Voici la Méditation du Mercredi de Pâques sur la Troisième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres dans l’Évangile selon Saint Jean XXI, 1-14 « Oui, Seigneur, Vous voulez que je marche enfin seul comme Vos Apôtres » du Révérend Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887), Prêtre Oratorien ordonné en 1824 puis Vicaire et Curé à Paris de Saint-Louis d'Antin et de Saint-Roch et enfin Supérieur Général de l'Oratoire de France de 1852 à 1884.
La Méditation du Mercredi de Pâques sur la Troisième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Jean XXI 1-14) du R-P Louis Pététot « Oui, Seigneur, Vous voulez que je marche enfin seul comme Vos Apôtres » :
POINT I : Pourquoi Notre-Seigneur, qui s'était montré constamment à ses Apôtres avant la Passion, qui ne se montre à eux que rarement après sa Résurrection, cesse-t-Il tout à fait de se faire voir à eux lorsqu'ils se livrent à la Prédication Évangélique ? Raison de cette conduite différente.
POINT II : Dieu agit de même envers nos âmes. Il y a une époque où il est bon qu'Il nous fasse sentir sa Présence ; il y en a une autre où il est bon qu'Il nous quitte. Cet éloignement n'est qu'apparent ; il est, en réalité, pour l'âme fidèle la source des plus grandes Grâces.
RÉSOLUTION : Imiter les Apôtres, qui, privés de la Présence du Sauveur, ont su mieux que jamais travailler et souffrir pour Lui.
Je Vous adore, ô mon Dieu, non plus dans Vos humiliations et dans Vos souffrances, mais dans votre Triomphe et dans votre Gloire. Vous avez beaucoup souffert pour moi, mais enfin Vous avez remporté la Victoire, et c'est nous qui sommes l'objet de cette Victoire, nous sommes les dépouilles que Vous avez arrachées à la mort.
Vous nous avez sauvés, nous allions périr, Vous avez combattu notre ennemi, Vous l'avez exterminé, et Vous nous avez rendu la vie et les biens de la Grâce. Ici, ô mon Dieu, une pensée bien humiliante vient affliger mon cœur. Qu'ai-je fait de tous les Biens que Vous m'avez mérités par votre Mort et votre Résurrection ? Combien de fois ne Les ai-je pas sacrifiés ! Combien de fois n'ai-je pas rendu inutiles tous Vos travaux, Vos souffrances, votre Croix et votre Mort ! Ô Dieu, que votre Bonté et votre Patience ne se fatiguent pas ! Ne Vous éloignez pas de moi, ô Seigneur ; que deviendrais-je sans Vous ? N'êtes-vous pas ma vie ? Oui, Seigneur, je veux Vous appartenir ; je gémis sincèrement à Vos pieds de toutes mes faiblesses, je les confesse humblement, je Vous les expose, à Vous qui avez guéri tant de malades, qui avez ressuscité tant de morts ; venez donc me guérir, me sauver de moi-même, et que ma résurrection soit le prix de la Vôtre.
Je savais, dit le Sage, que je ne pourrais posséder la Sagesse, à moins que Dieu me La donnât. Et c'est déjà un effet de la Sagesse que de savoir quel est Celui qui peut me La donner. Je m'adresse donc à l'Esprit de Sagesse, et je La Lui demande de tout mon cœur. N'est-ce pas une vérité tous les jours mieux démontrée, que je ne puis avoir la Sagesse si Vous ne me La donnez ? Vous La donnez, Seigneur, à ceux qui La désirent, j'en ai la preuve. Que de lumières répandues dans mon intelligence, que de bonnes pensées, que d'inspirations Saintes, que de bons désirs n'ai-je pas senti naître dans mon cœur qui ne venaient pas de moi et ne pouvaient descendre que de votre Esprit Divin ? Aujourd'hui encore, Seigneur, faites-moi part de cette Sagesse, sans Laquelle je ne puis que m'égarer.
L'Évangile d'aujourd'hui nous raconte la Troisième Apparition de Notre-Seigneur à ses Apôtres. En observant la conduite de ce Divin Maître, on remarque trois époques bien différentes, et qui sont marquées par des caractères tout à fait distincts : avant sa Résurrection, après sa Résurrection et après son Ascension.
Avant sa Résurrection, sa mort et sa Passion, Il est continuellement avec ses Apôtres ; Il en est entouré, Il ne les quitte jamais, Il passe avec eux trois années, les jours et les nuits. Après sa Résurrection, Il leur apparaît, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre ; ici dans un chemin, là dans le cénacle, une autre fois sur le bord de la mer ; mais ce ne sont que des apparitions, le plus habituellement Il est éloigné de Ses disciples. Enfin, lorsque le moment de quitter la terre est arrivé, Il les réunit une dernière fois, leur donne Sa dernière Bénédiction, leur dit un dernier Adieu, puis Il les quitte pour toujours.
Les Apôtres vont prêcher l'Évangile, mais Jésus-Christ n'est plus avec eux d'une manière sensible. Il leur avait dit : Il est utile, il est expédient pour vous que je m'en aille. Et pendant tout le temps de leur Prédication Évangélique, les Apôtres ont été privés de leur Maître. Pourquoi cette conduite ? Il est facile de le comprendre. Quand Notre-Seigneur a choisi ses Apôtres, ils étaient grossiers, ignorants, étrangers à toutes les choses de Dieu ; il fallait donc les instruire, les éclairer, les préparer sans relâche. Après la Résurrection, il fallait les disposer à la grande séparation ; Notre-Seigneur ne pouvait les abandonner aussitôt. Il était bon, il était nécessaire que Notre-Seigneur se montrât encore à eux pour fortifier leur Foi, pour les consoler, pour leur donner du courage, et aussi pour achever de les instruire.
Vient enfin un troisième moment : les Apôtres sont disposés à la lutte, leurs grands travaux vont commencer. Notre-Seigneur en a fait des hommes tout nouveaux ; alors le temps des consolations, des joies spirituelles est passé : ils entrent dans une phase nouvelle, celle des épreuves et des souffrances.
Les Apôtres ne sont plus des enfants, ce sont des hommes faits, vigoureux, intrépides ; les joies du cœur, qui sont le lait des enfants, ne leur sont plus nécessaires : désormais ils sont prêts à tout sacrifier pour leur Maître ; désormais s'ouvre pour eux l'ère de l'héroïsme et du martyre.
N'est-ce pas encore ainsi, ô mon Dieu, que Vous en agissez envers les âmes ? Il y a dans la vie d'une âme trois époques : l'époque de la Conversion, l'époque de la Fidélité et l'époque de la Perfection.
Lorsqu'une âme revient à Vous, Seigneur, Vous l'accueillez avec Bonté, Vous lui accordez beaucoup de Grâces, beaucoup de Joies spirituelles, parce qu'il s'agit de la gagner, de lui faire comprendre que le cœur est fait pour Vous, et que c'est en Vous Seul qu'elle trouvera le vrai Bonheur. Alors ce sont des tendresses inexprimables ; ce sont des larmes de consolation, si pleines de douceur, qu'on ne les échangerait pas pour toutes les joies de la terre. Oh ! Que cette âme se trouve heureuse au service de Dieu ! C'est que Dieu veut la gagner.
Mais du moment qu'elle est revenue à Dieu, dès qu'elle a renoncé au mal et qu'elle marche dans la voie du Bien, Dieu change de conduite à son égard. Il veut la faire sortir de l'enfance spirituelle. Pour cela que fait-Il ? Il cesse de faire sentir sa Présence, Il disparaît, mais non pas tout à fait, Il se montre encore de temps en temps ; les consolations, d'abord continuelles, ne reviennent plus que par intervalle, assez pour que cette pauvre âme ne soit pas entièrement sevrée. La Prière, la Maison de Dieu, la Sainte Communion lui feront parfois encore sentir Dieu dans son cœur ; mais peu à peu Il se retire pour la préparer à une séparation plus pénible encore : en attendant, dans ce demi-abandon, elle s'affermit dans la Fidélité, dans le service désintéressé de Dieu.
Enfin arrive la troisième époque, où tout à coup Dieu se cache et disparaît pour ne plus revenir. On ne Le voit plus, on ne Le sent plus, on ne Le goûte plus ; alors la sécheresse, le dégoût, l'amertume, toutes les sévérités de la piété mettent l'âme, pour ainsi dire, au martyre et la tiennent dans un état voisin de la mort. C'en est fait : le temps des consolations est passé, il ne reviendra peut-être jamais plus ; on n'aura plus que quelques rayons fugitifs, comme lorsque le soleil perce un instant les nuages pour éclairer la campagne, avant de s'abîmer dans la nuit. Alors il faut travailler péniblement, avec fatigue ; il faut inonder la terre de sueurs. Et de cet état douloureux on ne sort, pour ainsi dire, plus ; ce qui le rend surtout pénible, c'est qu'il semble qu'on est loin de Dieu. C'est tout au plus si on a le sentiment de Sa bonne volonté. On en vient à douter de soi-même ; facilement on croirait qu'on est retombé dans l'abîme du mal, que Dieu est irrité, mécontent, qu'Il se venge, qu'Il retire sa Grâce, qu'Il ne nous soutient plus, qu'Il nous abandonne pour toujours. Quel martyre que cet état ! Et pourtant c'est le plus parfait de tous.
Une âme qui reçoit des consolations, c'est une âme qui commence à marcher, qui est encore dans l'enfance du Bien. Une âme qui n'a plus de consolations et continue cependant de servir Dieu, c'est une âme forte, une âme sur laquelle Dieu compte, qu'Il croit capable de tout ce qu'il y a de plus difficile, de plus héroïque dans la voie des Vertus. Les consolations sont un soulagement, c'est un rayon de miel que Dieu donne au voyageur qui n'a pas encore ou qui n'a plus la force de marcher ; mais celui qui n'en a pas besoin, en même temps qu'il est plus fort, il est aussi plus parfait ; la Vertu qu'on pratique au milieu des aridités, des dégoûts, est bien plus haute, plus excellente.
Quelle leçon pratique à recueillir pour moi de cette conduite divine ! Oui, ô mon Dieu, quand j'y réfléchis, je le comprends, Vous ne me récompenserez pas pour les consolations que j'aurai goûtées dans Votre service ; comment les consolations seraient-elles dignes d'une récompense ? Mais les aridités que j'aurai souffertes, les sacrifices que j'aurai accomplis, les difficultés que j'aurai surmontées, ma persévérance à marcher dans la solitude et dans la nuit : voilà, Seigneur, ce qui m'attirera Vos récompenses. Faites-moi bien comprendre ces Vérités, Seigneur ; jusqu'ici je ne les ai pas comprises, je ne suis vraiment qu'un enfant devant Vous, tant j'ai besoin d'être heureux dans Votre service pour croire que je suis à Vous, et que Vous êtes à moi. Quand la joie s'en va, il me semble que je perds tout. Quand mes devoirs me coûtent, je regarde cette disposition comme un fatal augure, comme un indice de Votre éloignement.
Ah ! Que j'ai besoin de profiter de la lumière que me donne l'Évangile d'aujourd'hui ! Oui, Vous voulez que je marche enfin seul, comme Vos Apôtres ; Vous faites comme une mère attentive, prévoyante, bonne, qui ne tient son petit enfant par la lisière que pour lui apprendre à marcher, et qui, voyant ce moment arrivé, lui retire d'abord une main, ensuite l'autre, et l'abandonne entièrement dès qu'il marche seul. Est-ce que sa mère ne l'aime plus, parce qu'elle ne le tient plus par la main ? N'est-ce pas, au contraire, une preuve d'amour de lui apprendre à se passer d'elle et de ses soins assujettissants, continuels ?
C'est ainsi que Vous en agissez avec moi, ô mon Dieu ? Vous ne voulez donc pas que j'attache une grande importance à ces consolations. Vos consolations, ce n'est donc pas Vous ? C'est donc à moi que Vous dites cette Parole, comme à vos Apôtres : Il est important pour vous que je m'en aille, c'est-à-dire que je vous laisse un peu en vous cachant ma Grâce, toujours présente sans doute, mais sèche et sans douceurs ; surtout il est important que je vous laisse goûter les difficultés du Bien, afin de vous apprendre à les vaincre et à les surmonter.
Ô Dieu, quelle erreur était donc la mienne dans ces tristesses, ces inquiétudes, que j'ai éprouvées si souvent, lorsque Vous avez semblé Vous éloigner de moi ! Dorénavant, Seigneur, je veux comprendre Votre conduite à mon égard ; je me tiendrai dans l'humilité toujours, dans le découragement, jamais. J'aurai confiance en Vous, et je saurai que si Vous ne me consolez pas toujours, toujours Vous me soutiendrez, et c'est ce que je Vous demande, ô mon Dieu. Oh ! Gardez Vos consolations, puisqu'elles ne me sont pas nécessaires ; gardez-les, puisqu'elles pourraient me nuire ; gardez Vos tendresses pour le Ciel ; mais donnez-moi votre Secours et protégez-moi jusqu'à la fin de ma carrière. Je travaillerai sans tourment, jamais je ne me lasserai d'espérer en Vous ; je surmonterai les obstacles, je vaincrai les difficultés, je Vous prouverai ainsi, par la générosité de mes efforts, que je veux imiter vos Apôtres, qui, après avoir été privés de Vous, ont souffert pour Vous et sont morts pour Vous.
Ainsi soit-il.
Révérend Père Louis-Pierre Pététot (1801-1887) - « Méditations sur tous les Évangiles du Carême et de la Semaine de Pâques » : Cinquantième Méditation du Mercredi de Pâques sur la Troisième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Jean XXI 1-14), p. 352-360, Librairie Poussielgue Frères (1889)
Voir la Prière du Mercredi de l’Octave de Pâques « Ô mon Dieu, Vous méritez bien qu'on ne parle et qu'on n'agisse que pour votre Gloire et votre Amour » de l’Abbé Jean-Baptiste La Sausse
Voir également du Très Révérend Père Louis-Pierre Pététot :
- La Prière du R. P. Louis-Pierre Pététot « Jusques à quand, Seigneur, Te serai-je infidèle ? »
- La Prière de M. l'Abbé Louis Pététot « Ô Marie qui fut ici-bas comme nous une enfant »
- La Prière du Révérend Père Pététot « Viens, ô Jésus Rédempteur, réparer Ton ouvrage »
- Les conseils aux malades sur l'usage des Sacrements dans la maladie du R. P. Pététot « Confessez-vous et Communiez Saintement au début et dans le cours d'une maladie sérieuse »
- La Prière d’un Agonisant du R. P. Louis-Pierre Pététot « Seigneur, je sais que je mourrai prochainement »
- Les devoirs de ceux qui entourent le malade du R. P. Pététot « Je n'ose lui parler d'un Prêtre, je crains de l'effrayer »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Mercredi des Cendres « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Premier Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, que ma foi est pauvre ! »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Deuxième Dimanche de Carême « Seigneur, préservez mon âme de toutes souillures »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Troisième Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, je prends la résolution au Saint Temps de Carême »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Quatrième Dimanche de Carême « Ô mon Dieu, comme le Ciel me paraît désirable quand je regarde la terre »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche de la Passion « A ma place que ferait, que dirait, que voudrait Jésus-Christ ? »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche des Rameaux « Seigneur, n’ai-je pas trop méconnu, négligé, profané le Sacrement de votre Autel ? »
- La Prière du Révérend Père Louis Pététot pour le Jeudi Saint « Ô mon Sauveur, présent dans la Sainte Eucharistie, en ce Jour où l'Église célèbre l'Institution de ce Divin Mystère »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Vendredi Saint « Ô Croix du Calvaire, apprends-moi à détester le mal, à me repentir, et à le chasser de mon cœur »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Dimanche de Pâques « Je me jette à Vos pieds, comme Madeleine, et comme elle je Vous dis : Rabboni »
- La Prière du Père Louis Pététot pour le Lundi de Pâques sur le chemin d'Emmaüs « Ô mon Dieu, je ne Vous vois pas, et cependant je crois en Vous »
- La Méditation du Mardi de Pâques sur l’Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Luc XXIV, 36-47 ) du R-P Louis Pététot « Ô mon Dieu, quelle est l'impression que je dois ressentir en votre divine Présence ? »
- La Méditation du Mercredi de Pâques sur la Troisième Apparition de Notre-Seigneur Ressuscité à ses Apôtres (Jean XXI 1-14) du R-P Louis Pététot « Oui, Seigneur, Vous voulez que je marche enfin seul comme Vos Apôtres »