Dieu les environna de sa Lumière » (Luc II, 9).
« Que les Cieux se réjouissent, que la terre tressaille, que la mer et tout ce qu'elle renferme bondissent de joie » (Ps. XCV, 11) ; et toi terre, vous peuples épars sur son sein (Ps. XXIII, 3), réjouissez-vous. Que toute la terre célèbre le Seigneur; tressaillez de joie, chantez, entonnez des cantiques, accompagnez vos hymnes avec la harpe, mêlez ses sons à vos cantiques ; joignez à vos chants le son des trompettes et des clairons. Réjouissez-vous en Présence du Seigneur, votre Roi ; que la mer et tout ce qu'elle renferme, que la terre et tous ses habitants fassent éclater leur allégresse. Que les fleuves applaudissent, que les montagnes tressaillent à la Présence de Jéhovah » (Ps. XCVII, 4).
Pourquoi tant de joie, ô prophète ? Pourquoi cette allégresse universelle et sans mesure des êtres ? Parce qu'Il est venu, répond-il, parce qu'Il est venu. Jéhovah a manifesté son Salut ; les confins de la terre ont vu le Salut de notre Dieu. Il s'est souvenu de sa Miséricorde et de la Parole de Vérité qu'Il avait dite à la maison d'Israël (Ps. XCVII, 2).
Il a accompli les Promesses qu'Il avait faites aux anciens patriarches, et a envoyé dans une chair mortelle son propre Fils, le Désiré des nations (Aggée II, 8), afin que ses prophètes soient trouvés fidèles (Eccli. XXXVI, 18).
« Un Petit Enfant nous est né ; un Fils nous a été donné » (Isaïe IX, 6). Et quel est ce Petit Enfant ? Que les Anges admirent sa grandeur, que les Chérubins soient saisis d'étonnement, que les nations et les peuples craignent et tremblent. Il sera appelé l'Admirable, le Conseiller, Dieu, le Tout-Puissant, le Père du siècle futur, le Prince de la paix (Isaïe IX, 7).
Ô Lieu Sacré ! Grotte Bénie ! Ô Sanctuaire pareil aux Cieux, plus digne encore que l'antique Tabernacle qui Le figurait, plus Saint que le Saint des Saints ! Quelle vénération Te doivent les hommes et les Anges, puisque le Dieu des hommes et des Anges naît aujourd'hui dans ton sein ! Oh ! Combien ta dignité surpasse celle de ce temple d'or, de pourpre, de pierres précieuses que bâtit Salomon, temple magnifique pourtant, qui coûta des travaux si longs et si pénibles, temple célèbre dans tout l'univers et l'objet de l'admiration des mortels !
Heureuse Bethleem qu'enrichit la Naissance d'un si grand Roi ! Heureuse patrie de ton Créateur, toi qui te glorifies de Lui avoir donné le jour, ô Bethléem, réjouis-toi, et que dans tes rues l'on chante l'alleluia de tes Fêtes. Quelle cité, quel peuple, quel royaume ne t'envie cet étable si précieux ! C'est Lui qui t'a rendue célèbre dans tout l'univers, c'est Lui qui a illustré ton nom et l'a répandu chez tous les peuples de la terre, c'est Lui qui élève ta gloire jusqu'aux Cieux. A cause de cette étable, partout on dit tes louanges, partout on désire te voir ; de tous les coins de la terre, les nations accourent vers toi et te contemplent avec une Sainte avidité. L'Orient ne peut retenir ses Indiens, l'Occident t'envoie ses Ibères, du levant au couchant, ta gloire parcourt tous les lieux qu'éclaire le soleil (Saint Bernard, Serm. 1, in Vigil. Nat. Dom. nº4).
Comme du sein des pourpres de l'aurore, le soleil s'élance éblouissant, comme sans l'altérer, le rayon traverse le cristal, ainsi naît l'Enfant Divin. Comme une étoile répand ses feux, comme la rose printanière verse autour d'elle un suave parfum, ainsi la jeune Vierge met au monde le Sauveur. Heureuse Mère ! Elle adore le Fils qu'Elle vient de mettre au jour et Lui offre comme à son Dieu l'hommage de son âme, avant de Lui donner comme à son Fils les soins nécessaires d'une mère.
Ô Vierge, qui nous révélera toutes les pensées de Votre âme en ce moment ? Qui pourra dire la joie de Votre cœur, lorsque Vous Vous trouvez Mère de votre Créateur, de votre Dieu, sans cesser d'être Vierge, jouissant ainsi de toutes les joies d'une mère et de toute la gloire de la Virginité ? Ô enfantement prodigieux ! Enfantement admirable ! Tel enfin qu'il convenait au Créateur de toutes choses !
Ô gracieux Enfant, Enfant si délicat, né pour de si grands travaux. Heureuses larmes qui lavent nos iniquités ! Heureux vagissements qui nous mettent en possession des éternelles joies ! Heureux langes dont notre nudité se couvre et qui nous revêtent de la gloire de l'immortalité ! Heureuse gène de la crèche qui nous donne l'immensité des Cieux ! Vous êtes couché dans la crèche, Seigneur, afin que nous soyons assis sur un trône de gloire ; Vous êtes dans la société de vils animaux, afin que nous soyons associés aux chœurs des Anges ; Vous Vous nourrissez d'un lait virginal, afin que nous méritions de goûter les Délices des Cieux.
