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Sainte Magdeleine de Béthanie à la Sainte-Baume

Prières > aux Saints et Saintes

Voici un article sur « Sainte Magdeleine de Béthanie à la Sainte-Baume » écrit en 1834 par Félix Davin (1807-1836), Romancier, poète et journaliste français rédacteur au Figaro et dans d’autres revues telles que le « Journal des Demoiselles » et le « Musée des Familles ».



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Une vieille inscription placée autrefois dans la Sainte Baume près de Marseille disait :

« En l'honneur du Dieu Très Bon et Très Grand et à la mémoire de Sainte Magdeleine de Béthanie, qui demeurait dans les lieux circonvoisins de Jérusalem, sœur de Lazare et de l'incomparable hôtesse de Jésus-Christ, laquelle ayant souvent arrosé de parfums les pieds du Seigneur, qu'elle avait essuyés de ses cheveux étant à genoux devant Lui, et enfin ayant répandu du nard sur son Corps comme pour L'ensevelir par avance ; fut consolée par cette Apparition si désirée que lui fit Jésus Christ après Sa glorieuse Résurrection, dans le jardin qui était auprès de son Sépulcre, qui l'ayant touchée au front avec ses Doigts sacrés, lui ordonna de porter la nouvelle de sa Résurrection à Ses apôtres. Mais après l’Ascension tout admirable de Jésus-Christ dans le Ciel, elle fut exposée aux flots de la mer, avec son frère Lazare, sa sœur Marthe et autres personnes, sur une vieille barque dépourvue de toutes choses. Jésus-Christ, conduisant cette barque nonobstant les flots de la mer irritée, la fit aborder à Marseille, ville de Provence, où elle annonça la foi ; mais quelque temps après, cette héroïne se retira dans un vaste désert, où elle demeura l'espace de trente-trois années, dans la pratique de la plus sévère pénitence. Après sa mort, elle fut ensevelie dans les terres voisines. Son corps, ayant été cherché avec grand soin, fut trouvé par Charles d'Aragon, roi de Jérusalem, de Sicile et comte de Provence, après douze siècles, et il est à présent honoré par les fidèles. »

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Voilà la légende de la Sainte-Baume dans sa naïveté populaire, et telle qu'on la raconte encore en Provence. Sans discuter le plus ou moins de vraisemblance de cette tradition, et sans nous appuyer de quelques autorités respectables qui attestent que saint Lazare, sainte Marthe et les soeurs Magdeleine moururent à Ephèse, nous ferons notre pèlerinage d'artiste à la grotte sacrée, et nous ne permettrons ni à la philosophie, ni à l'histoire, de souffler sur la vieille et touchante poésie qui parfume encore les roches de la Sainte-Baume.

Assise sur le territoire de Marseille, à peu de distance de Saint-Maximin, s'élève une haute montagne, à la base de laquelle s'adosse le petit village de Nans, et dont le plateau porte un couvent. C'est de ce plateau que vous voyez s'étendre immensément, devant vous et au-dessus de vous, le gigantesque rocher de la Sainte-Baume. Tout sillonné de fissures, il se dresse à pic jusqu'aux nuages. Dans le flanc de cette roche s'ouvre une large et profonde caverne, que le soleil n'éclaire que de rares et tardifs rayons ; une caverne, enveloppée six mois de l'année d'épais brouillards, incessamment humectée de l'eau des pluies et des neiges qui y tombe monotone, et fouettée nuit et jour par l'air froid des hautes régions.

C'est de cette caverne que s'est emparée la piété populaire pour en faire l'asile de la pénitence; c'est là qu'elle a fait prier pendant trente-trois ans la belle et douce Magdeleine, enveloppée seulement de ses longs cheveux blonds et mêlant ses larmes éternelles à l'éternel suintement du rocher.

Venez; suivez-moi, pénétrons dans ces pâles ténèbres... Dieu ! La voilà. C'est Magdeleine elle-même prosternée devant la croix et la tête de mort; Magdeleine priant pour ses péchés et les nôtres, Magdeleine morte peut-être durant sa longue oraison... Non, c'est encore une illusion, encore de la poésie ! C'est une magnifique statue tellement blêmie par le temps et si fantastiquement éclairée, que, plein d’émotion et de terreur, vous êtes prêt à vous prosterner comme elle.

