Voici une réflexion sur la Vocation de Matthieu, le Publicain et collecteur d’impôts « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » (Matthieu IX, 9) pour devenir un Saint Apôtre et le Premier des Évangélistes donnée par Dom Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700), Abbé régulier et réformateur du Monastère Notre-Dame de la Trappe de l’étroite observance de l’Ordre de Cîteaux dans le diocèse de Seez en Normandie et auteur de « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles » d’où est extraite cette réflexion.
« Jésus, sortant de là, vit un homme, appelé Matthieu, assis au bureau des impôts. Et Il lui dit : Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » (Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, chapitre IX, verset 9)
La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé :
Seigneur, Vous ne faites point de distinction de l'état, de la qualité, et de la condition des personnes. La Vocation est un pur effet de votre Grâce, et de votre bon plaisir. Pourvu que la volonté soit pleine et entière, et qu'on abandonne toutes choses pour Vous suivre, sans restriction, sans ménagement, sans réserve, Vous n'en demandez pas davantage.
Quelle instruction, Seigneur, ne trouve-t-on point dans la manière, dont cet homme écoute votre parole, et reçoit l'ordre que Vous lui donnez. Cet homme, dis-je, qui selon toutes les apparences n'avait aucune éducation, occupé dans un emploi tout humain, tout terrestre, et beaucoup plus propre à étouffer ses lumières, s'il en eut eu, qu'à lui en donner, voit dans un coup d'œil, que tout le mieux qu'il peut faire, est d'écouter votre parole, et de Vous suivre.
S'il y a rien, qui demandât quelque délai, quelque temps avant que de se déterminer, c'est l'occasion présente. Il était question de changer d'état, de profession, et d'abandonner toute la suite de sa fortune ; cependant rien ne l'arrête, il prend sa résolution sur le champ, et le bonheur qu'il envisage à Vous obéir, lui tient lieu de toutes choses.
C'est, Seigneur, avec beaucoup de fondement que Vous avez dit aux Scribes, aux Pharisiens, aux Princes des Prêtres, que les Publicains et les femmes de mauvaise vie les précèderaient, et entreraient dans le Royaume de Dieu à leur exclusion. Amen dico vobis, quia publicani et meretrices præcedent vos in regnum Dei (Matt. 21, 31).
Cet exemple qui devait faire de profondes impressions sur tous ceux qui en furent les témoins, et qui devait leur faire comprendre, qu'il fallait que celui qui s'attirait une obéissance si entière et si prompte, de ceux dont il n'y avait point d'apparence de l'espérer, était un homme d'une Vertu extraordinaire, rencontre dans les Pharisiens une dureté inflexible ; Ils en prennent occasion, Seigneur, d'examiner votre conduite, et de la condamner ; ils trouvent à redire, que Vous mangiez avec des Publicains et avec des pécheurs. Et videntes pharisæi, dicebant discipulis ejus : Quare cum publicanis et peccatoribus manducat magister vester ? (Matt. 9, 11)
Ce qui marque évidemment, que lorsque le cœur est corrompu, il ne voit plus rien, qu'au travers de sa corruption ; il n'y a plus rien de juste dans les fonctions de son esprit, dans les actions de sa raison ; il ne voit plus les choses comme elles sont en effet, tout est chez lui dans la confusion, dans le désordre, et on n'aperçoit dans ses jugements que témérité et qu'extravagance.
Ces aveugles blâmaient une action qui avait pour motif une charité et une bonté infinie ; Vous Vous abaissiez véritablement, Seigneur, en Vous trouvant parmi ces hommes, dont la vie et la conduite était répréhensible ; mais pouvait-on ne se pas imaginer que Vous agissiez en cela par des motifs et des considérations extraordinaires ? Pouvait-on ne pas voir, que Celui dont la vie était toute éclatante par sa Sainteté, par la grandeur, et par le nombre des prodiges et des miracles qu'on Lui voyait faire, n'était pas capable d'approuver l'iniquité de ceux avec lesquels on Le voyait converser ?
Enfin la malignité de vos ennemis Vous oblige de Vous justifier, et de déclarer que Vous ne faisiez rien en cela, que par des raisons saintes, et que Vous n'aviez été envoyé sur la terre, que pour appeler les pécheurs et non pas les justes, et pour remettre dans la voie de la vérité ceux qui l'avaient abandonnée ; Vous permîtes qu'on formât contre Vous cette accusation, afin de faire connaître à tout le monde, que c'était l'amour que Vous aviez pour le Salut des hommes, qui Vous portait à rechercher ceux dont les âmes étaient devenues malades, et languissantes par le péché, afin de leur rendre la santé, qu'elles avaient perdues ; et pour fermer à jamais la bouche à vos ennemis par cette déclaration. Ainsi soit-il.
Abbé Armand Jean Bouthillier de Rancé (1625-1700) - « Réflexions morales sur les Quatre Évangiles », Évangile de Saint Matthieu IX, 9 : Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu, pages 241-245, chez F. Muguet, 1699
Voir la Prière à Saint Matthieu le Publicain, Apôtre et Premier des Évangélistes « Ô Saint Matthieu, obtenez-nous d'être fidèles à l'Appel de Dieu et de quitter tout généreusement, si aujourd'hui nous entendons sa Voix » du R. P. Dominique Bouix
Voir également du Père Abbé de Rancé :
- La Paraphrase du Psaume 6 « Seigneur, dont l'indignation m'est beaucoup plus redoutable que les plus rigoureux effets de votre Justice » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 31 « Je ne soupire point, Seigneur, après la vaine et trompeuse prospérité des méchants » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 37 « Seigneur, souvenez-Vous plutôt de votre Bonté que de l'excès de mes crimes » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 50 « Considérez, Seigneur, la grandeur de mes maux et qu'ils ont besoin de remèdes extraordinaires » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 101 « Puisque Vous ne pouvez rien accepter que ce qui est Bon et que Vous êtes le principe adorable de tout ce qui porte ce caractère » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 129 « Dans le comble de mes malheurs et du plus profond abîme de mes misères, je pousse des cris vers Vous, mon Dieu » de l’Abbé de Rancé
- La Paraphrase du Psaume 142 « Seigneur, j'expose devant Vous tous les désirs de mon cœur » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Vocation de Saint Matthieu « Suis-Moi. Et se levant, il Le suivit » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour mieux discerner sa Vocation « Maître, je Vous suivrai partout où Vous irez » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur l’Obéissance à la Voix de Dieu « Suis-Moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion dans les violentes Tempêtes des tentations « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion pour contribuer à notre repos et à notre salut « Ayez confiance, Mon fils : vos péchés vous sont remis » de l’Abbé de Rancé
- La Réflexion sur la Parabole du grain de sénevé « Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Ô Seigneur, j’ai le cœur rempli de joie du bonheur qu'il y a à se donner Tout à Vous » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Venez, ô Saint Esprit, Amour du Père et du Fils » de l’Abbé de Rancé
- La Prière « Je prendrai le calice qui opère le Salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Justice de Dieu « Seigneur, tous ceux qui jugent point en votre Nom sont des usurpateurs » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur la Piété « Seigneur, Vous nous commandez de Prier pour nous accorder ce que nous Vous demandons » de l’Abbé de Rancé
- La Prière sur le Paradis « Vous nous apprenez, Seigneur, qu'il n’y a que deux voies » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Protection « Seigneur, que votre Protection nous est nécessaire » de l’Abbé de Rancé
- La Prière de Confiance « Seigneur, que je reçoive de Votre main la maladie, la santé, la vie et la mort, dans une soumission toute égale » de l’Abbé de Rancé
- La Prière pour bien porter sa Croix « Seigneur, Vous avez imposé à tous les hommes la nécessité de porter la Croix » de l’Abbé de Rancé