Voici une réflexion capable de contribuer à notre repos et à notre salut par la Confiance qu'elle nous inspire et par la Crainte dont elle nous remplit « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » dans l’Évangile de la Guérison d’un paralytique (Matthieu IX, 1-8) de la Sainte Messe du Dix-Huitième Dimanche après la Pentecôte (Dominica Decima Octava post Pentecosten) donnée par Dom Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) Abbé régulier et réformateur du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie, auteur de « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles » d’où est extraite cette réflexion.
« Et voici qu’on Lui présenta un paralytique couché sur un lit. Et Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis. Et voici que quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre IX, versets 2-3)
La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé :
Seigneur, nous apprenons ici deux grandes Vérités, et toutes deux capables de contribuer à notre repos et à notre salut. L'une par la Confiance qu'elle nous inspire ; l'autre par la Crainte dont elle nous remplit.
C'est ce que nous remarquons premièrement dans le jugement que les Pharisiens portent sur ces paroles, que Vous dites à ce malade : Confide fili, remittuntur tibi peccata tua, dont ils prennent un sujet de scandale. Secondement dans le sentiment de ceux qui ayant plus de piété et de religion que ces misérables, y trouvent une véritable consolation.
Depuis qu'on a eu le malheur de perdre votre Crainte, qu'on s'est livré à ses passions, et qu'on a contracté des habitudes contraires aux Lois et aux Règles Saintes que Vous avez prescrites, on n'entend plus votre voix, on n'entre plus dans vos sentiments, on n'est plus touché de vos actions et on n'a que de l'indifférence, ou plutôt de l'éloignement pour tout ce qui peut venir de votre part : enfin l'on vit dans un continuel hiver ; et l'extinction de la charité s'est tellement répandue sur toutes les puissances des âmes, que de quelque coté qu'on les regarde, on ne trouve et on ne voit en elles que des froidures mortelles, ou des sécheresses et des aridités effroyables : Quoniam abundavit iniquitas, resrigescet charitas multorum.
C'est l'état où étaient réduits les Pharisiens et les Docteurs de la loi, leur prévention contre Vous était si grande et si injuste, que vos paroles et vos actions les plus Saintes leur paraissaient une impiété ou un violement de la loi, et dans l'occasion présente ces hommes remplis d'iniquités, poussés par une témérité infernale (je ne puis me servir d'une moindre expression) traitent de blasphème ces paroles : Confidefili, remittuntur tibi peccata tua.
Ce jugement téméraire fit tant d'impression dans leurs cœurs, que la guérison de ce paralytique, ce grand prodige qui frappe leurs yeux, au lieu d'exciter dans leurs cœurs des sentiments de foi, d'adoration, et de les obliger à se repentir, à rétracter le blasphème qu'ils venaient de prononcer contre Vous ; au lieu de dissiper les ténèbres épaisses, qui les empêchaient de voir la vérité toute éclatante qu'elle était, ne sert qu'à les éblouir davantage, et à les jeter dans des obscurités plus profondes.
Cet homme blasphème, disent ces impies, cette action si extraordinaire, cette guérison miraculeuse, qui devait leur faire sentir, et leur rendre, pour ainsi dire, palpable l'autorité suprême de Celui qui l'avait fait, ne dissipa point leur ignorance et leur incrédulité ; car on ne voit rien qui marque qu'ils se soient repentis du jugement si téméraire qu'ils avaient porté sur votre conduite.
C'est ainsi que les méchants vont d'erreur en erreur, d'abyme en abyme, et que tout ce que votre Providence fait naître en leur chemin, de plus capable et de plus propre pour guérir les plaies de leurs âmes, ne sert qu'à les envenimer, et à les rendre plus incurables, en sorte que ce qui devrait leur donner la vie, leur cause la mort.
Faites, Seigneur, que je profite de l'endurcissement de ces misérables ; que je me trouve si étroitement attaché à tout ce qu'il Vous a plu d'établir, qu'il ne m'arrive jamais de m'en séparer, de crainte que le mépris, la transgression de la Loi, qui enferme toujours une satisfaction fausse et secrète, me porte à aimer ce qui devrait être l'objet de ma haine ; et que par des infidélités qui se succèdent toujours les unes aux autres, lorsqu'on a quitté la vérité, je ne vienne à cet excès qui fait peur, je veux dire, la persécuter après l'avoir abandonnée.
Si l'endurcissement de ces Docteurs de la loi me remplit de Crainte ; ce qui se passe, Seigneur, à l'égard du paralytique, produit en moi des dispositions toutes contraires ; car quelle plus grande joie peut avoir celui qui a besoin de pénitence, que de voir des œuvres et des exemples d'une miséricorde infinie, si capables d'exciter et d'affermir sa confiance, et d'empêcher qu'elle ne puisse être ébranlée par le sentiment qu'il a de ses infidélités ?
Et le moyen, Seigneur, de ne pas espérer, quand on pense, ou plutôt quand on voit que Vous prévenez, que Vous allez au devant, et que Vous donnez plus qu'on ne Vous demande. Ce malade ne désire que la santé du corps, Vous lui donnez celle de l'âme, il ne veut que la guérison d'une incommodité corporelle, et Vous guérissez ses infirmités spirituelles : Il ressent et reçoit dans un moment, et tout-à-la-fois, deux bienfaits qui ne peuvent partir que d'une Bonté toute-puissante ; et son âme se trouve plus tôt guérie que son corps. Duplex atque celerrimum potentissima bonitatis perfenfit beneficium, prius mente quàm carne curatus.
Faites au moins, Seigneur, que j'entre dans la reconnaissance de ce bienheureux malade, auquel votre parole a rendu la vie : Abiit in domum suam magnificans Deum ; il retourne dans sa maison rendant grâces à Dieu de la Miséricorde qu'il en avait reçue.
Faites que mon cœur soit pénétré de reconnaissance comme le sien ; que je sois comme lui tout entier dans l'exaltation de votre Saint Nom ; que le souvenir des merveilles que Vous opérés pour la Sanctification de ceux que Vous aimez, et qui Vous aiment, me remplisse ; et que m'étant présent dans toutes les circonstances et les actions de ma vie, il n'y en ait une seule, où je n'agisse dans la vue et dans le sentiment de vos Bontés. Ainsi soit-il.
Abbé Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu IX, 2-3 : Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut, pages 236-241, chez F. Muguet, 1699
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé