Voici la Prière du Sermon du Second Dimanche de l'Avent (Dominica Secunda Adventus) sur les Fruits de l'Avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ « Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère de l’Incarnation » de Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555), Religieux de l'ordre de Saint Augustin, Prieur du couvent de Salamanque puis Provincial qui devint en 1544 Archevêque de Valence.
Tu es qui venturus es ? Êtes-vous celui qui doit venir ? (Matthieu XI, 3)
La Prière du Second Dimanche de l'Avent « Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère de l’Incarnation » de Saint Thomas de Villeneuve :
Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère ; dites-nous, je Vous en supplie, tout ce qu'il y a de sagesse à livrer, pour un ignoble vermisseau, à la Croix et à la Mort, votre Fils unique, l'objet de votre plus tendre amour, éternel comme Vous, tout-puissant comme Vous, égal à Vous en toutes choses ? Et Vous, Verbe de Dieu, qui put Vous porter à exiger de Vous un tel châtiment, pour l'expiation d'un péché qui Vous était étranger ? Toutes choses ne sont-elles pas à Vous ? N'aviez-Vous pas mille autres moyens de réformer notre nature ? Vous pouviez pardonner gratuitement son péché à notre premier père. Vous pouviez ne pas l'imputer à ses descendants, Vous pouviez accepter la confusion du premier homme ou tout autre sacrifice, en expiation de sa faute. Vos mains pouvaient former du même limon un autre homme qui aurait été le père d'une race innocente, comme si Adam avait péri avec toute sa postérité ? Tous ces moyens ne sont-ils pas plus faciles que de supporter, Vous, Dieu Tout-Puissant, la plus légère atteinte à votre Majesté ? Qui ne serait saisi d'étonnement et d'admiration, en Vous voyant choisir, parmi tant d'autres remèdes qui se présentaient à Vous, le remède le plus difficile, le plus cruel de tous ? Ô profond Mystère, secret impénétrable de la Divine Sagesse ! C'est donc Vous, ô Verbe de Dieu, c'est Vous qui devez venir ; ce n'est ni un Ange, ni un Archange, ni toute autre créature, c'est Vous Seul, ô Fils de Dieu, ma forme, mon modèle, Vous Seul devez être mon Régénérateur, parce que Vous avez été mon Créateur ; je ne dois pas recevoir d'autre forme que la Vôtre ; Vos mains seules doivent me réparer. Vous avez vaincu, Seigneur ; il le fallait ; Vous avez été plus fort que le monde et Vous en avez triomphé. Vous avez brisé par votre Amour la dureté de notre cœur ; il est devenu comme la cendre sous le souffle du vent. Notre âme s'est fondue, quand a parlé le Bienaimé. Vous nous avez percés des flèches de votre Amour et nous sommes tombés à Vos pieds. Douce victoire qu'annonçait le prophète : Vos flèches sont aigues, les peuples tomberont sous Vos coups. Voyez-vous les peuples empressés accourant de toutes parts au vrai Dieu et embrassant en foule son Culte et sa Foi ? Le prophète l'avait prédit, quand il disait : Les peuples m'ont environné comme des abeilles ; ils se sont embrasés, comme le feu au milieu des épines ; je me suis vengé d'eux. Ô illustre et glorieuse vengeance ! Ces cœurs autrefois indociles se sont embrasés de la Charité de Dieu ; ils s'empressent autour de Jésus-Christ comme les abeilles autour d'un rayon de miel. Les voyez-vous sur les places publiques, les uns attachés à la Croix, les autres livrés aux flammes, ceux-ci écrasés sous les pierres, ceux-là impitoyablement déchirés, d'autres écorchés tout vivants ? Voyez-vous avec quelle patience, avec quel amour ils endurent les plus atroces supplices pour la Gloire de Celui qu'ils blasphémaient naguère. C'est par ces tourments, hommes rebelles, hommes obstinés et endurcis, c'est par ces tourments que vous devez passer ; voilà les supplices que vous devez endurer pour la Gloire de mon Nom : Je vous appelais et vous ne vouliez pas m'écouter ; je vous ai tendu la main et personne ne m'a regardé. Je veux amollir la dureté de votre cœur. Je vais agir de telle sorte que vous serez brûlés et consumés de mon Amour et que, pour la Gloire de mon Nom, vous rechercherez les plus atroces supplices, les morts les plus cruelles, et ces supplices et ces morts contenteront à peine les désirs de votre amour. Ah ! Seigneur, je Vous en conjure ; vengez-Vous