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N'importe ! Priez le gardien de vous ouvrir la balustrade, et allez baiser les pieds de la Sainte. Puis, faites-vous conduire à la grotte inférieure, dans laquelle on descend par deux rangs de degrés en sens contraire ; agenouillez-vous devant une représentation saisissante du saint Sépulcre, éclairée par un jour pâle venu d'en haut ; regardez, sur le piédestal de ce monument, un bas-relief, où Saint Maximin est sculpté donnant la Communion à Sainte Magdeleine; venez dire un Ave au pied d'un autel de la Vierge pratiqué au fond de la grotte ; et, vous penchant vers une petite citerne incessamment alimentée par les infiltrations de la grotte, puisez-y une eau fraîche et limpide, aussi merveilleuse, dit-on, que salutaire. Souvenez-vous que c'est encore là que venait prier et pleurer Magdeleine.

Sortez de ces grottes, remontez sur la plate-forme qui se développe à l'entrée, longez ce joli presbytère, construit à l'endroit même où s'élevait naguère l'ancien couvent des Dominicains; suivez, au-dessus, un petit sentier tracé difficilement sur la crête du rocher et dont la haie de verdure cache à vos yeux éblouis le béant abîme qui s'ouvre au-dessous. Donnez un regret aux ruines d'un petit ermitage éparses sur un frais et vert gazon, et pénétrez, si vous l'osez, dans les trois rictus de la Grotte aux Œufs, ainsi nommée à cause de la forme sphérique de ses rocs. Allez donc, armez-vous du flambeau, de l'échelle et de la corde ; montez admirer, au péril de votre vie, les parois étincelantes de cristallisations et, sous vos pieds, le gouffre...

Et c'est là qu'a prié, là qu'a pleuré trente-trois ans la belle et douce Magdeleine, Magdeleine aux blonds cheveux ! Ô saint courage, ô magnifique constance, ô force héroïque d'une faible femme, d'une chrétienne !

N'est-ce pas, maintenant, que vous ne vous étonnez plus du renom glorieux de la Sainte-Baume ? Et si je vous disais que ce n'est rien encore que les populations qui s'y amassent les jours de fêtes, accourues de tous les environs, les pèlerins qu'on y voit gravir tous les jours de l'année, les offrandes qui décorent toutes les parois du rocher ! Si j'évoquais tous les souvenirs du passé et vous disais le nom de tous les évêques, princes, rois qui sont venus depuis plus de cinq siècles humilier leur puissance dans la grotte de la Sainte : Charles II, prince de Salerne, qui fit élever péniblement, sur une des pointes du roc, une maison de refuge pour les pieux solitaires qui s'étaient retirés dans la grotte ; Saint Louis, qui couronna son belliqueux pèlerinage en Terre Sainte, par un pieux pèlerinage à la Sainte Baume ; puis, Jean 1er, Charles VI, Louis XI, Marie d'Anjou, Anne de Bretagne, François 1er, Claude de France, la duchesse d'Alençon, Henri II, Charles IX, Henri III, Henri IV, Éléonore d'Autriche, les ducs d'Orléans et d'Angoulême, Louis XIII, Anne d'Autriche et Louis XIV, et cent autres, évêques, archevêques, cardinaux, qui tous laissèrent sur le saint rocher des traces de leur piété et de leur munificence.

Préoccupé du souvenir de la Sainte, j'ai négligé de vous montrer tous les pompeux ex-voto suspendus partout dans sa retraite. Venez maintenant et donnez un coup d'œil à cet autel en marbre blanc qui s'élève dans la principale grotte, au milieu d'une petite chapelle aussi en marbre blanc, construite par Louis XI et décorée à droite et à gauche de la statue de ce roi et de celle de Charlotte de Savoie, sa femme : puis, des armoiries de la maison de Lesdiguière et de Créqui.

A l'entrée de la grotte inférieure, vous verrez encore deux statues, celles de François I" et de Claude de France, sa femme; et nombre de témoignages plus humbles mais non moins sincères, des fleurs, des couronnes, des chapelets, des crucifix, des parures de jeunes filles et de jeunes femmes, des boucles de cheveux de jeunes enfants ; car la protection de la Sainte était toute Puissante.

Ce n'est pas tout, et pour peu que vous ayez de goût de l'architecture du dix-huitième siècle, architecture de mignardises entortillées, de magots et de flammes de pierre, et dont les plus beaux chefs-d’œuvre étaient des boudoirs, je vous montrerai qu'elle aussi a voulu rendre hommage à la Patronne la Provence ; et nous compterons sur ces blocs hauts de cinq cents toises et si imposants dans leur gigantesque aspérité, le long des sombres parois de cette grotte, quelques douzaines de festons et de guirlandes, sculptés à la loupe pour le plus grand réjouissement des pèlerins.

Il faut faire aussi la part des étymologistes et noter que « baoume », vieux mot français, veut dire « cavité montagneuse », comme « baoumo » qui signifie la même chose en provençal ; la part aussi des historiens, et dire que saint Maximin, Évêque d'Aix, érigea la grotte en chapelle immédiatement après la mort de sainte Magdeleine, mort que célébra la montagne en rendant, pendant plusieurs jours, de célestes accords ; puis prendre la date de 1070, époque à laquelle les Bénédictins remplacèrent les Casianites dans la garde de la Sainte-Baume ; celle de 1220, où Charles II, prince de Salerne et comte de Provence (Cf. la La Prière de Charles II « Ô Marie Madeleine, très douce amie intime de Jésus-Christ »), établit les Frères Prêcheurs de saint Dominique sur le roc consacré, dans un couvent qui résista aux outrages de plusieurs siècles pour tomber, en 1815, sous l'ouragan politique ; et nous terminerons en citant les deux ordonnances du 20 juin et du 14 mars 1821, par lesquelles Louis XVIII, comte de Provence, releva l'antique monastère que l'on voit encore aujourd'hui au pied de la Sainte-Baume.

Avant de quitter la Sainte-Baume, il faut faire vos dévotions dans la chapelle du Saint-Pilon, construite sur le point culminant du roc et nommée ainsi à cause d'un grand pilier qui s’y élevait, surmonté de la statue de la sainte, et qui dans les jours d’orage supportait un phare. Prenez donc le Chemin de la Croix divisé en trente-trois stations et orné d'autant de croix hautes de neuf pieds ; arrivez maintenant à la quatrième descente de la Sainte-Baume, traversez la forêt sauvage qui noircit au pied, belle encore malgré de récentes dévastations, et venez enfin contempler, dans le caveau de l'église Saint-Maximin, les os de la sainte qu'on a presque déifiée là-haut, sur le roc. Les voici ; ils sont unis aux reliques de saint Lazare, de sainte Marcelle et de saint Sidoine ; et si vous doutez de leur authenticité, lisez les lettres patentes que Louis XIV délivra aux gardiens de la châsse d’or; venez contempler enfin le « Noli me tangere », c'est-à-dire la partie intacte du front de Magdeleine que Jésus-Christ toucha du bout des doigts la nuit de sa Résurrection. Et, jetant un long regard dans cette vaste église, aujourd'hui sans Chapitre pour remplir les cent stalles de son sanctuaire, sans fidèles pour faire résonner sa voûte de leurs cantiques, sans culte, sans pompe et sans vie, pleurez sur le siècle ; comme Magdeleine, agenouillez-vous en face de la tête de mort et priez !
Ainsi soit-il.


Félix Davin (1807-1836) - « Musée des Familles » (1834), Lectures du soir, Volume 1, pages 169-170

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Voir également sur Sainte Marie Madeleine :

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- La « Collecte de la Sainte Messe de Sainte Marie-Madeleine » du 22 juillet en latin et en français
- La Prière à Sainte Marie Madeleine « Ô mon Dieu, nous sommes plongés dans l’une des plus lourdes épreuves de l’histoire » du Père Marie-Antoine de Lavaur
- La Prière de Mgr de La Brunetière à Sainte Marie Madeleine « II prononce ton nom et tu sais Le reconnaître malgré son État glorieux »
- La Prière sur la persévérance de Sainte Marie Madeleine « Ô Marie Madeleine, c'est la persévérance qui vous a fait trouver votre Maître » de Sainte Catherine de Sienne
- La Prière à Sainte Marie de Magdala « Ô Marie Madeleine, très douce amie intime de Jésus-Christ » de Charles II le Boiteux d'Anjou
- L’Hymne sur la Résurrection à Sainte Marie Madeleine « J'ai reçu la même gloire que Moïse » de Saint Romain le Mélode
- La Prière à Sainte Marie Madeleine « Toi qui fut guérie et sauvée par Jésus, rends notre âme resplendissante de la beauté même de Dieu » de Monseigneur Jean-Pierre Ravotti
- La Prière « Ô Jésus espoir des pénitents » du Cardinal Pierre de Bérulle qui fait référence à Sainte Marie Madeleine
- La « Prière d'un Pénitent à Sainte Marie Madeleine »
- La « Prière à Sainte Marie Madeleine » de Monseigneur Bernard Mollat du Jourdin
- La Prière à « Sainte Marie-Madeleine » de Saint François d'Assise
- La Prière de Mgr Michel Schooyans « Seigneur, nous nous reconnaissons en Marie-Madeleine »
- L’Hymne à Sainte Marie-Madeleine « Bénie sois-tu, Marie de Magdala » de Sœur Marie-Pierre Faure
- L’Histoire de « Sainte Magdeleine de Béthanie à la Sainte-Baume » par Félix Davin