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Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent

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Voici le Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent (Dominica Quarta Adventus) sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur dans le désert « Les Voix de ses Faveurs, de la Prédication extérieure, de ses Châtiments et de ses Inspirations intérieures » prêché par Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555), Religieux de l'ordre de Saint Augustin, Prieur du couvent de Salamanque puis Provincial qui devint en 1544 Archevêque de Valence.



Jean-Baptiste-le-precurseur.jpg

Vox clamantis in deserto : Parate viam Domini.
Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les Voies du Seigneur.
(Luc III, 4)


Le Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur « Les Voix de ses Faveurs, de la Prédication extérieure, de ses Châtiments et de ses Inspirations intérieures » de Saint Thomas de Villeneuve :

Le récit évangélique, suivant l'usage des anciens prophètes, nous fait connaître le temps où commencèrent les oracles et les prédications de Jean-Baptiste, les princes et les pontifes qui gouvernaient alors la Judée ; il nous donne ensuite le sujet des prédications du Saint Précurseur et lui applique cette parole d'Isaïe : « Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert » (Isaïe XL, 3).
Comme nous n'avons pas intention de vous développer aujourd'hui le récit de l'Évangile, ces quelques Paroles suffiront. Notre texte va nous fournir deux réflexions ; parlons d'abord de cette Voix qui crie dans le désert, nous parlerons ensuite de la préparation à laquelle cette Voix nous invite.
Ce désert est le pécheur ; son âme, en effet, en a toutes les conditions. Elle est comme un champ inculte et négligé, où jamais ne tomba la semence d'un bon fruit ; elle ne produit que des buissons et des épines ; les mauvaises pensées et les désirs pervers, comme des ronces épaisses, la couvrent de toutes parts. Elle est encore la demeure des bêtes sauvages, des scorpions et des basilics, suivant cette parole d'Isaïe : « Il sera la demeure du dragon ; l'autruche du désert y cherchera sa nourriture » (Isaïe XXXIV, 13). L'on n'y trouve enfin d'autre fruit que le gland des pourceaux ; partout la solitude, la sécheresse, la stérilité, l'épouvante et l'horreur.
Quelle solitude là où Dieu n'est pas ! Quelle sécheresse là où ne tombe jamais la pluie du ciel ! Quelle stérilité là où le soleil ne fait jamais sentir sa chaleur, là où la piété n'est pas cultivée !
Tel est le désert auquel Dieu ne cesse de parler pour le convertir et le rappeler à Lui. Depuis le jour où la raison commence à s'ouvrir jusqu'à la mort, le Seigneur ne cesse d'appeler le pécheur avec une clémence infinie. Ce doux Seigneur est l'offensé et pourtant c'est Lui qui nous invite, c'est Lui qui nous sollicite : « C'est moi qui t'appelle » dit le Seigneur par Jérémie XXXVIII, 14. Il dit encore dans l'Apocalypse : « Je me tiens à la porte et je frappe » (Apocalypse III, 8).
Et dans le Livre des Proverbes : « La Sagesse se fait entendre au dehors et élève sa voix sur la place publique. Elle crie dans les assemblées, à l'entrée des portes de la ville ; elle dit : Enfants, jusques à quand aimerez-vous l'enfance ? Jusques à quand, ô insensés, désirerez-vous ce qui vous nuit ? » (Prov. 1, 20) C'est-à-dire, jusques à quand rechercherez-vous les précipices où vous périrez ?
Le Seigneur fait entendre sa Voix à ce désert de quatre manières différentes. Il lui fait entendre premièrement la Voix de ses Faveurs ; secondement, la Voix de la Prédication extérieure ; troisièmement, la Voix de ses Châtiments ; quatrièmement, la Voix de ses Inspirations intérieures.

1- La première est la Voix des Faveurs. Dieu traite d'abord le pécheur avec la plus grande bonté, avec la plus douce prévenance. Il lui donne la santé, des succès temporels, des honneurs, des richesses ; Il fait que tout prospère au gré de ses désirs. Dieu essaie par là de toucher le pécheur, pour qu'il se convertisse et qu'il se dise : Ô mon âme, servons un Dieu si bon, si miséricordieux, qui nous traite avec tant de bonté ; qui, au lieu de châtiments, nous comble de bienfaits ; qui, au lieu de l'Enfer, m'accorde en abondance les biens d'ici-bas. Mais hélas ! Trop souvent le pécheur réalise cette parole de Jérémie : « Ils n'ont pas dit dans leur cœur : Craignons le Seigneur notre Dieu qui nous donne en leur temps les premières et les dernières pluies, et qui nous réserve l'abondance des moissons de l'année » (Jér. V, 24).
Ah ! Mes Frères, si nous avions dans nos cœurs un noble sentiment, de tels bienfaits ne nous ramèneraient-ils pas au Seigneur ? Mais nous sommes si mauvais, si dépravés, que, loin de nous rendre meilleurs, ces bienfaits ne servent qu'à nous pervertir de plus en plus et à nous enhardir davantage dans le mal, comme de vils esclaves. Quand tout nous est prospère, nous oublions notre Bienfaiteur, et l'orgueil nous enivre. « La prospérité des insensés les perdra » dit le Sage (Prov. 1, 32). Oui, nous ne sommes que des insensés, car si nous avions un peu de sens et de cœur, nous profiterions bien mieux de ces bienfaits.
Ô ingratitude ! Ô dépravation des enfants des hommes ! Quelle parole pourra l'exprimer ? Les bêtes les plus farouches reconnaissent un bienfait ; un bienfait, dompte leur férocité ; un bienfait les adoucit ; le lion le plus féroce joue avec son maître ; l'ours le plus indomptable s'apprivoise et badine avec l'homme qui le nourrit ; le monstrueux éléphant obéit comme un agneau à l'Indien qui le soigne et le conduit. Tous les animaux connaissent leur bienfaiteur et lui témoignent leur reconnaissance.
Toi seul, ô homme raisonnable, toi seul, plus intraitable que les bêtes les plus farouches, gonflé de plus de venin que la vipère et le basilic, tu mords la main qui te nourrit, tu te révoltes contre ton Bienfaiteur, tu ne veux pas Le reconnaître, tu Le blasphèmes, tu Le couvres d'outrages.
Quelle dépravation ! Et quel supplice pourra la punir ? Tournez-vous de toutes parts ; partout vous entendrez cette Voix des Faveurs Divines. Que sont toutes les créatures, demande Saint Augustin (Enarrat 2, ps. 26, nº 12), sinon les Voix de notre Dieu ? Le ciel nous crie : Ô homme, je ne marche que dans ton intérêt et pour ton utilité. Le soleil nous crie : Ô homme, je te réchauffe, je t'éclaire ; c'est pour ton délassement et ta consolation, qu'au printemps, je fais de la terre un paradis. La terre nous crie : Ô homme, je te donne les fruits, les moissons, l'herbe des champs, les plantes de tes jardins et tous les aliments. La mer enfin, elle aussi, nous fait entendre sa voix : Pour toi, ô homme, je porte dans mon sein toutes sortes de poissons.
Ainsi parle toute la nature. Ô homme, reconnais donc ton Bienfaiteur, rends-Lui tes actions de grâces. Mais, ô honte ! L’homme est semblable à ces animaux immondes qui, la tête toujours baissée, mangent le gland de la forêt. La nature entière lui crie sans cesse : Reçois ces dons, mais rends grâces au Bienfaiteur, et prends garde à l'ingratitude. Ah ! Lors même que nous n'eussions commis aucun autre péché, notre seule ingratitude suffirait pour nous faire condamner à l'Enfer. Le Seigneur s'en plaint Lui-même par son Prophète : « Le bœuf connaît son maître et l'âne l'étable de son maître, et Israël m'a méconnu, et mon peuple m'a méprisé » (Isaïe I, 3).

2- Cependant la Voix des Bienfaits n'est pas assez claire pour quelques hommes ; tous ne la comprennent point. Voilà pourquoi le Seigneur fait entendre au pécheur une seconde Voix, la Voix de l'Enseignement et de la Prédication, pour le presser de rentrer en lui-même et de se convertir.
Dans la prédication, en effet, ce n'est pas la voix de l'homme que vous entendez, sachez-le bien ; c'est la Voix de Dieu même. Voilà pourquoi Saint Jean disait : « Je suis la Voix de Celui qui crie » (Luc III, 4). C'est-à- dire, ce n'est pas moi, c'est un autre qui crie par ma bouche. « Ce n'est pas vous qui parlerez, disait le Sauveur, c'est l'Esprit de mon Père qui parlera par vous » (Matth. X, 20). Il disait encore : « Qui vous entend, m'entend moi-même » (Luc X, 16). Et Saint Paul, transmettant cette Doctrine aux Thessaloniciens, disait : « Nous rendons Grâces sans cesse à notre Dieu, parce qu'en recevant de nous la Parole de Dieu, vous ne L'avez pas reçue comme la parole des hommes, mais, (ainsi qu'Elle est en réalité), comme la Parole de Dieu » (I Thess. II, 13).
Dieu ne cesse de faire entendre cette Voix à l'oreille des pécheurs. Ce n'est donc pas en nous que nous trouvons nos paroles ; nous ne sommes que la trompette dont se sert le Dieu vivant, pour vous éveiller et pour vous appeler, suivant cette Parole du Prophète royal : « Un abîme appelle un autre abîme, par la voix de tes cataractes » (Ps. XLI, 8). L'abîme de la bonté et de la miséricorde de Dieu appelle l'abîme de la malice et de l'iniquité du pécheur (Saint Bernard, Serm. 4, in Assumpt. nº3).
Par la voix de tes cataractes, c'est-à-dire des nuées. Et quelles sont ces nuées ? Ne sont-elles pas les prédicateurs de l'Évangile, qui vont sur toute la face de la terre, versant la pluie et la rosée de la Doctrine Évangélique, pour faire porter aux hommes les fruits des bonnes œuvres ? Dans leurs prédications, ils exposent sans doute aux peuples toutes les Vérités de l'Évangile ; mais leur but principal est de ramener à Dieu le pécheur, cet abîme insondable d'iniquité.
Voilà pourquoi le Seigneur disait à son Prophète : « Crie avec force, ne te lasse point, fais retentir ta voix comme les éclats de la trompette, annonce à mon peuple ses crimes et à la maison de Jacob ses prévarications » (Isaïe LVIII, 1).
C'est encore dans ce même sens que Jérémie disait : « Si tu sépares les choses précieuses des choses viles, tu seras comme ma Parole. Et si tu te convertis, je te convertirais » (Jérémie XV, 19).
Ainsi parle au pécheur le Seigneur son Dieu, afin que cette invitation lui fasse accomplir son œuvre avec plus de courage. « Le Seigneur a envoyé vers vous les prophètes, ses serviteurs ; se levant dès le matin, Il les a envoyés » (Jérémie XXV, 4).
Ô Miséricorde de mon Dieu ! Que Vous importe ma misère ? Il ne s'agit ici que de moi, que de mes propres intérêts. Vous savez tous quelle fût jadis la puissance de cette Voix sur la terre ; vous savez comment, par cette Voix de la Prédication, Dieu ramena à son Culte l'univers tout entier ; mais aujourd'hui Elle a bien perdu de sa puissance, et il est assez rare qu'Elle fasse entrer le repentir dans l'âme du pécheur.

3- Aussi de nos jours le Seigneur fait le plus souvent entendre sa troisième Voix, celle du Châtiment. Parce que le pécheur n'a voulu entendre ni la voix des Bienfaits, ni la voix de la Prédication, le Seigneur le réveillera par la voix des Châtiments ; pour le faire rentrer en lui-même, Dieu multiplie sur la tête du pécheur les malheurs et les fléaux de tout genre ; Il lui envoie des maladies, des afflictions et des revers. Lorsque le sommeil est si profond, qu'on n'entend plus le bruit de la voix, Votre main secoue, pour l'éveiller, l'homme endormi.
Voilà ce que fait le Seigneur : Il essaie de donner l'intelligence par le malheur ; Il veut, suivant une expression vulgaire, que l'insensé devienne sage à ses dépens. C'est ainsi qu'autrefois, les frères de Joseph au sein du malheur, reconnurent leur péché. « Nous souffrons justement, disaient-ils, car nous avons péché contre notre frère ; nous voyions l'angoisse de son âme, quand sa voix nous suppliait, et nous ne l'avons pas écoutée, et voilà pourquoi cette tribulation est venue sur nous » (Gen. XLII, 21).
Comme les frères de Joseph, plusieurs s'éveillent à cette Voix des Châtiments ; saisis de crainte, ils se convertissent et reviennent à Dieu, ainsi qu'il est écrit : « Je me suis converti au sein du malheur, pendant que l'épine s'enfonçait dans mon âme (Ps. XXXI, 4), l'épine de la douleur et de l'affliction.
Quelques autres ouvrent les yeux et s'écrient : Hélas ! Nous avons péché ; nos actions sont mauvaises ; ils disent, mais aussitôt ils retombent dans leur sommeil. D'autres encore s'éveillent et se lèvent, résolus d'abandonner leurs péchés, de renoncer à leurs débauches et à leurs injustices ; ils font l'humble aveu de leurs désordres, mais ils prennent chaque jour des résolutions qu'ils n'accomplissent jamais.
Tout à l'heure, disent-ils, tout à l'heure ; attendez encore un moment ; mais l'heure de la conversion ne vient jamais ; l'attente se prolonge sans fin, jusqu'à ce que la mort arrive et les précipite dans l'Enfer. C'est d'eux que parlait Isaïe quand il disait : « Commandez, commandez encore. Commandez, commandez encore ; attendez, attendez encore, encore un peu de temps, encore un peu de temps. Et ce peuple, ajoute Isaïe, ira et tombera, et sera foulé aux pieds, enlacé et pris » (Isaïe, XXVIII, 13).
Il y en a d'autres enfin, tellement plongés dans leur sommeil léthargique, que la Voix des Châtiments elle-même ne peut les éveiller. Oh ! Mes Frères, qu'il est triste de voir la Main de Dieu s'appesantir sur les pécheurs, frapper sur eux des coups terribles et eux, toujours abusés par leur sommeil de péché, ne s'éveillent point, ne se corrigent point ; au contraire, ils mettent moins que jamais un frein à leurs désordres.
Voyez cet homme dépouillé de son honneur et de ses biens, consumé par les maladies les plus horribles, comme Pharaon frappé de plaies nombreuses et comme lui s'endurcissant de plus en plus : « Je les ai frappés, dit le Seigneur, et ils n'ont senti aucune douleur » (Jér. V, 3). Il dit encore : « Celui qui souffle dans le fourneau s'est fatigué en vain, leur malice n'a pas été consumée » (Jér. VI, 29).
Écoutez aussi le Prophète royal : « Ils ont été dissipés et ne se sont pas convertis » (Ps. XXXIV, 16). Et Isaïe ajoute : « Où vous frapperai-je encore, vous qui multipliez sans cesse vos prévarications ? » (Isaïe I, 5)
Malheur à nous, mes Frères, car tel est l'état où nous nous trouvons aujourd'hui. Ô mon Dieu, comme Votre main s'est appesantie sur nous ! Que de guerres ! Que de fléaux ! Que de calamités !
Et personne ne se Convertit, personne ne fait Pénitence ; nous sommes devenus insensibles ; plus le malheur nous frappe, plus notre folie augmente : « Où est celui qui se lève, demande le prophète, et embrasse vos Lois ? » (Isaïe LXIV, 7)

4- Que reste-t-il donc à ce pécheur si rebelle, si endurci ? Il n'y a d'espoir pour lui que dans la quatrième Voix du Seigneur, la plus puissante de toutes, celle de l'Inspiration.
Le Prophète royal, parlant de cette Voix, s'exprime ainsi : « La Voix de votre tonnerre a retenti dans la roue d'un char » (Ps. LXXVI, 19), c'est-à-dire dans l'âme du pécheur. Le pécheur, en effet, n'est-il pas une roue qui tourne et roule sans cesse ? C'est pourquoi la Voix se fait entendre dans la roue, c'est-à-dire dans l'âme du pécheur pour qu'elle cesse de rouler dans le chemin du péché. Cette Voix est justement appelée le Tonnerre du Seigneur ; car Elle a la plus grande force, et peut se faire entendre aux oreilles les plus dures.
« La Parole du Seigneur, dit l'Apôtre, est vivante, efficace, plus pénétrante qu'un glaive à deux tranchants ; Elle atteint jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans la moelle ; Elle démêle les pensées et les mouvements du cœur » (Hébr. IV, 12).
Cette Voix, dit aussi Saint Bernard (S. Bern. in Cant. Serm. 31, n°6), n'est pas une Voix qui retentisse, Elle pénètre ; Elle n'est pas bruyante, mais efficace ; Elle ne fait pas même entendre à l'oreille le plus léger murmure, Elle gagne les âmes par son onction suave. Point de cœur endurci qui Lui résiste, car il est écrit : « Ma Parole, dit le Seigneur, n'est-Elle pas un Feu qui consume ? Un marteau qui broie les pierres les plus dures ? » (Jér. XXIII, 29)
Il est encore écrit dans les Psaumes : « Le Seigneur a fait du haut du Ciel entendre son Tonnerre ; le Tout-Puissant a élevé sa Voix, c'est une grêle qui ravage, des charbons de feu qui dévorent » (Ps. XVII, 14).
Et Jérémie, employant cette dernière image, disait : « La Parole du Seigneur est dans mon cœur, comme un feu brûlant qui s'est enfermé dans mes os, et j'ai défailli, ne pouvant le soutenir » (Jér. XX, 9).
L'Épouse appelle cette Voix, la Voix de son Bien-Aimé (Cant. V, 2). Telle est la Voix qui convertit Paul, Matthieu, Magdeleine et le Publicain.
Mais remarquons avec soin les noms divers que les écrivains sacrés donnent à cette Voix ; c'est un feu, un marteau, une grêle et des charbons ardents. Le Seigneur, en effet, fait entendre cette Voix à l'âme de deux manières différentes ; quelquefois c'est une parole d'amour qui enflamme le cœur ; telle fut la Voix qu'entendit Magdeleine, lorsque Dieu jeta en elle cette étincelle de charité et de piété qui embrasa son âme tout entière d'un amour ineffable.
Le Prophète royal, parlant de cette Voix, disait : « Vos discours sont un feu qui brûle avec violence » (Ps. CXVIII, 140). Ainsi disaient encore les disciples d'Emmaüs : « Notre cœur n'était-il pas tout brûlant, pendant qu'Il nous parlait dans le chemin ? » (Luc XXIV, 32) Et l'Épouse disait, elle aussi : « Mon âme s'est fondue quand mon Bien-aimé m'a parlé » (Cant. V, 6). Telle est la Voix appelée un feu et des charbons ardents.
Il y a une autre Voix intérieure, forte, sévère, terrible ; Voix de blâme et de reproche, par Laquelle Dieu reprend le pécheur et le convertit par la force même de ses reproches. Telle fut peut-être la Voix qui dit à Saint Paul : « Il est dur pour toi de regimber contre l'aiguillon » (Act. IX, 5). Et à Ananie, au sujet du même Apôtre : « Je lui montrerai combien il doit souffrir à cause de mon Nom » (Act. IX, 16).
Cette Voix est appelée une grêle et un marteau. Elle est, nous l'avons dit, de la plus grande force et qui pourra La soutenir ? Par Elle le Seigneur fait entendre ses reproches avec la force d'un Dieu. Et je vous le dis, il serait plus facile de soutenir les reproches du monde entier. Oui, être attaché à l'échafaud, sur la place publique, en présence de tout un peuple, n'est rien auprès de ces reproches de Dieu. Aussi le psalmiste disait : « Sous la Puissance de Votre main, en entendant Vos reproches, je suis tombé en défaillance ; Vous avez reproché à l'homme son iniquité ; et votre Parole a rendu son âme fragile comme une toile d'araignée » (Ps. XXXVIII, 12).
Reproche qui brise les os de l'homme, suivant cette parole de Job : « Il l'a réprimandé la nuit, au milieu de ses douleurs, et sa voix a fait dessécher tous ses os » (Job, XXXIII, 19).
Reproche qui écrase ; vous l'avez peut-être éprouvé ; reproche aimable cependant qui doit être l'objet de vos désirs. « Je crie vers Vous, disait le Roi-Prophète ; j'ai peur que Vous gardiez le silence et que Vous Vous taisiez » (Ps. XXVII, 1). Affligez-moi, reprenez-moi, tel est mon désir. Ce reproche, en effet, est un signe de grand amour, comme Il nous le dit Lui-même : « Je reprends ceux que j'aime et je les châtie » (Apoc. III, 19).
Un père blâme et punit les fautes de son fils, héritier légitime de ses biens ; quant à l'enfant, fruit d'un crime, il le laisse errer loin de ses regards. Oui, quand le Seigneur daigne reprendre l'homme, le poursuivre de ses blâmes intérieurs, sans lui laisser aucun repos, jusqu'à ce qu'il soit sorti de son péché, alors Dieu lui donne un témoignage de son ardent Amour, un signe de prédestination éternelle.
La première manière dont Dieu fait sentir cette Voix intérieure, rappelle tout à coup dans l'âme, y dépeint et y grave profondément l'immensité des Bienfaits Divins ; Elle nous entraîne à l'amour du Seigneur et nous fait ressentir une honte profonde de ne L'avoir pas aimé ; la seconde manière jette dans l'âme une grande terreur, une crainte incomparable du Tout-Puissant ; si la crainte d'un vain fantôme, à cause de la faiblesse de notre nature, nous fait parfois frémir d'horreur, comme cette vision d'un Dieu qui nous reproche nos crimes, doit nous faire trembler et sécher d'épouvante !
Ne vous a-t-il jamais semblé, dans vos songes, que vous étiez traînés au Jugement de Dieu ? Ces rêves de nuit peuvent être le résultat des impressions qu'a faites dans l'esprit un Sermon entendu la veille. Par cette Voix, Dieu saisit l'âme, et l'attire sans lui faire pourtant éprouver la moindre contrainte. Malheur à ces infortunés qui sont comme glacés au milieu de leurs péchés ; c'est la parole du Prophète royal : « Leur cœur s'est gelé comme l'eau d'un lac » (Ps. CXVIII, 70).
Oh ! Mes Frères, désirons entendre cette Voix ; demandons à Dieu de La faire entendre à nos princes, aux jours de cette Solennité, afin que le Seigneur dise à son peuple une parole de paix ; demandons-Lui de mettre dans le cœur de nos princes le désir de la concorde, et dans le cœur de nos pasteurs le soin de la réforme de l'Église. Car, vous le voyez, tout a péri, et si l'on ne fait au plus tôt quelques réformes dans l'Église, nous n'avons pas à espérer des jours meilleurs.
Telles sont les diverses manières dont Dieu fait entendre sa Voix au désert. Rappelez-vous donc l'avertissement de l'Apôtre : « Aujourd'hui, si vous entendez sa Voix, n'endurcissez point vos cœurs, comme firent ceux à qui, dans sa Colère, Dieu jura qu'Il ne les laisserait pas entrer dans son Repos » (Ps. XCIV, 8). Leur endurcissement en fut la seule cause, car le cœur endurci éprouvera des malheurs au Dernier Jour.
Mais, que nous disent toutes ces Voix de Dieu ? Écoutons : « Préparez la Voie du Seigneur » (Isaïe XL, 3). Il ne demande pas des choses grandes ou difficiles ; Il ne nous demande pas de nous enrichir de ses Dons et de ses Grâces ; car Lui seul peut ainsi enrichir les âmes. Il demande seulement que nous nous préparions, que nous nous disposions à sa Venue ; car c'est à l'homme de préparer son cœur au Dieu qui vient y habiter ; Dieu Lui-même perfectionnera cette œuvre de préparation, et alors vous ne Lui opposerez aucune résistance, quand Il se présentera pour entrer dans le sanctuaire de votre cœur : « Préparez la Voix du Seigneur » (Isaïe XL, 3), dit-il ; ne résistez pas, cela suffit.
Écoutez ce qu'Il dit Lui-même : « Je me tiens à la porte et je frappe » (Apoc. III, 20). La Majesté infinie vous prie de Lui ouvrir et de La recevoir : « Ouvrez-moi, s'écrie-t-elle, ma sœur, mon amie, ma colombe » (Cant. V, 2). Ah ! Quelle perversité ; et quel aveuglement, si vous refusiez de Lui ouvrir et de Lui donner l'hospitalité de votre cœur !
Ne résistez donc point, cela suffit, je le répète ; ôtez les pierres, les cailloux, les épines qui embarrassent vos voies ; ôtez les péchés qui souillent votre âme, les querelles, les discordes, les haines, les inimitiés, les usures, les simonies, les adultères, les larcins, les jalousies, l'orgueil ; ôtez tous vos péchés, ce sont eux qui vous ont séparés de votre Dieu. Purifiez votre conscience par la Confession, que vos larmes l'arrosent et en effacent les souillures ; ornez-la de bons désirs et de saintes pensées ; que la prière soit l'odorant parfum qui la pénètre de son odeur suave ; en expiation de vos péchés, offrez des jeûnes et des veilles et faites l'aumône à l'indigent. Voilà la préparation qui convient à la demeure de Dieu, suivant la parole du Psalmiste : « La justice et l'équité préparent Votre demeure » (Ps. LXXXVIII, 15).
Accomplissez ces œuvres saintes, et la Majesté Divine daignera venir habiter dans vos cœurs. Dès ici-bas Il comblera votre âme de paix, de joie, de toutes sortes de biens. Je vous donne volontiers ma parole que toutes ces Solennités se passeront dans le bonheur, pour celui qui donnera à son Dieu l'hospitalité de son cœur.
Maintenant il entrera dans la Grâce et plus tard dans la Gloire Éternelle, vers Laquelle nous supplions le Seigneur notre Dieu, Béni dans tous les siècles, de nous conduire et de nous faire habiter à jamais. Ainsi soit-il.


Saint Thomas de Villeneuve (1486-1555) - Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur, pages 189-200, P. Lethielleux (1866)

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Voir également de Saint Thomas de Villeneuve :
- La Prière du Premier Dimanche de l'Avent « Seigneur, pénétrez ma chair de Votre crainte, percez mon cœur de Vos flèches, afin que je Vous craigne » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Second Dimanche de l'Avent « Et maintenant, je Vous en conjure, ô Père Saint, faites-nous connaître quelles furent Vos raisons dans l'accomplissement de ce Mystère de l’Incarnation » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière du Troisième Dimanche de l'Avent pour mieux se connaître « Heureux celui qui a disposé des degrés dans son cœur pour s'avancer de Vertu en Vertu » de Saint Thomas de Villeneuve
- Le Sermon du Quatrième Dimanche de l'Avent sur les Quatre Manières dont Dieu fait entendre sa Voix au pécheur « Les Voix de ses Faveurs, de la Prédication extérieure, de ses Châtiments et de ses Inspirations intérieures » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière devant le Saint Sacrement « Que je meure, ô mon Dieu, plutôt que de cesser de Vous aimer » de Saint Thomas de Villeneuve
- La Prière pour l’Annonciation « Ô Vierge Bienheureuse, faites sans cesse descendre Dieu dans mon cœur avec sa Divine Grâce » de Saint Thomas de Villeneuve