Voici l’avis de Mgr Olivier de Germay, Evêque d'Ajaccio pour la Corse, sur la mission des Divorcés remariés « d’accepter humblement de participer activement à l’Eucharistie sans communier » par une Communion de désir en faisant de leur désir de communion une offrande spirituelle dans l’obéissance et la fidélité à l’Église et au Christ : un très beau témoignage pour nous tous qui communions parfois avec désinvolture…
La « Communion de désir des Divorcés remariés » selon Mgr Olivier de Germay :
« Dans le cadre du débat souhaité par le pape François, je souhaiterais m’exprimer à propos des personnes divorcées et engagées dans une nouvelle union. En exposant mes convictions – mais aussi mes interrogations – je ne fais qu’apporter une contribution à la réflexion en cours, sûr que l’Esprit Saint saura nous montrer le bon chemin.
Le sujet est important, ne serait-ce qu’en raison des situations d’incompréhensions et de souffrances qui lui sont liées. L’Église doit être capable de mieux accompagner ces situations dans la fidélité à l’Évangile.
Beaucoup se sont prononcés pour l’accès aux sacrements, au moins sous certaines conditions. Les propositions, motivées par le souci de mieux manifester la miséricorde, sont souvent intéressantes. La plupart d’entre elles cependant posent comme postulat la nécessité de changer la discipline actuelle. Or la difficulté pastorale rencontrée aujourd’hui est liée, selon moi, à d’autres réalités qu’il nous faut regarder en face si nous voulons aller à la racine du problème. Sinon, nous risquons d’accompagner en douceur la sécularisation de l’Église sous une fausse apparence de miséricorde.
Beaucoup de prêtres n’ont pas été formés à l’accueil des personnes divorcées et remariées. Mal à l’aise, ils oscillent souvent entre la tentation de fermer les yeux et celle de rappeler sèchement la loi. L’urgence est d’enseigner cet « art de l’accompagnement » qu’appelle de ses vœux le pape François. Ceux qui le pratiquent savent combien il est beau d’accueillir ces personnes, d’entendre l’expression de leurs désirs, mais aussi de leurs souffrances, de leur dire qu’elles sont aimées de Dieu, qu’elles ont leur place dans l’Église, et en même temps de les aider à relire leur histoire sous l’éclairage de la foi, à comprendre comment Dieu s’est engagé dans leur mariage sacramentel, à faire le lien avec le sacrement de l’eucharistie. Un tel accompagnement est onéreux, mais il permet à ces personnes de comprendre qu’elles ont un chemin de sainteté à suivre, un chemin qui tient compte de la réalité objective de leur situation.
Ainsi accompagnées, ces personnes peuvent comprendre le sens de ce qui leur est demandé. En acceptant humblement de participer à l’eucharistie sans communier, elles posent un acte d’obéissance et de fidélité à l’Église et au Christ. D’une certaine façon, elles se présentent devant le Seigneur en lui disant : « Seigneur, je reconnais qu’aujourd’hui ma vie n’est plus en cohérence avec le signe de l’Alliance, mais je sais que tu ne me réduis pas à cet aspect de ma vie et que tu m’appelles toujours à te suivre. En me présentant devant toi comme le publicain de l’Évangile (Cf. Lc 18, 9-14), je viens te dire mon désir de fidélité ». Si les aléas de la vie ont fait que le vœu de fidélité au conjoint n’a pas été tenu, ces personnes peuvent malgré tout exprimer leur désir de fidélité au Christ. Loin de tomber dans l’autojustification, elles manifestent leur soif de Dieu et leur foi en la médiation de l’Église, tout en faisant de leur désir de communion une offrande spirituelle.
Ce chemin spirituel n’est possible que dans le cadre d’une pastorale qui aide les fidèles à « participer activement » à l’eucharistie. Or c’est là, me semble-t-il, la vraie difficulté pastorale aujourd’hui. Alors que le concile Vatican II, insistant sur les deux dimensions de sacrifice et de repas de l’eucharistie, parlait de la participation des fidèles en articulant l’offrande et la communion (Cf. Constitution sur la Sainte Liturgie, 48), nous avons massivement fait abstraction de sa dimension sacrificielle en même temps que se généralisait la communion systématique des fidèles. L’immense majorité de nos pratiquants ignorent qu’ils sont invités, de par leur baptême, à offrir le Sacrifice du Christ au Père et à renouveler l’offrande spirituelle de leur vie. Dans un tel contexte, parler de participer à l’eucharistie sans communier devient incompréhensible.
Mon expérience m’a conduit à m’émerveiller devant la façon dont les personnes remariées civilement peuvent découvrir le sens profond de l’eucharistie. Leur « désir de communion » (cette expression me paraît plus juste que celle de « communion spirituelle ») ne prend sens que dans le prolongement de cette offrande – pour une part douloureuse – qui est en même temps l’expression d’un désir profond et d’une tension vers la pleine communion. Leur participation à l’eucharistie devient même un témoignage pour nous tous qui communions parfois avec désinvolture; un témoignage situé dans le prolongement de l’engagement de leur mariage. Elles manifestent qu’elles prennent au sérieux l’indissolubilité du mariage et donc la fidélité indéfectible du Christ pour son Église. Loin d’être une punition, le fait de ne pas communier devient une mission.
Certains ont proposé de réfléchir à un chemin pénitentiel qui précéderait l’accès aux Sacrements. Ne risque-t-on pas de séparer d’une manière très subjective ceux qui ont des circonstances atténuantes de ceux qui n’en ont pas ? Même s’il faut effectivement prendre en compte la diversité des situations, la question, me semble-t-il, est ailleurs. Lorsque Jésus parle à la Samaritaine de sa situation conjugale, il ne juge pas son passé, il l’aide à voir la réalité de sa situation présente : « Celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ». Ainsi, va-t-il la conduire sur un chemin spirituel, non pas en faisant abstraction de sa situation, mais en l’intégrant jusqu’à faire d’elle un témoin : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait » (Jn 4, 29).
Gageons que l’Esprit Saint saura nous guider vers des solutions pastorales qui n’altèrent pas la lisibilité et la radicalité du signe de l’Alliance. »
Mgr Olivier de Germay - Evêque d'Ajaccio pour la Corse – le 30 mai 2015
Voir également de Mgr Olivier de Germay :
La « Communion de désir des Divorcés remariés » selon Mgr Olivier de Germay
La Prière de Mgr Olivier de Germay de consécration de la Corse à la Vierge Immaculée « Vierge Marie, Immaculée Conception, Reine de la Corse »
« Le Mariage est un signe et un chemin d’Alliance pour avancer vers le Royaume des Cieux » de Mgr Olivier de Germay pour le Synode des Évêques sur la Famille en octobre 2015