Voici la Prière d'une âme Chrétienne pour négliger le soin de sa Sépulture à ses Funérailles « Je consens avec joie, Seigneur, que mon corps en punition de son orgueil et de sa révolte soit caché sous la terre, foulé aux pieds, rongé par les vers et réduit en poussière » en songeant que Jésus-Christ ne s'est élevé au-dessus des hommes que par la hauteur de sa Croix et qu'Il a été enterré dans un sépulcre emprunté, donnée par le Révérend Père Pierre Lalemant (1622-1673), Chanoine régulier de Saint-Augustin de la Congrégation de France, Prieur de l'Abbaye Sainte-Geneviève de Paris et Chancelier de l'Université de Paris.
La Prière pour négliger le soin de sa Sépulture « Je consens avec joie, Seigneur, que mon corps en punition de son orgueil et de sa révolte soit caché sous la terre, foulé aux pieds, rongé par les vers et réduit en poussière » du R. P. Pierre Lalemant :
Je Vous loue et Vous remercie, ô mon Dieu, de la consolation et de la vigueur spirituelle que ressent mon âme, en la considération de toutes ces Saintes Prières de votre Église, et en l'application particulière que je viens de m'en faire ; et comme je suis persuadé que Vous ne refusez rien à votre Épouse, ce m'est un sujet d'une très-sensible joie et d'une très-solide espérance, que de former ainsi mes humbles prières des propres paroles de l'Église, qui sont celles du Saint Esprit même, qui prie en elle, et avec elle, par des gémissements continuels et ineffables. Je Vous loue et Vous remercie encore, Seigneur, de m'a voir fait entrer dans une condition, où pouvant me servir avec facilité de tous les avantages qui regardent l'âme ; je puis encore éviter avec la même facilité, un assez grand désordre qui regarde également l'âme et le corps. Car c'est une chose bien digne de compassion, de voir tous les jours des hommes agonisants s'élever, par des pensées d'orgueil, dans l'état le plus humiliant où la nature humaine puisse être réduite. On s'occupe à la fin de ses jours d'un vain désir de vivre après la mort dans la mémoire des hommes ; on cherche en mourant l'immortalité dans un Testament et dans un Épitaphe ; on ajoute au luxe de la vie, le luxe des funérailles ; les derniers soins d'un homme mourant ne s'appliquent bien souvent qu'à parer des tombeaux pleins de pourriture, et à loger des vers magnifiquement. Les autres passions finissent avec la vie, mais celle-ci étend sa tyrannie et sa violence au delà du trépas. Elle blesse la modestie Chrétienne ; elle offense la Charité ; elle ôte aux pauvres ce qu'on emploie à la dépense d'une pompe funèbre. Mais ce qu'il y a de plus déplorable dans cette folle vanité, c'est que l'on voit quelquefois, contre l'expresse disposition des Canons, que des personnes consacrées au Culte des Autels, qui doivent être particulièrement réputées du nombre des morts pendant qu'ils vivent, cherchent néanmoins de la gloire par ces voies profanes et fastueuses, et veulent faire durer leur nom par la magnificence de leurs tombeaux. Ils ne songent pas que Jésus-Christ ne s'est élevé au-dessus des hommes, que par la hauteur de sa Croix, et qu'Il a été enterré dans un sépulcre emprunté. Aussi la durée de ces marques extérieures de faste et d'orgueil ne sert qu'à instruire la postérité du mauvais usage qu'on a fait des biens de l'Église, et des pauvres, et à redoubler les tourments qu'une vie profane avait déjà mérités. Je Vous rends donc mille Grâces, mon Dieu, de m'avoir heureusement affranchi du soin et du désir de toutes ces choses, qui ne peuvent être que vaines, et qui souvent sont très-criminelles. Je consens avec joie que mon corps, en punition de son orgueil et de sa révolte, soit caché sous la terre, foulé aux pieds, rongé par les vers et réduit en poussière. Je Vous ai oublié, Seigneur, pendant ma vie ; j'accepte très-volontiers la peine et la honte d'être oublié de tout le monde après ma mort. J'ai consumé mes plus beaux jours dans la recherche, et dans la poursuite des créatures ; il est bien juste que j'en sois séparé pour jamais, et que je leur devienne un objet de haine et d'horreur. Oui, mon Dieu, quand je considère l'extrême abus que j'ai fait de tous mes sens et de toutes les parties de mon corps, je me sens transporter d'une sainte jalousie, pour l'admirable ferveur de ces illustres Pénitents, dont parle Saint Jean Climaque, qui se jugeaient indignes en mourant d'être reçus dans le Sépulcre commun de leurs Frères. Nous en avons vu souvent, dit-il, qui étant sur le point de s'en aller à Dieu, et de comparaître devant ce terrible Tribunal, priaient, et conjuraient leurs Supérieurs de ne leur point accorder l'honneur de la Sépulture que l'on accorde au reste des hommes, mais seulement celle qu'on donne aux bêtes, ou en les jetant dans une rivière, pour être la pâture des poissons, ou en les exposant au milieu des champs, pour être la proie des oiseaux du Ciel, et des animaux de la Terre. Que ce sentiment de pénitence et d'humilité me paraît héroïque et divin ! Il charme mon esprit et mon cœur ; je l'admire ; je voudrais l'imiter ; et il n'y a que la crainte de tomber dans la singularité, et de trop flatter mon amour propre, qui m'empêche de l'embrasser en toute son étendue. Je suis si faible, qu'un tel sentiment exciterait peut-être en moi de nouveaux sentiments d'orgueil. Laissons donc aux autres l'honneur et la Grâce de se pouvoir élever comme des Aigles dans le chemin de la vertu ; contentons nous des ailes de Colombe ; ayons-en la simplicité, et bornons nos désirs à nous conformer, sans tant de réflexions, à la seule Volonté de Dieu. C'est assez pour moi, mon Sauveur, que votre Église l'ordonne autrement ; et que tout indigne que je suis, elle me veut enfermer dans son sein. Je me conformerai donc à ses ordres ; mais je ne laisserai pas de concevoir les mêmes pensées que ces humbles Anachorètes ; et je regarderai le dépôt commun de tous les corps des Fidèles comme une Grâce que je n'ai point méritée. Peut-être que l'approche des Saints qui reposent en ces lieux consacrés, et les prières qui s'y font pour les morts, abrégeront mes peines, et avanceront le jour de ma dernière félicité. Je ne veux donc point faire de souhaits extraordinaires. Disposez, Seigneur, de mon âme et de mon corps, de ma vie et de ma réputation, et en un mot de tout ce que j'ai et de tout ce que je suis, de la manière que Vous en avez ordonné par votre adorable Providence. Ainsi soit-il.
Révérend Père Pierre Lalemant (1622-1673) – « Testament spirituel ou Prière à Dieu pour se disposer à bien mourir » : Sentiments d'une âme Chrétienne touchant la Sépulture à ses Funérailles, pages 185-192, chez Sébastien Mabre-Cramoisy, imprimeur du Roy, 1734
Voir également du Révérend Père Pierre Lalemant :
- La Prière à Sainte Geneviève pour obtenir le Secours de Dieu « Ô Dieu Tout-Puissant et Tout-Miséricordieux, je Vous remercie de nous avoir donné la glorieuse Sainte Geneviève pour la Patronne que nous pouvons invoquer dans nos besoins » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière Testamentaire du pécheur pénitent « Seigneur, que le peu que j'ai encore à vivre soit tout à Vous seul » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière à Dieu aux approches de la mort « Ô mon Dieu, pardonnez-moi toutes les fautes que j'ai commises et ne permettez pas que j'en commette davantage » du R. P. Pierre Lalemant
- L’Action de Grâces aux approches de la mort « Quel plaisir, mon Dieu, de faire un concert avec les Anges pour célébrer en mourant les Louanges de votre Saint Nom ! » du R. P. Pierre Lalemant
- L’Acte de regret et de contrition de ses péchés « Seigneur, je Vous supplie d'imprimer jusqu’au fond de mon cœur un sensible regret et une parfaite contrition de tous mes péchés » du R. P. Pierre Lalemant
- L’Acte d'amour de Dieu en vue de la mort « Le vrai moyen pour trouver la mort douce et agréable en tout temps, ô mon Dieu, c'est de n'aimer rien que Vous » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour une plus grande Charité envers son prochain « Ô Dieu de Miséricorde, confirmez en moi ma résolution d'avoir une Charité plus sincère et plus agissante que jamais » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour observer les Commandements de Dieu « Seigneur Jésus, faites-moi la Grâce d'être jusqu'au dernier soupir de ma vie un très fidèle observateur de Vos Commandements » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour condamner tous les péchés de notre vie passée « Ô Juge Souverain, je condamne dans toute ma vie passée tout ce que Vous condamnez dans vos Décrets immuables et éternels » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour mieux employer le reste de ses jours « Ô Seigneur, donnez-moi la force de faire un meilleur usage du temps et du loisir que votre Miséricorde me donne pour réparer mes fautes » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière devant le Saint Sacrement pour se préparer à la mort « Je veux mourir, mon Dieu, de la manière que Vous le voulez » du R. P. Pierre Lalemant
- L’Acte de Foi en se préparant à la mort « Je crois fermement, ô mon Dieu, toutes ces grandes Vérités que l'Église nous enseigne touchant la résurrection des corps et l'immortalité des âmes » du R. P. Pierre Lalemant
- L’Acte d'espérance et de confiance en la Miséricorde de Dieu « J'espère de votre Miséricorde, ô mon Dieu, que Vous ne me confondrez point dans mon espérance » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour recevoir l'Eucharistie comme Viatique « Je Vous demande, ô mon Dieu, de Communier toujours avec les mêmes sentiments que si je Communiais pour la Dernière Fois » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière d'intention pour recevoir les Derniers Sacrements « Ô mon Dieu, donnez-moi Vous-même l'Absolution de toutes mes fautes » du R. P. Pierre Lalemant
- Les considérations et sentiments sur le Sacrement de l'Extrême-Onction « Ce Dernier Sacrement communique une Vertu spéciale pour supporter les incommodités de la maladie et pour résister aux tentations du Démon » du R. P. Pierre Lalemant
- Les Prières du Prêtre en administrant le Sacrement de l'Extrême-Onction « Ô Seigneur Miséricordieux, ne laissez pas périr l'âme de votre serviteur que Vous avez tirée du néant et retirée du péché » du R. P. Pierre Lalemant
- La Prière pour négliger le soin de sa Sépulture « Je consens avec joie, Seigneur, que mon corps en punition de son orgueil et de sa révolte soit caché sous la terre, foulé aux pieds, rongé par les vers et réduit en poussière » du R. P. Pierre Lalemant