Voici une réflexion sur le Jeune homme riche (Mt. XIX, 13-21) et sur le Scribe s’approchant de Jésus « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » (Mt. VIII, 19-20) pour mieux discerner sa Vocation donnée par Dom Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) Abbé régulier et réformateur du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie, auteur de « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles » d’où est extraite cette réflexion.
« Alors un scribe, s’approchant, Lui dit : Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez. Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer Sa tête » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre VIII, versets 19-20)
« Jésus lui dit : Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le Ciel ; puis viens, et suis-Moi » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre XIX, verset 21)
La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé :
Seigneur, Vous êtes venu sur la terre pour le Salut des pécheurs, et pour faire rentrer dans la voie de la vérité, ceux qui avaient eu le malheur de s'en séparer et de la perdre ; c'est ce que Vous nous avez déclaré Vous-même, lorsque Vous nous avez dit, que Vous étiez venu pour appeler les pécheurs, et non pas les Justes : Non veni vocare justos, sed peccatores.
Toute votre conduite nous fait voir que Vous n'êtes pas venu dans le monde, pour juger les hommes, mais pour leur donner la Grâce de faire leur Salut, comme Vous l'avez déclaré Vous-même : Non enim misit Deus Filium suum in mundum, ut judicet mundum, sed ut salvetur mundus per ipsum.
Cependant, Seigneur, il parait par la manière dont Vous parlez à ce Docteur, qui Vous promet de Vous suivre partout où il Vous plaira d'aller, que votre dessein est de lui en ôter la pensée, en lui représentant les difficultés qui l'empêchent d'en entreprendre l’exécution : car si quelque chose était capable de l'en détourner, c'est cette pauvreté, ce dépouillement, cette privation que Vous lui montrez d'abord ; aussi elle n'eut point d'autres suites, et on ne voit pas qu'il Vous fit de secondes instances, pour obtenir de Vous ce qu'il Vous avait demandé ; N'était-ce pas dire à cet homme, je n'ai rien à vous donner, pour vous loger, pour vous coucher, pour manger, ni pour boire.
Mais ce n'était pas là votre intention, comme le secret de son cœur Vous était connu, et que Vous saviez qu'il avait des dispositions, qui n'étaient pas celles qu'il faisait paraître, Vous avez voulu nous apprendre deux choses, l'une qu'il faut éprouver les esprits, et qu'il ne faut point donner sa créance à tous ceux qui nous abordent avec des promesses et des paroles agréables : Nolite omni spiritui credere, sed probate spiritus si ex Deo sunt. L'autre que peu de gens sont capables d'entrer dans le dégagement nécessaire à ceux qui veulent faire profession de Vous suivre.
Par la première, Seigneur, Vous nous donnez deux avis d'une grande importance, car lorsque des personnes se présentent pour s'engager dans des Congrégations et des Sociétés Saintes, c'est un point de conséquence de s'assurer, si c'est Vous qui les appelez, ou s'ils y viennent conduits par le mouvement de leur propre esprit, afin de les admettre ou de les exclure, car si ce n'est point Vous qui êtes l'auteur de leur vocation, leur engagement n'aura que des suites malheureuses, et troublera le repos de ceux qui les auront reçus.
Ainsi lorsqu'on les rejette sur la connaissance que l'on a qu'elles n'ont pas les dispositions nécessaires, dont la principale est celle de leur vocation, on fait deux biens considérables ; l'un en préservant la Communauté des désordres et des confusions que sans doute un mauvais sujet y aurait causées : l'autre en garantissant ce mauvais sujet des maux qu'il aurait commis, et des inconvénients, où il serait tombé par le dérèglement de sa conduite, qui lui aurait attiré de votre part une condamnation rigoureuse ; et on lui aurait attribué ces paroles du Prophète : In terra Sanctorum iniqua gessit, et non videbit gloriam Domini.
Il a vécu avec iniquité dans la terre des Saints, cela fera cause qu'il ne verra point la Gloire du Seigneur. C'était le sort de cet homme inconsidéré qui étant frappé par vos miracles voulait s'engager à Vous suivre, par des considérations purement humaines.
Mais aussitôt que Vous lui eûtes exposé les conditions de l'engagement qu'il voulait prendre, en lui faisant voir la pauvreté dans laquelle Vous viviez ; il quitta ses résolutions, et on n'entendit plus parler de lui.
Pour l'autre raison, Seigneur, s'il n'est que trop vrai, qu'il y a très peu de personnes capables de Vous suivre, c'est qu'il y en a très peu qui le veulent ; car ceux qui en ont une volonté effective, en ont le pouvoir. Quand la plus grande partie de ceux qui auraient envie de Vous suivre, apprennent ce qu'il faut qu'ils fassent, ils en perdent aussitôt et le goût et la pensée, les renoncements, les dépouillements, et les privations dans lesquelles il faut qu'ils entrent, les étonnent, et leur volonté qui est encore faible, ne saurait s'accommoder d'une abnégation d'une si grande étendue.
C'est ce qui arriva à ce jeune homme, qui Vous étant venu trouver afin d'apprendre de Vous ce qu'il fallait qu'il fît, pour acquérir la Vie Éternelle ; et ayant connu par vos paroles que pour être parfait, il lui fallait vendre tous ses biens, les distribuer aux pauvres, et tout abandonner pour Vous suivre, cette déclaration le jeta dans la tristesse, et il Vous quitta.
C'est ce qui Vous obligea, Seigneur, de dire à vos Disciples, qu'il est difficile qu'un homme riche entre dans le Royaume du Ciel : Cum audisset autem adolescens verbum, abiit tristis : erat enim habens multas possessiones (Matt. XIX, 22). Ainsi soit-il.
Abbé Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu VIII, 19-20 et XIX, 13-21 : Réflexion pour mieux discerner sa Vocation , pages 214-218, chez F. Muguet, 1699
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé