Voici une Prière pour le Mercredi des Cendres afin d’entrer pleinement dans la Sainte Quarantaine du Carême « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière » du Révérend Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887), Prêtre oratorien ordonné en 1824 puis Vicaire et Curé à Paris de Saint-Louis d'Antin et de Saint-Roch et enfin Supérieur Général de l'Oratoire de France de 1852 à 1884.
La Prière du Père Louis Pététot pour le Mercredi des Cendres « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière » :
« Quand un voyageur entreprend un long voyage dans des pays inconnus, il cherche un guide pour le conduire. Seigneur, nous commençons un long voyage, de quarante jours, dans les grandes régions, dans les régions célestes des vérités saintes, des pensées éternelles. Nous avons bien besoin d'un guide qui nous accompagne, nous dirige, nous soutienne ; car pour nous les vérités éternelles sont comme un monde inconnu que, par nous-mêmes, nous ne pouvons comprendre, où il nous est impossible de pénétrer. Esprit-Saint, soyez donc notre Guide pendant cette longue et sainte carrière ; c'est avec joie que nous l'embrassons ; nous sommes heureux de ce saint exercice de la méditation, qui chaque matin nous rappellera près de Vous. Mais ne nous abandonnez pas : que pourrions-nous sans Vous ? Secourez-nous comme de pauvres voyageurs qui entrent dans des pays inconnus. Soyez notre conducteur, notre lumière, notre soutien ; venez Vous-même affermir notre marche dans la voie de la justice et de la vérité.
Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière.
Voilà la grande Parole que l'Église adresse aujourd'hui à chacun d'entre nous. Elle m'a été dite à moi en particulier ; je l'ai entendue au moment où l'on répandait sur moi, sur ma tête, quelques grains de poussière : Souviens-toi que tu es semblable à ce peu de poussière que je verse sur ta tête ; c'est de là que tu viens, c'est là que tu retourneras. Ô mon Dieu, c'est là une Parole trop grave, trop solennelle, pour que je puisse l'oublier ; Vous, Vous voulez que je m'en souvienne, que je la médite devant Vous. Voilà donc ce que je suis ! Si je consulte la vanité humaine, si j'interroge mon orgueil sur ce que je suis, que me dira-t-il ? Il me dira que je suis quelque chose de grand peut-être, qui mérite la considération, un être distingué, doué de connaissances, d'esprit ; il me dira qu'en m'estimant moi-même j'use de mon droit, et que les autres ont le devoir de m'accorder la même estime, et qu'on manque à ce qu'on me doit quand on ne m'entoure pas d'égards ; qu'on me fait une grande injustice quand on me refuse la part abondante de respect qui m'est due. Voilà ce que me dit et me répète chaque jour l'orgueil humain que je porte en moi. Mais si j'interroge maintenant la Religion, la Vérité, j'entendrai un langage bien différent : Tu es poussière, pas autre chose ! Ô Seigneur, cette Parole est bien propre à rabaisser la fumée de l'orgueil, à dissiper les nuages et les vapeurs de la vaine gloire. Je suis poussière ! Ah ! Comme Vous savez bien guérir nos maladies ! Vous corrigez, Vous étouffez notre amour-propre sous un grain de poussière ! Quand je rapproche mes projets, mes désirs, mes pensées de ce grain de poussière que je suis, quand je compare mes exigences, mes prétentions à ce que pèse ce grain de poussière qui me représente toute ma vraie valeur, comme je me parais vain et ridicule ! Voyez-vous ce grain de poussière qui s'élève, qui se gonfle autant qu'il peut pour être quelque chose ! Il essaye de faire du bruit pour qu'on le remarque, et, quand il passe inaperçu, il se révolte, il s'en prend à chacun de ce qu'on lui refuse l'attention qui lui est due ; il est froissé, il s'irrite, il se précipite contre un autre grain de poussière aussi vain que lui ; alors commence une lutte acharnée, une lutte d'orgueil entre deux grains de poussière. Ô mon Dieu ! Si je voyais dans les airs deux atomes combattre l'un contre l'autre avec des prétentions hautaines, comme ils me paraîtraient ridicules et méprisables ! Et cependant voilà les hommes, d'après les enseignements de la religion : des atomes se disputant une gloire aussi vaine qu'éphémère. Ainsi mon orgueil est l'orgueil d'un grain de poussière, mes prétentions sont celles d'un grain de poussière, ma colère est aussi sotte que celle d'un atome. Quelle pitié, et cependant voilà ce que je suis, au témoignage de l'éternelle Vérité !
Ô Seigneur, si je pouvais devenir modeste, petit, humble à mes yeux ! J'aurai beau faire, je ne serai jamais qu'un grain de poussière, car cette Parole sera éternellement vraie. Mon Dieu, faites-moi comprendre cette Parole d'humilité, cette Vérité salutaire. Comme Elle me ferait du bien ! Que de fautes je me serais épargnées, si je pouvais me résoudre à comprendre que je ne suis qu'un grain de poussière ! Alors que m'importerait le mépris des hommes ? A un grain de poussière, qu'importe qu'on le foule aux pieds ? Seigneur, Seigneur, je sens au fond de mon âme mon orgueil qui se révolte, qui ne peut consentir à être si peu de chose. Chargez-Vous donc Vous-même de le lui faire comprendre, et forcez-le d'avouer qu'il n'est pas autre chose qu'un grain de poussière.
Et maintenant, dans cette pensée si humiliante pour l'orgueil humain, je trouve, ô mon Dieu, de grandes consolations, de véritables sentiments de confiance et d'espérance. Oui, car si je veux y consentir, si je reconnais que je ne suis qu'un grain de poussière, alors Vous ne me repousserez pas, Vous aurez pitié de moi, Vous ne vous armerez pas contre moi de toute votre Fureur ; mais, au contraire, Vous aurez pour moi, qui suis si petit, une immense Compassion ; Vous m'épargnerez dans Votre sévère justice, car que pouvez-Vous faire contre un grain de poussière ? Quelle gloire pouvez-Vous en tirer, si Vous ne le prenez en pitié ? Oui, Seigneur, je veux trouver ma sécurité dans mon néant ; je veux m'anéantir, m'abaisser, être si peu de chose à Vos yeux, quelque chose de si peu de valeur aux miens, que je ne puisse pas en nourrir mon orgueil. Qu'un géant se dresse devant Vous, Vous l'abaissez justement : car nul orgueil ne doit subsister devant Vous ; mais moi je ne suis pas un géant, je ne suis qu'un grain de poussière qui Vous demande Grâce, qui Vous supplie de ne pas l'écraser tout à fait. Comment cette humilité ne Vous toucherait-elle pas ? Voilà donc la pensée que je vais emporter dans mon cœur, que je vais conserver pendant cette journée, et dont je veux me souvenir pour obéir à l'Église, ma Mère. Je me souviendrai que je suis poussière. Quand m'en souviendrai-je ? Quand je sentirai mon orgueil vouloir me faire accroire autre chose ; je m'en souviendrai quand les hommes m'oublieront, quand ils ne feront plus attention à moi ; je me dirai : Quoi d'étonnant ? Je suis un grain de poussière. Quand les hommes me choqueront, me chasseront, me mépriseront, je me dirai : Est-ce étonnant qu'on méprise un grain de poussière ? Si même les hommes mettent le pied sur ma tête, s'ils m'outragent de manière à me courber jusqu'à terre, alors je me souviendrai que je suis poussière, et je me dirai : La poussière est-elle bonne à autre chose, sinon à être foulée, écrasée sous les pieds ? Donc je suis à ma place.
Mon Dieu, voilà ma résolution ; elle a quelque chose de si généreux, de si fort, que je sens bien qu'elle ne vient pas de moi ; c'est Vous qui me l'inspirez, c'est Vous aussi qui pouvez me la faire accomplir ; car une résolution forte, prise par un être faible, resterait vaine et inutile s'il était laissé à sa propre faiblesse. Mais Vous, qui êtes un Être si fort, Vous soutiendrez l'être faible, Vous le rendrez capable de grandes choses, Vous le rendrez fort en dépit de lui-même. Je veux commencer par l'humilité du cœur, qui doit être la base de toute ma piété. Je Vous demande votre Grâce, afin de ne pas laisser à l'amour propre son funeste empire sur moi. Je veux m'efforcer d'étouffer cette susceptibilité misérable qui a été pour moi la source de tant de peines, et qui m'a fait commettre tant de fautes !
Ô Très Sainte Vierge, je Vous invoque au commencement de cette sainte carrière. Vous êtes la Mère des Chrétiens, la Mère de notre Dieu, l'Épouse du Saint-Esprit, le Refuge des pécheurs. Vous avez été remplie de lumière, Vous avez pratiqué toutes les vertus, Vous êtes notre Modèle, ne nous abandonnez pas. J'entreprends un grand ouvrage, c'est la réforme de moi-même. Je veux devenir bon, digne de Dieu, digne de ses Grâces, digne de ses Pensées sur moi, digne de Vous, qui êtes notre Mère et notre Modèle. Vous tenez en Vos mains tous les Trésors du Ciel, versez-Les sur nous avec abondance, afin que cette Sainte Quarantaine soit pour nous une carrière de ferveur et de sanctification ».
Ainsi soit-il.
R. Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887) - « Méditations sur tous les Evangiles du Carême et de la Semaine de Pâques » : Première méditation : le Mercredi des Cendres : Dispositions dans lesquelles l'Église nous invite à entrer pour bien profiter de cette Sainte Quarantaine, p. 121-127, Librairie Poussielgue Frères (1889)
Voir également du Très Révérend Père Louis-Pierre Pététot :
- La Prière du R. P. Louis-Pierre Pététot « Jusques à quand, Seigneur, te serai-je infidèle ? »
- La Prière de M. l'Abbé Louis Pététot « Ô Marie qui fut ici-bas comme nous une enfant »
- La Prière du Révérend Père Pététot « Viens, ô Jésus Rédempteur, réparer Ton ouvrage »
- Les conseils aux malades sur l'usage des Sacrements dans la maladie du R. P. Pététot « Confessez-vous et Communiez saintement au début et dans le cours d'une maladie sérieuse »
- La Prière d’un agonisant du R. P. Louis-Pierre Pététot « Seigneur, je sais que je mourrai prochainement »
- Les devoirs de ceux qui entourent le malade du R. P. Pététot « Je n'ose lui parler d'un Prêtre, je crains de l'effrayer »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Mercredi des Cendres « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Premier Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, que ma foi est pauvre ! »