Site-Catholique.fr
home Actualités Messes Sermons Prières Chapelets Chemins de Croix Sacrements Livres Humour
×

Sermon pour la Veille de Noël

Sermons - Homélies - Méditations > pour Noël

Voici le Sermon pour la Veille de Noël sur le Livre de l’Exode « Vous saurez aujourd’hui que le Seigneur viendra, et au matin vous verrez sa Gloire » « Hodie scietis quia Dominus veniet, et mane videbitis gloriam ejus » (Ex. XVI, 6-7) donné le 24 décembre 1613 par Saint François de Sales (1567-1622) né au château de Sales près de Thorens-Glières, Prince et Évêque de Genève résidant à Annecy, Docteur de l'Église Catholique Romaine et Fondateur de l’Ordre de la Visitation



Marie-Jesus-Noel.jpg

Le Sermon de Saint François de Sales pour la Veille de Noël « Vous saurez aujourd’hui que le Seigneur viendra, et au matin vous verrez sa Gloire » :

« La Très Sainte Église a accoutumé de nous préparer dès la veille des grandes Solennités, afin que nous venions à être plus capables de reconnaître les grands Bénéfices que nous avons reçus de Dieu en Elles. En la primitive Église, les Chrétiens fidèles qui voulaient rendre en quelque façon satisfaction à Notre-Seigneur du Sang qu’Il avait fraîchement répandu en mourant sur la Croix, avaient un très grand soin de bien employer le temps des Fêtes et de les solenniser le mieux qu’il se pouvait ; et pour ce sujet il n’y avait presque point de Fête qui n’eût sa Vigile, en Laquelle ils commençaient à se préparer pour la Solennité. Et non seulement cela s’est fait en l’Église, mais encore en l’ancienne Loi, le jour du Sabbat étant toujours précédé de plusieurs préparations que l’on faisait le jour devant.

La Très Sainte Église nous voulant donc faire préparer en la Vigile du Saint Jour de Noël, et, comme une mère très aimable, ne nous voulant laisser surprendre d’un si grand Mystère, nous dit ces Paroles (dans l’Invit. De Matines et l’Introït de la Messe) : « Vous saurez aujourd’hui que Notre Seigneur viendra » demain ; qui est autant à dire : Il naîtra demain, et vous Le verrez tout petit enfant couché dans une crèche. (Lc II, 12) Ces Paroles sont tirées de celles que Moïse adressa aux enfants d’Israël lorsqu’il sut le jour que Dieu avait destiné pour leur donner la manne dans le désert. Les ayant fait assembler Il leur parla donc ainsi : Vous saurez au soir que le Seigneur vous a retirés de la terre d’Egypte, et au matin vous verrez la Gloire du Seigneur (Ex. XVI, 6, 7) ; qui est autant que s’Il eût dit : Il viendra demain au matin. Il parle ainsi comme si le Seigneur devait venir en Sa propre Gloire, bien que nous sachions tous que Dieu ne va et ne vient pas comme s’Il avait un corps, car Il est immuable, ferme et solide, sans mouvement aucun ; néanmoins Moïse use de ces termes pour montrer que le bénéfice de la manne était si grand qu’il semblait que Dieu dût venir Lui-même pour la porter et distribuer aux enfants d’Israël. C’est pourquoi Il prit soin de faire que les Israélites se préparassent par la considération d’un si grand bénéfice, pour se rendre plus dignes de Le recevoir. De même l’Église nous disant : « Vous saurez aujourd’hui que le Seigneur viendra » demain, ne prétend autre chose sinon de faire que nous enfoncions nos entendements en la considération de la grandeur du Mystère de la Très Sainte Nativité de Notre-Seigneur.

Ce que pour mieux faire, nous humilierons premièrement nos entendements, reconnaissant qu’ils ne sont nullement capables de pouvoir pénétrer dans le fond de la grandeur de ce Mystère, qui est un Mystère vraiment Chrétien. Je dis Chrétien, d’autant que nuls que les Chrétiens n’ont jamais su comprendre comme il se pouvait faire que Dieu fut homme et que l’homme fut Dieu. Tous les hommes ont toujours eu une certaine inclination à croire que cela se peut et qu’il se ferait ; mais pourtant, nuls que les Chrétiens ne sont parvenus à connaître comment il se pourrait faire. Je sais bien qu’en l’ancienne Loi il y avait les Prophètes et certains personnages grands et relevés qui le savaient, mais quant au commun des hommes, nul ne le pouvait comprendre. Entre les païens, cet instinct qu’ils avaient que Dieu fût homme et que l’homme fût Dieu leur a fait faire des choses étranges, jusque-là qu’ils croyaient, au moins quelques-uns, de se pouvoir faire dieux et se faire adorer comme tels du reste des hommes. Car ils pensaient que si bien il y avait un Dieu suprême qui est le premier principe de toutes choses, il pouvait néanmoins y avoir plusieurs dieux, ou du moins des hommes qui, participant en quelque façon aux qualités divines, se pouvaient appeler dieux. Alexandre le Grand étant à l’article de la mort, ses courtisans, fous, insensés et flatteurs, lui vinrent dire : « Sire, quand te plaît-il que nous te fassions dieu ? » Alors Alexandre montra bien, en la réponse qu’il leur fit, qu’il n’était pas si fou comme eux : « Vous me ferez dieu quand vous serez Bienheureux » leur répondit-il (Quint. Curt., De Gestis Alex. Mag., l. X, avant moitié). Comme s’il eût voulu dire : Il n’appartient pas à des hommes malheureux, périssables et mortels de faire des dieux, qui ne peuvent être que Bienheureux et Immortels.

Les Chrétiens ont été plus éclairés, et ont eu l’honneur de savoir que l’homme a été fait Dieu et que Dieu s’est fait homme, bien qu’ils ne soient pas capables de comprendre la grandeur du Mystère de l’Incarnation et de la Très Sainte Nativité de Notre-Seigneur, car c’est un Mystère caché dans l’obscurité des ténèbres de la nuit ; non pas que le Mystère soit ténébreux en soi-même, car Dieu n’est que Lumière (Jn. I, 5, 9 ; I Jn, I, 5). Mais comme l’on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumière ou la clarté du soleil sans s’obscurcir (de sorte qu’après s’être voulu appliquer à regarder cette lumière nous sommes contraints de les fermer, n’étant pas capables de rien voir pour quelque temps), de même, ce qui nous empêche de comprendre le Mystère de la Très Sainte Nativité de Notre-Seigneur n’est pas qu’il soit ténébreux en soi-même, mais parce qu’il n’est que Lumière et Clarté. Et notre entendement, qui est l’œil de notre âme, ne Le peut regarder longuement sans s’obscurcir, et confesser en s’humiliant qu’il ne peut pénétrer dans le fond de ce Mystère, pour comprendre comme Dieu s’est incarné dans le ventre virginal de la Très Sainte Vierge, et s’est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu.

Dieu faisait pleuvoir de nuit la manne dans le désert pour les enfants d’Israël (Nb. XI, 9) ; et afin que les Israélites eussent plus de sujet de Lui en savoir gré, Il voulut dresser Lui-même le festin et la table, car vous avez entendu que Moïse dit : Vous saurez que le Seigneur vous a retirés de l’Egypte, et au matin vous verrez sa Gloire. Il faisait donc descendre premièrement du Ciel une douce rosée qui servait de nappe dans le désert, puis soudain la manne tombait comme petits grains de coriandre. Et puis, pour montrer qu’il les servait honorablement comme on sert maintenant les princes, à plats couverts, il faisait pleuvoir une petite rosée qui conservait la manne jusqu’au matin que les Israélites la venaient promptement cueillir avant que le soleil fût levé (Ex. XVI, 13-14, 21, 31 ; Nb. XI, 7-9 ; Sg. XVI, 27-28). Dieu voulant de même faire un bénéfice signalé et incomparablement aimable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un désert, où ils ne font que soupirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est notre Patrie céleste, vient Lui-même en Personne nous l’apporter, et ce au plus fort de la nuit (Sg. XVIII, 14-15). Ce Bénéfice n’est autre que la Grâce qui nous sert pour acquérir la jouissance de la Gloire et Félicité, de Laquelle nous étions privés pour jamais sans ce Don qu’Il nous a fait de sa Grâce. C’est donc en l’obscurité, de la nuit que Notre-Seigneur naquit et se fit voir à nous comme un petit enfant couché dans une crèche, ainsi que nous Le verrons demain.

Mais considérons un peu, je vous prie, comme cela se fit. La Très Sainte Vierge produisit son Fils virginalement, ainsi que les étoiles produisent leur lumière. Or, Notre-Dame porte en son Nom la signification d’Étoile de mer ou d’Étoile matinière. « Étoile de mer », c’est l’étoile du pôle vers laquelle tend toujours l’aiguille marine ; c’est par elle que les nochers sont conduits sur mer et qu’ils peuvent connaître où tendent leurs navigations. Chacun sait que les anciens Pères de l’Église, les Patriarches et les Prophètes ont tous regardé cette étoile polaire et dressé leur navigation à sa faveur. Ç’a toujours été le nord de tous les nochers qui ont navigué sur les ondes de la mer de ce misérable monde, pour s’empêcher des naufrages ordinaires des navigations des mondains.

La Très Sacrée Vierge est aussi cette Étoile matinière (Cf. Nb. XXIV, 17) qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la Venue du vrai Soleil (Lc. I, 78). Tous les Prophètes ont su que la Vierge concevrait et enfanterait un enfant (Is. VII, 14) qui serait Dieu et homme tout ensemble ; Elle concevrait, mais par la Vertu du Saint Esprit (Lc. I, 35) ; Elle concevrait son Fils virginalement et L’enfanterait de même virginalement. Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Notre-Seigneur dût violer l’intégrité de sa Mère, Lui qui ne L’avait choisie sinon parce qu’Elle était Vierge ? Lui qui était la Pureté même eût-Il pu diminuer ou entacher la Pureté de sa Très Sainte Mère ? Notre-Seigneur est engendré et produit virginalement de toute éternité du sein de son Père Céleste ; car si bien Il prend la même divinité de son Père éternel, Il ne la divise pourtant pas, mais demeure un même Dieu avec Lui. La Très Sainte Vierge produit son Fils Notre-Seigneur virginalement en terre comme Il fut produit de son Père éternellement au Ciel, avec cette différence néanmoins, qu’Elle Le produit de son sein et non pas dans son sein, car dès qu’Il en fut sorti Il n’y rentra plus ; mais son Père céleste L’a produit de son sein et en son sein, car Il y demeurera éternellement.

Ceci ne doit pas être épluché ni considéré curieusement, et il ne faut pas alambiquer nos entendements après la recherche de cette divine production, qui est un peu trop haute pour eux. Il est bon pourtant de s’en servir pour fondement des méditations que nous faisons sur le Mystère de la Nativité de Notre-Seigneur. C’est donc à juste raison que la Très Sainte Vierge a un Nom qui signifie Étoile, car tout ainsi que les étoiles produisent leur lumière virginalement et sans en recevoir aucun détriment en elles-mêmes, mais en paraissent plus belles à nos yeux, de même Notre Dame produisit cette Lumière inaccessible (I Tim. VI, 16), son Fils très Béni, sans en recevoir aucun détriment ni souiller aucunement sa Pureté virginale ; mais avec cette différence néanmoins, qu’Elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les étoiles, ainsi que l’on voit, car elles produisent leur lumière par secousses et, ce semble, avec violence et forcement.

Je remarque en second lieu que la manne avait trois sortes de goûts qui lui étaient propres et particuliers, outre ce qu’elle avait tous les goûts que l’on eût pu souhaiter (Sg. XVI, 20, 25), car si les enfants d’Israël avaient envie de manger du pain, la manne avait le goût du pain ; s’ils désiraient de manger des perdrix et autre telle chose quelle qu’elle fût, la manne avait quant et quant ce goût-là. La plupart des Pères sont en doute si tous, tant les mauvais que les bons, participaient à cette faveur ; mais que cela soit ou non, la manne avait le goût particulier ou la saveur de la farine, du miel et de l’huile (Ex. XVI, 31 ; Nb. XI, 8). Ce qui nous représente les trois substances qui se trouvent en ce très béni Enfant que nous verrons demain couché dans une crèche. Et comme ces trois goûts ou saveurs se trouvaient en une seule nourriture qui était la manne, de même en la Personne de Notre-Seigneur il y a Trois Substances, Lesquelles toutes Trois ne font qu’une même Personne, qui est Dieu et homme tout ensemble.

En ce très Béni Poupon se trouve la nature divine, la nature de l’âme et celle du corps. En la manne était le goût du miel, qui est une liqueur céleste ; car si bien les abeilles cueillent le miel de sur les fleurs, elles ne tirent pourtant pas le suc des fleurs, mais cueillent et ramassent avec leur petite bouchette le miel qui descend du ciel avec la rosée, et seulement en un certain temps de l’année. De même, la Nature divine de Notre-Seigneur vint et descendit du Ciel à l’heure même de son Incarnation sur cette bénite fleur de la Très Sainte Vierge Notre Dame, où la nature humaine L’ayant recueillie L’a conservée dans la ruche des entrailles de la Glorieuse Vierge l’espace de neuf mois, après lesquels Il a été transporté dans la crèche où nous Le verrons demain.

Le goût de l’huile qui se rencontrait en la manne nous représente la nature de la Très Sainte Âme de Notre Seigneur. Qu’est-ce autre chose Sa très bénite Âme qu’une huile, un baume, une odeur répandue (Ct. I, 2) qui console infiniment l’odorat de tous ceux qui s’en approchent par la considération de son excellence ? Ô quelle odeur répandit-Elle en présence de la divine Majesté à Laquelle Elle se voyait unie sans l’avoir mérité ni pu mériter d’Elle-même ! Ô quels actes de parfaite Charité, de profonde Humilité ne produisit-Elle pas en ce même instant de cette sacrée et incomparable Union qu’Elle eut avec le Verbe éternel à l’heure même de l’Incarnation ! Et pour nous autres, quel parfum, quelle odeur, quelle senteur d’une suavité incomparable n’a-t-Elle pas répandu pour nous inciter à la suite et à l’imitation de ses Perfections (Ct. I, 3) !

Enfin le goût de la fleur de farine qui se rencontrait encore en la manne représente cette autre partie de la Très Sainte humanité de Notre Seigneur, Son corps adorable, Lequel ayant été moulu sur l’arbre de la Croix, a été fait un Pain très précieux qui nous nourrit pour la Vie Éternelle (Jn. VI, 55). Ô Pain savoureux, quiconque Vous mangera dignement vivra éternellement et ne pourra jamais mourir de la mort éternelle (Jn VI, 50, 52, 55, 59). Ô que ce Pain a un goût incomparablement délectable pour les âmes qui Le mangent dignement ! Quelle délectation, je vous prie, de se nourrir du Pain descendu du Ciel, du Pain des Anges ! (Ps. LXXVII, 23-25 ; Sg. XVI, 20 ; Jn. VI, 33, 41, 50, 51, 59) Toutefois, ce qui Le rend plus délectable est l’Amour avec lequel il nous est donné par Celui même qui est le Don et le Donateur tout ensemble. Mais afin que je ne m’arrête pas tant sur ces deux premiers points qui servent pour l’exercice de notre entendement, je passe outre pour parler du troisième qui contient quelque petite chose propre à enflammer notre volonté.

Je remarque en passant que de tout le peuple alors en grand nombre à Bethléem, il n’y eut que des simples bergers qui vinrent visiter Notre-Seigneur, et puis après eux les Rois Mages, qui vinrent de fort loin pour adorer et prêter hommage à Notre nouveau Roy couché dans une crèche. Les Anges ayant annoncé la nouvelle de cette heureuse Naissance donnèrent des enseignes admirables aux pasteurs : Allez, dirent-ils, et vous trouverez l’Enfant emmailloté en des langes et couché dans une crèche (Lc. II, 8-12). Dieu, quelles enseignes sont celles-ci pour faire reconnaître Notre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïvement ce qui leur était annoncé ! Les Anges eussent eu quelque raison de se faire croire s’ils eussent dit : Allez, vous trouverez l’Enfant assis sur un trône d’ivoire et entouré de courtisans célestes qui Lui tiennent compagnie. Mais ils disent : Votre Sauveur est né à ces enseignes : vous Le trouverez dans une crèche, entre des animaux et emmailloté dans des langes.

Pourquoi pensez-vous que les Anges s’adressèrent aux bergers plutôt qu’à nul autre qui fût en Bethléem ? Non pour autre cause, sinon parce que Notre Seigneur, étant venu comme Pasteur et le Roy des Pasteurs (I P. V, 4), ne voulait favoriser que Ses semblables. Mais qu’est-ce que représentent ces bergers ? Les uns disent qu’ils représentent les Pasteurs de l’Eglise, comme sont les Evêques, les Supérieurs des Religions, les Curés et tous ceux qui ont charge d’âmes ; c’est l’opinion d’une partie des Saints Pères que Notre Seigneur révèle plus particulièrement ses Mystères à ceux-là, d’autant qu’ils sont commis de la part de Dieu pour les faire ensuite entendre à leur troupeau, aux âmes qui leur sont commises. Quelques autres (St Bernard, IIIème Homélie sur la Nativité de la Vierge) disent que ces bergers représentent les Religieux et tous ceux qui font Profession de prétendre à la Perfection. Or, si un chacun de nous est berger et pasteur, quel est, peut-on dire, notre troupeau et quelles sont nos brebis ? Ce sont nos passions, nos inclinations, nos affections, les facultés de notre âme. Mais remarquez qu’il n’y eut que les bergers qui veillaient sur leur troupeau (Lc. II, 8) qui eurent l’honneur et la grâce d’ouïr cette gracieuse nouvelle de la Naissance de Notre Seigneur, pour nous montrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j’ai dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de notre âme, pour les faire repaître dans quelque saint pâturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne mériterons point d’ouïr cette nouvelle tant aimable de la Naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l’aller visiter dans la crèche où Sa très bénite Mère Le posera demain.

Ô que c’est un Mystère grandement suave que Celui de la Très Sainte Nativité de Notre Seigneur ! Tous et un chacun y peut rencontrer un grand sujet de consolation ; mais plus ceux qui seront mieux préparés et qui auront, à l’imitation de ces bergers, bien veillé sur leur troupeau (Lc, II, 8). Hélas, nous étions indignes de savoir comme quoi nous les devions bien conduire et ranger, mais Notre Seigneur, comme bon Pasteur (Jn. XX, 11, 14) et Berger très aimable de nos âmes, qui sont Ses brebis pour lesquelles Il a tant fait, vient nous enseigner Lui-même ce que nous devons faire. Ô que nous serons heureux si nous L’imitons fidèlement et si nous suivons l’Exemple qu’Il nous vient donner. Mais qu’est-ce qu’Il fait, ce très doux Enfant ? Regardez-Le couché dedans la crèche : Vous Le trouverez, disent les Anges, emmailloté dans des langes. Hélas, Il n'avait point besoin d’être ainsi bandé. Certes, l’on a accoutumé d’emmailloter les enfants parce qu’étant encore tendres, s’ils n’étaient bandés et serrés il y aurait danger qu’ils ne prissent quelque mauvais détour et par ce moyen fussent rendus contrefaits. On les bande encore afin qu’ils ne viennent à se gâter les yeux ou le visage, ayants la liberté d’y porter les mains pour se frotter quand ils voudraient, n’ayants pas l’usage de la raison pour s’en abstenir ainsi qu’il serait requis. Mais Notre Seigneur, qu’y avait-il à craindre pour Son regard, vu qu’Il avait l’usage de raison dès l’instant de Sa conception ? Il ne pouvait prendre nul détour, Lui qui est la Droiture même. Ô Dieu, quelle Bonté de cet aimable Sauveur ! Il s’est soumis à faire tout ce que font les autres enfants, pour ne paraître autre chose qu’un pauvre petit poupon, sujet à la nécessité et loi de l’enfance. Il pleure vraiment, mais ce n’est point de tendreté sur Lui-même, ce n’est point par amertume de cœur, mais tout simplement pour se conformer aux autres enfants (Cf. Sg. VII, 3).

Je considère que, outre cette raison pour laquelle Notre Seigneur voulut être bandé et emmailloté et sujet à sa Très Sainte Mère, de telle sorte qu’Il se laisse manier, porter et emmailloter tout ainsi qu’Il Lui plaît, sans témoigner nulle répugnance, il y a encore un autre sujet qui L’a mu à ce faire : c’est pour nous apprendre à gouverner et régir notre troupeau spirituel, c’est à dire nos passions, nos affections et les facultés de notre âme. Mais entre toutes nos facultés il y en a deux lesquelles sont comme le principe d’où dépendent toutes les autres, à savoir, la concupiscible et l’irascible. Toutes les autres puissances, facultés et passions semblent être sujettes à ces deux facultés et ne se remuent que par leur commandement. La concupiscible est celle qui nous fait aimer et désirer ce qui nous semble être bon et profitable ; c’est elle qui nous fait réjouir en la prospérité et qui nous fait attrister en l’adversité, en la mortification et en tout ce qui répugne à la propre volonté. Quant à l’irascible, elle produit les chagrins, les répugnances, les émotions de colère, le désespoir et ainsi des autres. Or, tout ceci Notre Seigneur veut que nous apprenions de Lui à Le ranger sous la domination de la raison. Et tout ainsi que nous Le voyons emmailloté et serré dans des bandelettes et maillots par Sa très bénite Mère, Il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et enfin toutes nos puissances tant intérieures qu’extérieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte Obéissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous-mêmes, de crainte d’en mésuser, sinon autant que l’Obéissance nous le pourra permettre.

Voyez de grâce ce très doux Enfant Lequel se laisse tellement gouverner et conduire par Sa très bénite Mère qu’Il semble véritablement qu’Il ne puisse en façon quelconque faire autrement ; ce n’est pour autre sujet, mes chères âmes, sinon pour nous montrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obéissance. Hélas, Notre Seigneur ne pouvait pas mésuser de Sa volonté ni de Sa liberté ; néanmoins Il a voulu que tout fût caché sous les maillots, et la science et la sapience (Col. II, 3) éternelle, avec tout ce qu’Il avait en tant que Dieu, égal à son Père, comme l’usage de raison, le pouvoir de parler et bref tout ce qu’Il devait faire ayant atteint l’âge de trente ans. Tout sans réserve fut clos et caché sous le voile de la sainte Obéissance qu’Il portait à son Père, qui L’obligeait à n’être en rien dissemblable aux autres enfants, ainsi que dit Saint Paul (Heb. II, 17), qu’il a été de besoin qu’Il fut en tout semblable à Ses frères.

Qu’avons-nous de plus à dire sinon que le Mystère de la Nativité de Notre Seigneur est un Mystère de la Visitation ? Comme la Très Sainte Vierge alla visiter Sa cousine Sainte Elizabeth, de même il nous faut aller fort souvent le long de cette Octave visiter le Divin Poupon couché dans la crèche, et là nous apprendrons de ce souverain Pasteur des bergers à conduire, gouverner et ranger nos troupeaux, de sorte qu’ils soient agréables à sa Bonté. Mais comme les bergers ne L’allèrent pas voir sans doute sans Lui porter quelques petits agnelets, il ne faut pas que nous y allions les mains vides, mais il nous faut porter quelque chose. Qu’est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce Divin Berger qui Lui fut plus agréable que le petit agnelet de notre amour, qui est la principale partie de notre troupeau spirituel, car l’amour est la première passion de l’âme. Ô qu’Il nous saura bon gré de ce présent, mes chères Sœurs, et que la Très Sainte Vierge le recevra avec une grande consolation pour le désir qu’Elle a de notre bien ; ce Divin Enfant nous regardera sans doute de Ses yeux bénins et gracieux pour récompense de notre présent, et pour témoignage du plaisir qu’Il en recevra. Ô que nous serons heureux si nous visitons ce cher Sauveur de nos âmes ; nous en recevrons une consolation nonpareille, et tout ainsi que la manne avait le goût qu’un chacun eût pu désirer, de même chacun peut trouver de la consolation en visitant ce Poupon très aimable.

Les bergers Le visitèrent et ils en reçurent une Joie très grande, s’en retournant chantant les louanges de Dieu et annonçant à tous ceux qu’ils rencontraient ce qu’ils avaient vu (Lc. II, 20). Mais Saint Joseph et la Très Glorieuse Vierge reçurent des consolations indiciblement plus grandes, parce qu’ils Lui assistèrent et demeurèrent arrêtés à sa Présence pour Le servir selon leur pouvoir. Ceux qui s’en allèrent et ceux qui demeurèrent furent tous consolés, mais non pas également, mais un chacun selon sa capacité.

Anne, Mère de Samuel, demeura longuement sans avoir des enfants, ce qui lui causait une si grande bizarrerie que l’on ne la trouvait jamais de même humeur (I R. I, 18) ; car quand elle voyait des femmes qui se réjouissaient avec leurs enfants, elle se lamentait et se chagrinait de ce qu’ elle n’en avait pas, et quand elle en voyait quelques-unes qui se plaignaient de leurs enfants, elle se réjouissait de ce que Dieu ne lui en donnait point ; mais dès qu’elle eut le petit Samuel, dès lors on ne la vit jamais plus inégale. Nous avions quelques excuses sans doute de nous chagriner et être changeants en nos humeurs tandis que nous n’avions pas cet Enfant tant aimable qui nous vient de naître ou qui naîtra demain ; mais désormais il ne nous sera plus loisible, puisqu’en Lui consiste tout le sujet de Notre joie et de Notre bonheur.

Les abeilles n’ont aucun arrêt tandis qu’elles n’ont point de roi : elles ne cessent de voleter par l’air, de se dissiper et égarer, n’ayants presque nul repos dans leur ruche ; mais dès aussi tôt que leur roi est né, elles se tiennent ramassées tout autour de lui et ne sortent que pour la cueillette et, ce semble, par le commandement ou congé de leur roy. De même nos sens, nos puissances intérieures, les facultés de notre âme, comme des abeilles spirituelles, jusqu’à tant qu’elles aient un roi, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elles aient choisi Notre Seigneur nouveau-Né pour leur Roy, elles n’ont aucun repos. Nos sens ne cessent de s’égarer et d’attirer nos facultés intérieures après eux pour se dissiper tantôt après ce sujet qu’elles rencontrent, puis tantôt sur un autre, et ainsi ce n’est qu’une continuelle perte de temps, travail d’esprit, inquiétude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité tant nécessaire à nos âmes. Mais dès qu’elles ont choisi Notre Seigneur pour leur Roy, elles doivent, à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se ranger auprès de Lui et ne sortir jamais de leur ruche, sinon pour la cueillette des exercices de charité qu’Il leur commande de pratiquer à l’endroit du prochain ; et soudain après se retirer et ramasser auprès de ce Roy tant aimable, pour ménager et conserver le miel des saintes et amoureuses conceptions qu’elles tirent de la Présence sacrée de Notre souverain Seigneur, Lequel, par des simples regards qu’Il fait sur nos âmes, cause en elles des ardeurs et affections nonpareilles de Le servir et aimer toujours plus parfaitement.

C’est la Grâce que je vous désire, mes chères âmes, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de Lui, afin de nous tenir toujours sous l’étendard de Sa très sainte Protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roi des abeilles, qui en a un tel soin que l’on dit qu’il ne sort jamais de sa ruche sans être entouré de tout son petit peuple. Sa Bonté nous veuille faire la Grâce que nous entendions Sa voix, ainsi que les brebis celle du pasteur (Jn. X, 27), afin que le reconnaissant pour Notre souverain Pasteur, nous ne nous égarions et n’écoutions celle de l’étranger qui se tient près de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous dévorer (I P. V, 8) ; et que de même nous puissions avoir la fidélité de nous tenir soumis obéissants et sujets à ses Volontés et Commandements, ainsi que les avettes font avec leur roi, afin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la Grâce de Dieu nous ferons éternellement au Ciel, où nous conduisent le Père et le Fils et le Saint Esprit ».

Ainsi soit-il.


Saint François de Sales (1567-1622) – Sermon du 24 décembre 1613 pour la Veille de Noël

Jesus-Marie-Joseph-Noel.jpg

Les Saintes Messes de Noël :
- La « Messe de la Vigile de Noël » le 24 décembre
- La « Messe de Minuit » entre le 24 et le 25 décembre
- La « Messe de l’Aurore » de Noël le 25 décembre
- La « Messe du Jour » de la Nativité du Seigneur le 25 décembre
- La « Messe du Dimanche » dans l’Octave de la Nativité

Sainte-Creche-de-Noel.jpg

Voir le Jour de la Nativité du Seigneur le 25 décembre :
- Les « 150 Prières pour le Jour de Noël » le 25 décembre
- Tous les « Sermons, Homélies et Méditations pour le Jour de Noël » sur la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ

Francois-de-Sales.jpg

Lire également de Saint François de Sales :
- La Prière à « Saint Joseph » de Saint François de Sales
- La Prière pour une « future mère » de Saint François de Sales
- La Prière « Ayez mémoire et souvenance, très douce Vierge, que Vous êtes ma Mère » de Saint François de Sales
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Très Sainte Vierge pleine de Grâce et Demeure du Seigneur »
- La Prière sur la Présentation de Marie de St François de Sales « Ô Marie qui marchait en Ta voie sans tâche de péché »
- La Prière de Saint François de Sales « Je crie vers Toi, ô mon Dieu »
- La Prière de Saint François de Sales « Quoi qu'il arrive Seigneur, je Vous aime ! »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Seigneur, qui me délivrera si ce n'est Vous ? »
- La Prière de Saint François de Sales « Gardez-vous bien surtout de ne pas quitter la Main et la Protection du Père Céleste »
- La Prière de St François de Sales du Matin « Ô mon Dieu, je Vous remercie de m'avoir conservé cette nuit »
- La Prière du Soir de St François de Sales « Mon Dieu, je me présente humblement à Vous pour Vous rendre compte de cette journée »
- La Prière de St François de Sales « Ô ma Reine, soyez mon Avocate auprès de votre Fils »
- La Prière de François de Sales face à la mort « Ô mon Dieu, que cette vie est trompeuse et que ses consolations sont courtes »
- La Prière de François de Sales sur la mort d’un petit enfant « Laissons nos enfants à la Merci de Dieu qui a laissé le Sien à notre merci »
- La Prière de François de Sales « Ô Saints Anges Gardiens de mes bons parents, amis, bienfaiteurs et serviteurs affectionnés et fidèles »
- La Prière d’une femme enceinte de François de Sales « Ô Père infiniment Bon, bénissez-moi avec l'enfant qu'il Vous plaira de me donner »
- La Prière de François de Sales avant la Confession sur la Contrition de nos péchés « Ô Seigneur, je me prosterne à Vos pieds et implore votre Miséricorde comme un autre Prodigue et une pauvre Madeleine »
- La Prière de François de Sales avant la Confession pour bien connaître nos péchés « Ô Seigneur, faites-moi voir la quantité et l'énormité de mes maux »
- L’Acte de Foi de François de Sales avant la Sainte Communion « Ô mon Sauveur et mon Dieu, je crois fermement que c'est Vous-même qui êtes en cette Sainte Hostie »
- La Prière de St François de Sales pour s’exercer à la Paix « Ô Seigneur, je veux m’exercer à la douceur dans les rencontres et les contrariétés quotidiennes »
- L’Acte d’Espérance de François de Sales avant la Sainte Communion « Ô mon âme, jetons toutes nos espérances dans le Cœur de Jésus »
- La Prière de Saint François de Sales dans son agonie juste avant sa mort « Ô mon Dieu et mon Tout, mes gémissements ne Vous sont point inconnus »
- L’Acte d’Humilité de François de Sales avant la Sainte Communion « Ô divin Sauveur, suppléez à toutes mes indignités et à toutes mes misères »
- L’Acte de Contrition de François de Sales avant la Sainte Communion « Ô mon doux Sauveur, je ne puis me cacher la multitude de mes péchés »
- La Prière de Saint François de Sales lors de la Présentation de Jésus au Temple « Ô Jésus, remplissez notre cœur du baume sacré de votre Nom divin »
- La Prière avant de Communier de Saint François de Sales « Ô mon Sauveur, venez donc et prenez possession de mon cœur »
- La Prière pour demander une Grâce par l’Intercession de Marie de Saint François de Sales « Ô ma Mère, Vous êtes contrainte de m'accorder ce que je Vous demande et d'acquiescer à mes gémissements »
- La Prière de Saint François de Sales pour se préparer à sa mort « Seigneur, recevez-moi en votre Protection pour le jour de la mort »
- La Prière à Saint Joseph de Saint François de Sales « Bon Saint Joseph, ayez pitié de nos gémissements et de nos larmes »
- La Prière d'amour pour la Communion de Saint François de Sales « Ô doux Jésus, combien mon âme doit être embrasée d'amour pour Vous »
- Le Sermon de Saint François de Sales pour le Dernier Dimanche de l’Avent « Puisque Notre divin Sauveur est proche, que faut-il faire pour nous préparer à son Avènement ? »
- La Prière de désir de la Sainte Communion de Saint François de Sales « Venez, Seigneur Jésus, venez en moi »
- Le Sermon de Saint François de Sales pour la Veille de Noël « Vous saurez aujourd’hui que le Seigneur viendra, et au matin vous verrez sa Gloire »


Le « Notre Père » commenté par Saint François de Sales :
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, qui êtes aux Cieux »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, que Votre Nom soit Sanctifié »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, que Votre Règne arrive »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, que Votre Volonté Sainte soit faite en moi »
- La Prière de Saint François de Sales « Donnez-nous, ô Père Éternel, notre Pain Supersubstantiel »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, ne nous induisez point en tentation »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, délivrez-nous du mal »
- La Prière de Saint François de Sales « Ô Père Éternel, je viens maintenant devant Vous avec Votre Saint Fils pour qu’il en soit ainsi »