ainsi de notre dureté ; amollissez nos cœurs, embrasez-les du feu de votre Amour, donnez-nous l'intelligence de ce Mystère et une reconnaissance digne d'un si grand Bienfait ; qu'à la vue de cette Miséricorde infinie, toutes les facultés de mon être se consument d'amour. A quoi servirait de nous avoir accordé un tel Bienfait, si votre Grâce ne nous Le faisait comprendre et estimer ? Ô Amour cruel et barbare ! Amour implacable ! Amour impitoyable ! Pourquoi blesser ainsi la Majesté infinie ? Pourquoi condamner la Bonté elle-même ? Pourquoi sévir avec tant de cruauté contre un Dieu si Bon et si Tendre ? En vérité, ô Amour, Tu es Fort comme la mort, et Ta jalousie est impitoyable comme l'Enfer. C'est Toi qui livres un Dieu pour un vermisseau et qui, pour un esclave, condamnes à mort le Maître du Ciel et de la terre. Bienfaisant pour tous les êtres, Tu n'es cruel que pour le Dieu souverainement Bon. Ô Amour, pitié, je T'en conjure ! Pitié pour la Majesté infinie ! Pitié pour la Bonté souveraine ! Mais quoi ! Si Dieu est épargné, l'homme va être condamné… Ah ! Que choisir ? Que demander ? Quelle terrible alternative ! Je Vous rends Grâces, Seigneur, je Vous rends Grâces : dans Votre défaite, Vous voilà triomphant ; vaincu par la Charité, Vous avez vaincu ma misère. Vous m'avez aimé, Seigneur, d'un Amour sans mesure et sans borne. Vous qui réglez toutes choses avec nombre poids et mesure (Sag. XI, 21), vous avez, dans votre amour pour moi, dépassé tout nombre, tout poids, toute mesure ; de là cette Parole de Saint Paul : « A cause de la trop grande Charité dont Il nous a aimés, lorsque nous étions morts dans le péché, Il nous a Ressuscités en Jésus-Christ (Eph. II, 4). Oui, la Charité de Dieu est vraiment trop grande, Elle est excessive, Elle n'a point de bornes, Elle n'a point de frein. Vous m'avez aimé, Lui dit Saint Augustin, plus que Vous-même, puisque Vous avez voulu mourir pour moi, puisque Vous m'avez racheté à un prix si précieux, puisque Vous m'avez retiré de l'esclavage, puisque Vous m'avez épargné d'affreux supplices. Oh ! Quelle honte pour moi, Seigneur, de ne pas Vous rendre Amour pour Amour ! Quelle humiliation ! Quelle accablante confusion ! (Saint Augustin, Solilo, chap. 13) Mais, Seigneur, comment Vous aimerai-je, si Vous ne me faites Vous même le Don de votre Amour ? Votre Amour est une perle précieuse difficile à trouver. Du haut du Ciel envoyez-donc, Seigneur, un Feu Sacré dans tous mes os ; que la moëlle de mes os soit toute entière pénétrée du Feu de votre Divin Amour, et que mon âme se fonde comme la cire dans le désir de Vous posséder ! Faites que je connaisse, que je comprenne, que je sente l'immensité de vos Dons ; que, par les liens de votre Amour, je m'attache à Vous si fortement que je ne sois qu'un avec Vous pendant toute l'Éternité. Accordez-moi cette Grâce, ô mon Souverain Seigneur, ô mon Rédempteur à qui appartiennent tout Honneur et toute Gloire avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555) - Sermon du Second Dimanche de l'Avent sur les Fruits de l'Avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pages 134-151, P. Lethielleux (1866)
Voir également de Saint Thomas de Villeneuve :
- La Prière du Premier Dimanche de l'Avent « Seigneur, pénétrez ma chair de Votre crainte, percez mon cœur de Vos flèches, afin que je Vous craigne » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Second Dimanche de l'Avent « Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère de l’Incarnation » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Troisième Dimanche de l'Avent pour mieux se connaître « Heureux celui qui a disposé des degrés dans son cœur pour s'avancer de Vertu en Vertu » de Saint Thomas de Villeneuve
- Le Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur « Les Voix de ses Faveurs, de la Prédication extérieure, de ses Châtiments et de ses Inspirations intérieures » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière devant le Saint Sacrement « Que je meure, ô mon Dieu, plutôt que de cesser de Vous aimer » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière pour l’Annonciation « Ô Vierge Bienheureuse, faites sans cesse descendre Dieu dans mon cœur avec sa Divine Grâce » de Saint Thomas de Villeneuve