Votre pauvreté est ma richesse, Votre faiblesse est ma force, Vos abaissements font ma gloire, Vos souffrances font tout mon bien. Vos larmes sont à moi, Vos vagissements sont à moi, le froid qui Vous glace est à moi, l'indigence à laquelle Vous êtes réduit, est à moi. Vous êtes tout à moi, ô bon Jésus ; Vous êtes tout à moi, et c'est à mes intérêts que Vous êtes tout entier consacré. Cette gêne me dilate, cette indigence m'enrichit, ces vagissements causent mes joies, cette abjection de l'étable m'élève au comble de l'honneur. Que de confiance, que de gloire me procurent toutes ces misères ! Je dois beaucoup plus, Seigneur, à Vos souffrances par Lesquelles j'ai été racheté qu'à votre Toute Puissance, par Laquelle j'ai été créé. L'humilité de Vos abaissements m'impose la soumission avec plus de force que la miraculeuse division de la mer et que tous les autres prodiges opérés en Egypte.
Ô trop aveugle insensibilité ! Ô trop grossier aveuglement ! Ô ingratitude inouïe qu'un supplice non moins inouï devrait punir ! Approche, ô homme raisonnable, approche de cette Crèche, toi qui, par ton péché, es devenu semblable aux animaux (Ps. XLVIII, 21), plus insensible même que la brute ; viens, et au milieu de ces animaux, reconnais ton Créateur ; ne te montre pas plus vil, plus grossier qu'eux. Le Pain des Anges t'est présenté dans cette Crèche, afin que tu te rappelles l'abaissement de ta condition présente et la gloire de ton ancienne dignité. Ô Clémence infinie du Créateur !
Approche donc avec piété, avec respect ; que ton regard sache reconnaître le Mystère de cette Crèche, car ce n'est point par hasard, garde-toi de le penser, que l'Enfant Jésus y est déposé. La Vierge Mère ne manquait pas de forces pour porter son Enfant dans ses bras, et jamais Elle ne L'eut déposé dans un tel lieu, si, dans cette Crèche, un grand Mystère ne s'accomplissait. Là, en effet, se présente à nous un sublime enseignement ; cette Crèche est une grande chaire d'où la Sagesse de Dieu parle à tous les mortels ; dans cette étable, un Maître céleste nous donne ses Leçons.
Que Vous rendrai- je, Seigneur, pour tous les biens que Vous m'avez donnés ? (Ps. CXV, 12) Votre bonté, Votre amour, Votre miséricorde sont bien au-dessus de tout sentiment et de toute pensée. Je Vous offrirai un sacrifice de louanges, non parce que je le crois suffisant, mais parce que je n'ai rien autre chose à Vous offrir. Daignez l'accepter, Seigneur, parce que je Vous donne tout ce que j'ai, parce que je fais tout ce que mes forces me permettent.
Faites sortir mon âme de sa prison, ô mon Dieu (Ps. CXIV, 8), c'est-à-dire déliez mon âme des liens qui l'enchaînent dans la prison des sens ; afin que, libre dans son vol, elle soit emportée jusqu'aux Cieux. Tant qu'elle sera plongée dans la matière et dans les sens, elle ne saurait goûter les enivrements de l'esprit. Faites donc sortir mon âme de sa prison, ô Dieu, non par la mort, mais par le ravissement. Et pourquoi cela ? Afin de voir les Biens promis à vos Élus, afin de participer à l'allégresse de votre Peuple, afin de Vous glorifier avec Votre héritage (Ps. CIII, 5).
Délivrez-moi, pour que je voie ces Mystères avec la clarté, avec la piété des Élus qui les contemplent ; pour qu'en les contemplant, mon âme soit dans la joie, non pas dans la joie du temps, mais dans l'allégresse de Votre nation choisie ; pour que, au sein de cette contemplation et de cette joie, je redise Vos louanges, Seigneur, comme les redit Votre héritage, ce glorieux Héritage que déjà Vous possédez ici-bas, dans le temps, par la Grâce, et qu'au Ciel, dans l'éternité, Vous possédez par la Gloire, à Laquelle daigne nous conduire Celui qui est né pour notre Salut, Jésus-Christ Notre Seigneur, à qui appartiennent l'Honneur et la Gloire avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555) - Saint Jour de Noël : Premier Sermon sur l’Historique de la Naissance de Jésus-Christ, pages 200-233, P. Lethielleux (1866)
Voir également de Saint Thomas de Villeneuve :
- La Prière du Premier Dimanche de l'Avent « Seigneur, pénétrez ma chair de Votre crainte, percez mon cœur de Vos flèches, afin que je Vous craigne » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Second Dimanche de l'Avent « Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère de l’Incarnation » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Troisième Dimanche de l'Avent pour mieux se connaître « Heureux celui qui a disposé des degrés dans son cœur pour s'avancer de Vertu en Vertu » de Saint Thomas de Villeneuve
- Le Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur « Les Voix de ses Faveurs, de la Prédication extérieure, de ses Châtiments et de ses Inspirations intérieures » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Saint Jour de Noël sur la Naissance de Jésus-Christ « Ô Jour Sacré où Dieu s'est fait homme et a brillé sur le monde comme un soleil nouveau ! » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière devant le Saint Sacrement « Que je meure, ô mon Dieu, plutôt que de cesser de Vous aimer » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière pour l’Annonciation « Ô Vierge Bienheureuse, faites sans cesse descendre Dieu dans mon cœur avec sa Divine Grâce » de Saint Thomas de Villeneuve