Voici une réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » (Matthieu XIII, 31) donnée à la Sainte Messe du Sixième Dimanche après l’Épiphanie (Dominica Sexta post Epiphaniam) par Dom Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700), Abbé régulier et réformateur du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie et auteur de « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles » d’où est extraite cette réflexion.
« Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé, qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences ; mais lorsqu’elle a crû, elle est plus grande que tous les autres légumes, et elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter sur ses branches » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre XIII, versets 31-32)
La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé :
Il n'y a rien que Vous ne fassiez, Seigneur, pour nous faire connaître quelle est la voie du Royaume, et quel chemin nous devons suivre pour arriver sûrement et sans nous égarer, à ce bonheur qui doit être l’objet unique de nos désirs et de nos espérances. Vous en donnez l'exclusion aux grands du monde, à ceux qui en recherchent l'honneur, la gloire, les richesses, les plaisirs, et tous ces autres faux avantages qui font qu'on s'y attache, comme si la jouissance en devait être éternelle.
En un mot, l'homme s'est banni du Royaume de Dieu par son orgueil ; il ne saurait plus y rentrer que par son Humilité, et c'est elle seule qui peut lui en ouvrir les portes.
C'est un exemple, Seigneur, que Vous nous avez donné en votre Personne. Vous avez méprisé toutes les grandeurs humaines, tout ce que ce monde d'ici-bas pouvait Vous procurer de biens, de fortunes, de gloire. Vous avez pris pour votre partage les humiliations et les abaissements, et c'est par là que Vous Vous êtes rendu digne de ce grand Nom, de cette grande autorité, de cette grande puissance que Vous avez reçue de la main de votre Père.
Il faut donc, Seigneur, que ceux qui veulent avoir part à votre bonheur, Vous imitent, Vous suivent, et s'attachent à la voie que Vous avez tenue : Sola est humilitas que nostras possit salvare animas.
Il n'y en a point d'autre sous le Ciel qui ne soit fausse et qui ne nous égare, au lieu de nous conduire à cette Fin bienheureuse après laquelle nous soupirons. Puisque ce nous est une obligation indispensable d'embrasser ce que Vous nous proposez, ne nous refusez pas la Grâce, Seigneur, de l'exécuter : car ce serait inutilement que Vous nous auriez donné la lumière, si Vous n'y joigniez la force et la vertu, afin que nous puissions pratiquer ce qu'elle nous montre et ce qu'elle nous fait connaître.
Celui donc qui veut mettre la main à ce grand œuvre, et l'entreprendre pour y travailler avec bénédiction et avec succès, doit se rabaisser, s'il est possible, jusqu’au centre de la terre, s'estimer le dernier des hommes, et croire qu'il n'y en a point qui ne lui soit supérieur. Il faut que dans ce sentiment il souffre avec paix ce qui lui peut arriver de plus injuste, de plus injurieux de la part du monde, qu'il croie que le moindre de ses péchés en mérite bien davantage.
Il faut, dis-je, qu'il trouve sa joie dans le mépris, dans le peu de cas qu'on fera de sa personne, dans les mauvais traitements que lui feront endurer ces gens injustes, qui se font un plaisir d'insulter aux faibles, et à ceux qui ne s'attirent aucune recommandation par ces talents, ces dispositions humaines, qui sont selon le goût des mondains, et qui seuls en ont l'estime et l'approbation.
Enfin ce sera par cette conduite, que celui qui prétend aux choses éternelles, commencera et avancera son ouvrage, qu'il l'accroîtra, qu'il l'augmentera, qu'il l'embellira, et qu'il y mettra la dernière perfection ; c'est-à-dire que Vous regarderez la bassesse de votre serviteur, que Vous le comblerez de toutes sortes de biens, d'avantages, de grâces et de bénédictions, et que selon ces paroles, par lesquelles Vous avez déclaré que Vous exalteriez celui qui se ferait humilié : Qui se humiliat, exaltabitur (Luc 18, 14) ; il recevra de votre main tout le mérite, toute la dignité et toute la Sainteté nécessaire, pour avoir place dans votre Royaume.
C'est ainsi, Seigneur, qu'il s'est rendu semblable à ce grain de sénevé. Rien ne paraissait plus petit et plus méprisable que le commencement de son œuvre ; cependant par un progrès continuel, par une fidélité qui n'a point été interrompue, par un exercice persévérant dans toutes ces pratiques que nous avons marquées, il s'est enfin élevé comme un grand arbre, où tous les dons, les vertus, les qualités divines viennent s'attacher comme les oiseaux du Ciel sur ses branches pour y chercher leur sureté et leur repos. Ainsi soit-il.
Abbé Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu XIII, 31-32 : Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé, pages 446-451, chez F. Muguet, 1699
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé