Voici une réflexion dans les violentes Tempêtes des afflictions et des tentations qui s'élèvent dans les âmes Chrétiennes et qui en quelque manière en troublent la Foi « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » sur l’Évangile de la Tempête apaisée (Matthieu VIII, 23-27) de la Sainte Messe du Quatrième Dimanche après l’Épiphanie du Seigneur (Dominica Quarta post Epiphaniam) donnée par Dom Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) Abbé régulier et réformateur du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie, auteur de « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles » d’où est extraite cette réflexion.
« Et voici qu’il s’éleva sur la mer une si grande tempête, que la barque était couverte par les flots ; et Lui, Il dormait. Ses disciples s’approchèrent de Lui, et L’éveillèrent, en disant : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre VIII, versets 24-25)
La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé :
Cette occasion de la tempête, Seigneur, nous découvre tout à la fois bien des choses. La première est que quelque importantes que soient les affaires, qui nous occupent dans le monde, nous devons les faire, sans nous laisser aller à ces inquiétudes qui troublent toute la paix de nos cœurs, et nous causent de continuelles agitations.
C'est ce que Vous nous montrez clairement par votre exemple. Vous étant chargé de la plus grande affaire qui fut jamais, qui est la réconciliation du monde avec Dieu votre Père, il n'y a point de moment dans votre vie qui ne lui soit destiné. Cette œuvre est toute pleine d'accidents, d'événements fâcheux, Vous n'y trouvez que contradictions, Vous y êtes incessamment exposé aux mauvais desseins de vos ennemis ; cependant au milieu d'un nombre infini de difficultés et de traverses, Vous êtes dans une situation si tranquille, dans un repos si profond, que les mouvements d'une violente tempête, ne sont point capables de le troubler.
C'est une grande instruction, Seigneur, pour tous ceux qui sont dévorés de soins d'impatiences, et qui dans les moindres choses se laissent emporter par leurs cupidités, tirailler par leurs passions, comme s'il s'agissait du salut, ou de la conservation d'un état. C'est un vice et un dérèglement auquel nous voyons succomber la plus grande partie des hommes.
La seconde, Vous avez voulu éprouver et confirmer la Foi de vos Apôtres. Vous permîtes qu'il se formât une tempête pendant le temps de votre sommeil, vos Disciples devaient savoir que rien ne Vous était inconnu, que vos yeux sont toujours ouverts pour voir ce qui se passe dans le monde, que Vous veillez sans aucun relâche sur tous ses besoins, et particulièrement sur ceux de vos serviteurs, et des personnes qui Vous appartiennent.
Si leur confiance eût été telle qu'elle devait être, au lieu de troubler votre repos, et de s'abandonner à la crainte comme ils firent, ils eussent attendu en paix la fin de cet orage, et ils auraient bientôt vu les flots de la mer s'abaisser sous votre puissance, selon ces paroles de votre Prophète : Tu dominaris potestati maris, motum autem fluctuum ejus tu mitigas.
Véritablement, Seigneur, ils se trouvaient dans des dispositions bien contraires : car étant alarmés par la vue d'un péril dont ils n'étaient point menacés, ils eurent recours à Vous en s'écriant : Seigneur, sauvez nous, nous périssons. Accesserunt ad eum Discipuli ejus, et suscitaverunt eum dicentes, Domine, salva nos, perimus.
Vous les reprîtes dans le moment même, Vous leur reprochâtes leur peu de foi, et Vous commandâtes aux vents de s'apaiser : Dicit eis Jesus, quid timidi estis modica fidei ? Tunc furgens imperavit ventis et mari, et facta est tranquillitas magna. Il ne faut point douter que les Apôtres n'aient été touchés de ces paroles, et qu'elles ne leur aient donné pour l'avenir une intrépidité et une confiance inébranlable.
La troisième, Vous nous montrez, Seigneur, par cet exemple, ce qui se passe souvent dans le cœur de ceux qui Vous servent, et qui vivent dans une piété exacte ; il n'y en a guère en qui Vous ne permettiez qu'il ne se forme des tentations, qui sont comme des tempêtes qui s'élèvent dans leurs âmes ; et qui en quelque manière en troublent la sérénité. Cependant c'est ce qui conserve la Vertu, c'est ce qui la fortifie, c'est ce qui l'augmente.
La tentation qui est une épreuve de la Foi, comme dit votre Apôtre, produit la Patience, la patience donne la perfection à l'œuvre, ainsi c'est par là qu'on peut acquérir un état d'excellence et d'intégrité, qui ne souffre aucun défaut, ni aucune imperfection. Scientes quod probatio fidei vestra patientiam operatur, patientia autem opus perfectum habet, ut sitis perfecti et integri, in nullo deficientes.
La conduite, Seigneur, qu'on doit tenir dans ces sortes d'occasions, c'est de se soutenir par la fermeté de sa Foi, de s'adresser à Vous par des prières ardentes, pour Vous exprimer ce que l'on souffre, en Vous disant ces paroles de votre Écriture : Domine vimpatior, en attendant dans une tranquillité parfaite les effets de votre Miséricorde.
Vous êtes fidèle, Seigneur, et comme Vous nous déclarez par votre Apôtre, Vous ne souffrez point que nous soyons tentés au delà de nos forces ; mais Vous faites en sorte, que nous puissions soutenir les tentations, et que nous en sortions avec avantage. Fidelis autem Deus est qui non patietur vos tentarı supra id quod potestis, sed faciet etiam cum tentatione proventum, ut possitis sustinere.
Enfin, Seigneur, ces paroles que Vous dites à vos Apôtres : Quid timidi estis modica fidei ? Pourquoi êtes-vous ainsi timides hommes de peu de foi ? Vous le dites à tous ceux qui se trouvent dans les afflictions, dans des tentations qui les pressent ; et lorsqu'ils ont recours à Vous avec cette confiance, à laquelle Vous ne refusez rien, ils éprouvent ce qu'elle peut auprès de Vous, et le commandement que Vous faites aux vents qui agitent leurs âmes, de s'apaiser, les met, ou les conserve dans une tranquillité parfaite. Tunc surgens imperavit ventis et mari, et facta est tranquillitas magna. Alors Il se leva et Il commanda aux vents et à la mer de s'apaiser et il se fit un grand calme.
La quatrième, Vous avez voulu Seigneur, donner des marques du pouvoir absolu que Vous avez sur toutes les choses d'ici bas. Non point dans la vue de votre propre gloire, mais pour établir celle de votre Père, contre laquelle tout l'Univers s'était élevé. Non quero gloriam meam, sed ejus qui misit me. C'est de quoi après une déclaration si précise, il n'est plus permis de douter : Vous faites par là des biens infinis, car dés là que votre puissance sera généralement reconnue, toutes vos paroles s'attireront la créance de tous ceux de qui elles seront écoutées, elles pénétreront et s'assujettiront les cœurs. Tous les Rois et les Peuples de la terre reconnaîtront Dieu votre Père, et lui rendront l'obéissance qui lui est due selon l'expression de votre Prophète : Adorabunt eum omnes Reges terra, omnes Gentes servient ei ; Tous les Rois de la terre L'adoreront, et toutes les Nations Lui seront assujetties. Ce sera pour lors l'on verra l'accomplissement de la prédiction qu'il a faite, lorsqu'il a dit que vos louanges retentiraient d'une extrémité du monde jusqu’à l'autre, depuis le levant du soleil jusqu’à son couchant : A solis ortu usque ad occasum laudabile nomen Domini.
Car ce retour, cette conversion, cette sanctification si générales remplira les hommes d'une joie sainte, ils n'auront ni assez de voix, ni assez de cœur, quoi qu'ils fassent, pour témoigner ce qu'ils doivent à votre miséricorde, et leur consolation sera de célébrer votre Saint Nom par des chants d'allégresse, par des hymnes, par des cantiques jusqu'à la fin des siècles.
Enfin nous verrons l'empire du Démon entièrement détruit, lorsque l'ayant terrassé, et lui ayant arraché des mains vos serviteurs qu'il regardait comme une proie qui lui était assurée, votre Père Vous rappellera triomphant, pour Vous faire asseoir à sa droite, couronner vos travaux, et mettre pour jamais vos ennemis sous vos pieds. C'est ce que le Prophète nous a exprimé par ces paroles : Sede a dextris meis, donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum (Ps 109, 1). Ainsi soit-il.
Abbé Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu VIII, 24-25 : Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations, pages 222-229, chez F. Muguet, 1699
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé